Société d'histoire du Vésinet, 2016

Le Canton du Vésinet (1964-2016)

Né comme ses voisins de Chatou-Croissy, de Sartrouville et Le-Pecq-Mareil-Marly-Fourqueux, de la création du département des Yvelines, décidée par la loi du 10 juillet 1964 et mise en œuvre par le décrêt du 19 septembre 1967. Quelques années plus tard, un article de la revue Connaître les Yvelines proposait, dans sa rubrique Coup d'oeil sur l'histoire des cantons, l'article reproduit ci-dessous. Notice non signée « réalisée avec le concours des Archives des Yvelines », ce texte comportait quelques coquilles que nous avons choisi de corriger plutôt que de les signaler au lecteur. Il comporte aussi quelques approximations historiques que nous laissons à son appréciation. Nous y avons ajouté quelques notes. [1]

    Comme les cantons de Chatou et du Pecq, l'actuel canton du Vésinet est un petit canton, comprenant deux communes (Le Vésinet et Montesson), issu de l'ancien canton de Saint-Germain-en-Laye. Le cadre cantonal n'y correspond donc pas à une particularité d'ordre culturel qui distinguerait Le Vésinet et Montesson des communes voisines. Bien au contraire, une profonde unité géographique et historique unit Montesson et Le Vésinet au Pecq, à Croissy et à Chatou, comme à toutes les communes qui longent la grande boucle de la Seine entre Argenteuil et Maisons-Laffitte. Le découpage cantonal actuel est né de la croissance démographique et de l'urbanisation. Il y a moins d'un siècle, on était encore ici au cœur d'un pays vert conjuguant agriculture et villégiature, mais le charme des lieux et la proximité de la capitale expliquent aisément une évolution qui s'amorçait déjà: "Croissy, Chatou, Le Vésinet, Le Pecq, ce sont là des noms que le travailleur parisien répète souvent pendant les laborieuses années de sa vie ; c'est là qu'il rêve finir ses jours dans une maison blanche et au milieu de la verdure et des fleurs ; ce rêve, longtemps caressé, s'accomplit souvent. La population de ces jolis pays s'accroît chaque année" écrivait Alexis Martin en 1892. [2]
    Chef-lieu du canton depuis 1964, Le Vésinet est une commune aussi récente que son nom est ancien. L'érection du Vésinet en commune n'a, en effet, qu'un peu plus de cent ans puisqu'elle remonte au 31 mai 1875. Son territoire fut composé de morceaux distraits de celui des communes de Chatou, Croissy et Le Pecq. Il n'y avait alors que 1 475 "Vésigondins", selon certaines sources, 2 465 selon d'autres. La progression fut régulière jusqu'en 1968 avec 18 459 habitants. Depuis, la croissance démographique s'est stabilisée avec 17 329 habitants en 1982 contre 18 206 en 1975. En revanche, le nom de Vesiniolum apparaît au début du VIIIe siècle dans une charte du roi mérovingien Childebert III, mais il désignait alors une grande forêt qui n'était qu'une avancée de la grande forêt d'Yveline comme l'étaient à la même époque les forêts de Laye et de Cruye (actuellement forêt de Marly).
    De cette époque lointaine subsiste une légende d'après laquelle Ganelon et ses complices se seraient réunis dans un coin de cette forêt pour y signer, en 778, le pacte par lequel ils juraient la perte du comte Roland, le neveu de Charlemagne. Il est difficile de faire la part de la légende et de la vérité dans cette affaire, mais toujours est-il qu'au début du XIVe siècle une partie du bois du Vésinet s'appelait le bois de la Trahison, qu'un lieu-dit voisin s'appelait Roche-Vaulx ou Roncevaulx et qu'au début de ce siècle on montrait encore dans ce bois une pierre plate, dite Pierre de la Trahison, et le chêne près duquel Charlemagne aurait fait brûler les félons sur un bûcher. Aujourd'hui, le cor qui figure dans les armoiries du Vésinet en rappelle le souvenir.
