Journal des Débats politiques et littéraires, 2 janvier 1876

Le Bois du Vésinet,
Pièce en un acte de Delacour, représentée pour la première fois au Théâtre des Variétés, le 28 décembre 1875.

... A la conférence a succédé un vaudeville en un acte, représenté pour la première fois, si je ne me trompe, dans une matinée dramatique. Le sieur Coquillon, marchand de laine en retraite, s'est fait construire dans le bois du Vésinet un chalet où il vit heureux et content avec sa jeune femme, Mme Coquillon. Il y a pourtant un nuage dans son ciel. Les personnes qui éprouvent le besoin de se battre en duel se rendent volontiers au bois du Vésinet, et c'est ordinairement une clairière voisine du chalet de Coquillon qui est le théâtre de leurs exploits.
Ces duels, à la vérité, se terminent souvent par un procès-verbal rédigé par les témoins, où l'héroïsme des deux combattans est célébré comme il convient après quoi on s'en va plumer les canards au restaurant voisin. Mais quelquesfois le dénoûment est moins gai, et alors les témoins ne manquent jamais d'apporter le blessé au chalet, qui se trouve de la sorte transformé en maison de santé.
Il faut donner la meilleure chambre à cette infortunée victime, d'un funeste préjugé, comme dit Coquillon, ou bien lui dresser un lit dans le salon. L'ancien marchand de laine est au désespoir, et d'ailleurs, rien ne lui garantit qu'on ne finira pas par venir plumer les canards chez lui, après avoir pris l'habitude d'y transporter les blessés.
En attendant, nous voyons installé dans la chambre d'honneur du chalet un jeune dénommé Ludovic, qui fait semblant d'avoir reçu six pouces de fer dans la poitrine lorsqu'il n'a eu qu'une légère égratignure mais il lui fallait un prétexte pour ne pas s'éloigner de Mme Coquillon dont il est amoureux.
Condamné au régime du thé et de la tisane, Ludovic s'échappe tous les soirs quand la maison est endormie et s'en va souper copieusement à Paris dans un cabaret à la mode ce qui lui fait une diète mitigée et supportable. Relancé par Mlle Musquette d'abord, et ensuite par deux autres demoiselles, Nini et Tata qui tombent comme des bombes chez Coquillon, le bonhomme a la simplicité de les prendre pour des parentes du blessé, dont les amours se trouvent fort contrariés par cette invasion.
Comment contraindre les trois demoiselles à déloger ?
Survient un soi-disant oncle de Ludovic, un vieux capitaine en retraite qui jure, sacre, bat la générale sur les meubles avec sa canne et met toute la maison sens dessus dessous. Il suffit de dire que Ludovic c'est Berthelier, pour que l'on devine tout de suite que c'est encore Berthelier qui fait le vieux capitaine, au moyen d'un travestissement que lui procure le concierge du chalet. Malheureusement, ce concierge, qui manque de discrétion, trahit le secret de Ludovic, de sorte que le farouche capitaine ressemble bientôt a ces épouvantails disloqués qui ne font plus peur à personne.


Cliché: att. Nadar

Jean François Philibert Berthelier

comédien et chanteur français né le 14 décembre 1830 à Panissières (Loire) et mort à Paris le 29 septembre 1888.
Il débute comme ténor en 1849 à Poitiers dans La Favorite de Donizetti mais est refusé au Conservatoire de Paris. Déçu, il se tourne vers le café-concert (le "Café Charles", le "Beuglant"...) où il devient le roi de la "chansonnette", en composant certaines sous le pseudonyme de Berthal.
Il est remarqué par Jacques Offenbach, qui l'engage aux Bouffes-Parisiens dès leur création. Il y triomphe dans Les Deux Aveugles, Une nuit blanche, Le Violoneux (pour lequel il fait engager Hortense Schneider) et Bataclan.
Après un passage à l'Opéra-Comique (1856-1862), où il crée Barkouf d'Offenbach et Maître Pathelin de François Bazin, il alterne entre le Palais-Royal (La Vie parisienne) et les Bouffes-Parisiens (Les Bergers, L'Île de Tulipatan, La Princesse de Trébizonde, Boule-de-Neige).
Après la guerre de 1870, il se produit aux Nouveautés, à la Gaîté, à la Renaissance et aux Variétés. Son répertoire est celui de l'opéra-comique ou l'opérette, dans des œuvres d'Hervé (La Veuve du Malabar), Lecocq (Les Cent Vierges, Le Petit Duc), Audran (Le Grand Mogol) et Offenbach (Les Braconniers, La boulangère a des écus).

Berthelier et Pradeau sont assez amusants; mais la pièce est d'une forme surannée, avec ses fastidieux couplets du bon vieux temps. On jurerait qu'elle a été écrite il y a une trentaine d'années pour Levassor.

Voir aussi: Delacour ( Alfred-Charlemagne LARTIGUE, dit..); Le Vésinet, terre de duels.


Société d'Histoire du Vésinet, 2009 - www.histoire-vesinet.org