Le Petit Réveil, 20 mars 1919.

Du fond du cœur (témoignage)

Monsieur le Directeur,
Je vous serais infiniment obligé si vous vouliez bien m'accorder une place dans les colonnes du Petit Réveil, si lu au Vésinet, pour remplir un devoir que je considère comme sacré et pour remercier — bien indignement, hélas ! — un de nos concitoyens qui s’est remarquablement distingué, depuis le début des hostilités, par le dévouement inlassable dont il a fait preuve et par les faveurs de toutes sortes qu'il n'a cessé de répandre autour de lui : je veux parler du docteur Darricarrère, qui n'a jamais marchandé ni son temps ni sa peine pour accourir, nuit et jour, au chevet des malades, — qui s’est montré, vis-à-vis des humbles et des malheureux, d'une libéralité et d'une générosité sans égales, — qui, plusieurs fois par semaine et pendant des séances extrêmement fatigantes, s'est multiplié, à l’école des garçons, pour recevoir, en consultations gratuites, tous les indigents de la commune, tous ceux qui venaient solliciter son concours bienveillant et si éclairé, — et qui a, en un mot, donné mille preuves manifestes de son humanité et de son grand cœur. Combien d'entre nous, les petits, n'a-t-il pas soignés et guéris sans vouloir accepter la moindre rémunération, sans vouloir même qu’on le remercie pour son zèle constant et pour toutes ses bontés !
Les mots me manquent pour exprimer ma gratitude et celle de tous les habitants du Vésinet au « bon docteur » qui nous a témoigné si longtemps tant de sympathie et d’affection. Qu'il sache bien, cependant, que son nom restera toujours gravé dans nos mémoires et que notre profonde reconnaissance lui est acquise à tout jamais !
En ces temps où il est d'usage de ne plus faire rien pour rien, il est consolant de constater qu’il existe encore, autour de nous, quelques natures d’élite qui ne vivent pas seulement pour « gagner de l’argent! »
M. Darricarrère poussait peut-être même à l'excès son abnégation et le sacrifice de ses propres intérêts : ce sentiment noble et généreux l'honore et le grandit aux yeux de tous ceux — et ils sont légion — qui ont eu l'occasion de recourir à ses soins intelligents et à sa grande expérience !
Qu'il nous soit permis, en terminant, de remercier aussi Mme Darricarrère
[née Marie-Louise Desnier], l’aimable compagne du docteur, pour la façon toujours si bienveillante dont elle nous a tous traités, pour l'accueil toujours si aimable qu'elle nous a réservé, non moins que pour toutes les marques qu'elle nous a données de sa généreuse bonté et de son affectueuse tendresse. [*]

    Pour un groupe d'habitants,

    H. C.

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    [*] Cette opinion n'était sans doute pas unanimement partagée. Dès l'annonce de son installation au Vésinet, dix ans plus tôt, un billet publié dans le périodique La Médecine internationale, signé par « les médecins de la région », proclamait : « Le docteur qui a l'intention de s'installer rue de l'Eglise au Vésinet est prié dans son propre intérêt de prendre de sérieuses informations auprès des médecins du pays (Chatou - Vésinet - Montesson). Il sera ainsi édifié et sur l'exacte situation médicale et sur le motif réel des conseils intéressés qui lui ont été donnés à son détriment. » Si, par la suite, la forte poussée démographique a évité le problème de concurrence entre les praticiens, les convictions politiques du Dr Darricarrère lui ont conféré une réputation persistante d'original, voire de marginal.
    Jean Darricarrère n'apparait sur la liste des docteurs en médecine du département de Seine-&-Oise qu'en 1916 et jusqu'en 1929 inclus. (Paris, 9 mars 1890).


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