    Pendant près d'un millénaire, le sort du Vésinet fut donc celui d'un bois, d'un terrain de chasse, dont la destinée était liée de très près à celle du Pecq, puis de Saint-Germain qui fut très tôt une résidence royale. Au XVIIe siècle, Le Vésinet était au cœur d'une immense garenne, toute enclose de murs. Mais les chasseurs, et surtout les lapins qui prospéraient trop bien, étaient une gêne continuelle pour les agriculteurs si bien qu'un arrêt du Conseil de 1664 ordonna au maréchal de Noailles, fermier de cette garenne, de procéder à de vastes défrichements. De larges avenues furent percées et sur un terrain défriché de 300 arpents, qui dépendait alors de Chatou, le maréchal installa, vers 1725, 80 personnes, jardiniers et vignerons, autour d'une chapelle en bois : le hameau prit le nom de ferme du Vésinet ; il est l'ancêtre de la ville d'aujourd'hui ; il fut alors rattaché à la paroisse, puis à la commune du Pecq.
    Les cahiers de doléances ayant vivement critiqué les dégâts causés aux cultures par la proximité des chasses royales ou seigneuriales et les injustices qui en découlaient (au point qu'on a pu dire : "C'est le lapin qui a fait la Révolution"), un décret du 20 frimaire an II partagea le bois du Vésinet entre quatre des communes nouvellement créées : Chatou, Croissy, Montesson et Le Pecq. Peu à peu , le dépeçage de l'antique forêt allait se poursuivre sous les coups des défricheurs, des promoteurs et des bâtisseurs.
    Un siècle et demi après le maréchal de Noailles, un homme entreprenant conçut le projet de transformer le petit hameau au milieu des bois en un grand centre urbain. Il s'appelait Alphonse Pallu et était un ami du duc de Morny, le demi-frère et le ministre de Napoléon III. M. Pallu était auvergnat (il fut maire et conseiller général dans le Puy-de Dôme) et c'est le hasard qui l'amena au Vésinet, quand il fut chargé de liquider la faillite d'un banquier parisien qui y avait acheté de vastes terrains. Il fit de grands projets, la ville résidentielle qu'il créa de toutes pièces devant s'accompagner d'une "cité écolière" pour l'enseignement de la physique, de la chimie, de la mécanique, de l'histoire naturelle, de la musique, des beaux-arts , etc., sorte de véritable campus universitaire avant la lettre, mais seule la ville sortit de terre. Une société se constitua en 1856, associant banquiers, architectes et paysagistes ; un cahier des charges de 1863 interdisait la construction d'usines dans la "ville nouvelle" reliée à Paris par un chemin de fer. Le lotissement connut un très grand succès. En 1875, une commune du Vésinet était créée et M. Pallu en fut le premier maire, jusqu'à sa mort en 1880. En 1876, sa société abandonnait gratuitement à la ville la totalité des voies, routes , places et marchés. Au total, une expérience d'urbanisme relativement bien réussie.
    Malgré une histoire assez court en tant que ville, Le Vésinet abrita de nombreuses célébrités, et notamment des artistes, sans doute attirés tout à la fois par les facilités qu'offrait cette ville moderne et par son cadre qui conservait heureusement des vestiges des anciens bois, avec ses parcs, ses lacs, ses jardins. On peut citer, et en oubliant beaucoup : Bizet, Bourdelle, Fauré, Utrillo ... sans oublier le philosophe Alain. En somme, une ville bénie des dieux et des muses et qui n'avait que peu d'attraits pour le son du canon ... ce qui explique peut-être pourquoi, en mai 1940, le général de Gaulle fut quelques jours en poste au Vésinet, où il avait reçu mission de prendre le commandement d'une IVe Division Cuirassée qui, si elle n'existait pas que sur le papier, se composait d'éléments trop dispersés pour être opérationnels.
    Quant à Montesson, la vie communautaire y est beaucoup plus ancienne. La présence de carrières en a fait un site exploité depuis l'Antiquité, et où s'est regroupée une population laborieuse. Au Moyen Age, l'esprit de corps des habitants fut assez puissant pour qu'ils soutiennent avec succès de longs procès contre leurs seigneurs et leurs voisins. Ils obtinrent en 1360 l'érection de leur communauté en paroisse distincte. Mais Montesson resta un village de travailleurs, mal fortifié et mal défendu – l'emplacement s'y prêtait d'ailleurs mal –- et il eut beaucoup à souffrir des vicissitudes des temps, que ce soit au IXe et Xe siècles lors des invasions normandes, ou pendant la Guerre de Cent Ans. C'est ainsi qu'en 1470, après un siècle de ravages, il ne restait à Montesson que quatre habitants. (A la même époque, on n'en comptait plus que deux à Croissy et trente à Chatou).
    Le labeur aidant, la vie ne tarda pas à reprendre le dessus, mais les Montessonnais avaient davantage souci de leur travail que de l'embellissement de leur village. Ils n'étaient qu'un millier au début du XIXe siècle, En 1892, Alexis Martin écrivait "Montesson ... diffère absolument du Vésinet; autant le dernier est jeune et riant, autant le premier est vieux et maussade". Il est vrai que la petite ville, qui n'avait encore que 1.588 habitants, pouvait difficilement rivaliser avec sa jeune sœur sur le berceau de laquelle tant de bonnes fées venaient de se pencher. Cependant, au dire de leur curé qui écrivit en 1673, les Montessonnais sont "gais, assez civils et spirituels,.. surtout fort dociles et, communément parlant, exempts de mauvaises inclinations et d'une humeur assez pacifique" ; jugement que le secrétaire de Mairie confirmait deux siècles plus tard en assurant que "ses concitoyens n'ont pas dégénéré".
    Les plus célèbres des Montessonnais illustrent ces qualités natives d'amour du travail et d'humour, parfois jusqu'à l'excès. On peut citer, parmi d'autres, cette Perette Dufour, épouse Ancelin, qui fut l'une des nourrices de Louis XIV enfant. On dit que celles qui l'avaient précédée avaient dû renoncer rapidement à l'auguste besogne. le royal nourrisson, né avec des dents, ayant arraché le téton de l'une d'elles. Perette Dufour fut plus solide à l'ouvrage et conserva la place ; il est vrai qu 'elle avait eu l'astuce, dit-on, de protéger la pointe de son sein avec une couenne de lard.
    De nourrice du Dauphin, Perette Ancelin devint femme de chambre des enfants de France puis dame de chambre de la Reine. Sa fortune était assurée, au point qu'elle voulut reconstruire et embellir l'église de sa paroisse ; elle fit même graver ses nouvelles armoiries sur le porche du bâtiment. Cela lui valut d'entrer en conflit avec le seigneur de Montesson, le sieur Portail.
    Le père de ce Portail, conseiller au Parlement de Paris, était lui aussi un Montessonnais fort attaché à son métier, et assez plaisant dans son comportement bien que de manière involontaire. Tallemant des Réaux nous en a laissé le portrait et quelques anecdotes, qui semblent avoir fait fortune en histoire littéraire, avec le Dandin de Racine et le Corbeau de La Fontaine. En effet, ce juge était tellement attaché à sa tâche qu'il ne parlait aux gens que de la fenêtre de son grenier où il avait installé son cabinet. Un jour, des pâtissiers satisfaits de son jugement vinrent lui offrir un pâté. Il les fit monter à son grenier, accepta le pâté et, trop sensible aux éloges des pâtissiers, voulut prononcer un petit discours de remerciements il déposa maladroitement le pâté sur le rebord de la lucarne d'où il s'écrasa dans la rue.
    D'autres Montessonnais mériteraient de figurer au livre des records, comme ce grenadier de Napoléon, Léonard, dont nous rapporte Stendhal l'ardeur amoureuse amena, pendant la campagne de 1809, la capture d'un état-major autrichien, lequel avait pris pour un drap eau blanc le jupon de l'aimable cantinière qui s'apprêtait à honorer le jeune soldat de ses faveurs. Cet exploit lui valut une médaille ; de nos jours, c'est la cantinière que l'on eût récompensée. Ou encore ce Maire de Montesson de 1919 à 1928, Léon Johnson, qui avait été champion de France, puis champion du monde de tir, en 1915, à Campery dans l'Ohio.
    Contrairement au Vésinet, Montesson est une commune dont la croissance continue : 5 054 habitants en 1946, 9 353 en 1968, 9 525 en 1975, 11 197 en 1982. Mais cette croissance n'est plus ce qu'elle a été, et les grands projets des années 60 n'ont pas abouti, qui prévoyaient une population de 7o 000 habitants, voire de 100 000 habitants, pour la fin du
    [XXe] siècle [3]; ce qui ne laissait pas d'inquiéter, sur la fin de sa vie, Gaston Voillereau qui fut maire de la commune pendant 37 ans [4], autre record, à partir de 1928. Le buste de G. Voillereau, œuvre du sculpteur versaillais Jean Houille, fut inauguré à la mairie de Montesson en 1966.

     


Le village de Montesson et le domaine de La Borde par rapport à la garenne du Vésinet.
C
arte de la Garenne du Vésinet et de ses environs. Estat des terres et prés dépendants de la ferme du roy,
de la ferme de la Borde et des terres à acquérir à différents particuliers pour prolonger l'avenue de Sertrouville et renfermer les terres de la Borde, s.d.
(vers 1720, pour le maréchal de Noailles)

Ce rapprochement historique avec Montesson peut sembler quelque peu artificiel. Il aurait été plus aisé avec Le Pecq (dont le Vésinet a dépendu durant mille ans) ou Chatou et Croissy avec lesquelles les relations furent étroites (et compliquées) durant le développement de la colonie. Enfin, la sociologie et l'économie des deux communes étaient particulièrement divergeantes en 1964, au moment où le canton fut institué. Il suffit pour s'en convaincre d'examiner les « fiches pratiques » diffusées en 1973, lors de l'élection du conseil général. [5]

    Le Vésinet

    Chef-lieu du canton, 530 hectares, 18995 habitants en 1968 (actuellement [1973] 21 500) [6].

    Commune créée en 1875, issue d'un parc résidentiel conçu en 1856 par Alphonse Pallu et le comte de Choulot sur l'emplacement des bois du Vésinet, ancienne chasse royale. Exemple unique en France et donné comme modèle par tous les urbanistes d'une commune dont tout le territoire procède d'un lotissement privé. Site résidentiel protégé. Aucune industrie.

     

    Montesson

    736 hectares, 9 413 habitants en 1968.

    En fait, s'il n'y a qu'une seule âme, il y a 3 agglomérations séparées les unes des autres : Montesson-La-Borde, en bordure de Seine, très orientée vers Sartrouville ; le quartier des Rabaux, en lisière du Vésinet, et le Montesson de l'histoire, blotti autour de son église, village devenu ville, bâti sur une petite butée – le Mons Texonis – d'où il tire son nom et qui domine une plaine de 650 hectares, jadis plantée de vignes et d'arbres fruitiers, aujourd'hui vouée à la culture maraîchère et s'étendant sur le territoire des communes voisines de Carrières-sur-Seine, Chatou, Sartrouville.

     

    Modes de faire-valoir et structures foncières

    185 exploitations sur 606 hectares. Population agricole: 750 personnes dont 326 salariés. 78% des terres sont en fermage, 22% en faire-valoir direct. La grande majorité des exploitants-locataires ne disposent que de locations verbales. les baux écrits sont en minorité. Propriété foncière extrêmement morcelée. On dénombre environ 2 129 parcelles appartenant à près de 2 000 propriétaires (jusqu'à 15 propriétaires différents par hectare pour un même exploitant).

     

    Les atouts du maraîchage montessonais

    (i) un sol riche, léger, très perméable, bien abrité des vents, bonifié par des travaux constants (drainage, arrosage, amendement), allié à un micro-climat très favorable, entraînant une précocité sans égal des cultures ; (ii) des débouchés assurés grâce aux marchés locaux, à la S.I.C.A. de Montesson, au M.I.N. de Rungis (approvisionnement de l'agglomération parisienne), et à l'exportation (Marché Commun); (iii) des récoltes très diversifiées : salade (300 hectares ; printemps et automne) ; poireaux (100 hectares ; automne) ; navets : 50 hectares (automne) ; carottes : 35 hectares (printemps ) ; radis (en toute saison) ; (iv) une production de très grande qualité grâce à la haute technicité des exploitants et au modernisme des méthodes : serres, chassis chauffés, irrigation par aspersion généralisée des cultures successives et intensives.

    Un nouveau Montesson s'édifie depuis quelques années en bordure du vieux village : pavillons individuels et immeubles modernes dont les habitants (cadres supérieurs et moyens, employés et ouvriers) travaillent soit à Paris soit dans les entreprises industrielles et artisanales de la commune et de la région.

     

Le premier conseiller général fut Alain Jonemann (de 1967 à 1992) maire du Vésinet, député de la circonscription de 1988 à 1993. Le maire de Montesson, Jean-François Bel, lui a succédé jusqu'à la disparition de la fonction en 2015, au terme de l'existence de cette circonscription électorale qui aura duré un peu plus d'un demi-siècle.

 

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    Notes SHV :

    [1] Coup d'oeil sur l'histoire des cantons dans Connaître les Yvelines, 3e trimestre 1985.

    [2] Alexis Martin (1834-1904) Auteur du texte "Les étapes d'un touriste en France : promenades et excursions dans les environs de Paris. Région de l'Ouest..." édité chez A. Hennuyer (Paris) 1891-1892.

    [3] Ces chiffres supposaient l'urbanisation de la Plaine. Cependant, dès 1939 l'Administration avait affirmé la nécessité de préserver le centre de la boucle. Une Zone d'Aménagement différé (ZAD) approuvée en mars 1966 avait entériné ce choix. Par la suite, les différents schémas locaux ou régionaux s'y sont tenus. En 2013, Montesson comptait 15183 habitants (Insee).

    [4] Gaston Voillereau, champignonniste et maire de Montesson de 1928 à 1945 puis de 1947 à son décès en 1964.

    [5] Un conseiller général pour quoi faire ? Revue d'information cantonale.
    [6] Les évaluations démographiques étaient, à cette époque, systématiquement surestimées. Entre 1970 et 1980, selon l'Insee, la population vésigondine à son plus haut niveau, n'a jamais atteint les 19 000 habitants. Enfin, la commune du Vésinet couvre 500 hectares.


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