Les habitants célèbres du Vésinet > Nathan Grunsweigh (1880-1956)

Nathan Grunsweigh peint le Vésinet

A la Galerie Manuel frères, en septembre 1923, sont réunies des œuvres de Grunsweigh. Ce sont « d’intéressants paysages de l’Île-de-France, des scènes d'intérieur d’une simplicité de bon aloi » et, surtout, deux portraits d’hommes « d’une robuste loyauté ».

    C'est un artiste sérieux, qui aime son art et le sert du mieux qu'il le peut, en dehors des spéculations hasardeuses. Il ne cherche pas sa route hors des domaines logiquement picturaux. Le naturalisme de sa peinture n’est cependant pas photographique et ne tombe ni dans la fadeur ni dans le convenu. Il voit clair et s’exprime avec aisance, dessinant strictement et se plaisant souvent à souligner les formes par un trait vigoureux. Sa palette est savoureuse, il peint dans une gamme généralement assez sombre, mais que sait réveiller, là où il le faut des tons francs et vifs. Les paysages de Paris l'ont tenté, les paysages faubouriens surtout, il en détaille avec minutie le pittoresque, s'attachant à donner le vrai visage des façades couvertes d’enseignes et d'affiches, dégageant bien le caractère prenant des décors où se déroule tant de petites existences, tant de petits charmes quotidiens, de petites joies et de petites misères. Mais cela, c’est de la littérature et Grunsweigh ne cherche pas à en faire, il reste avant tout peintre. Connaissant les moyens dont il dispose, il les utilise de son mieux sans chercher à forcer son talent. [1]

A la Galerie Pierre, en 1926, Grunsweigh expose une vingtaine de paysages de la banlieue parisienne et des natures mortes.

    C'est un artiste sincère, consciencieux et savant. Il s'est démontré excellent peintre de figures. Puis il a été séduit par des aspects de banlieues parisiennes et il a ajouté une note inédite à la peinture des zones suburbaines. Tandis que les peintres parisiens sont surtout soucieux d'en donner [d'après Raffaelli] l'impression de tristesse et même de détresse, Grunsweigh a surtout été frappé par tant de menus efforts pour créer du joli, pour entourer d'arbres une facade de briques, blanche et rose, et même un mensonge de briques obtenu par de la couleur sur de la caillasse. Il a noté avec un soin, épris les charmes de petits jardins, qui se continuent de murs en murs et semblent, par l'accumulation des frondaisons, se multiplier en grand parc dans l'horizon.
    C'est un artiste dont le vigoureux développement est incessant, l'évolution très franche, en dehors de la mode, et son art, qui se prouve à la galerie Pierre par les plus intéressantes réalisations, donne des promesses d'avenir.
    [2]

    Grunsweigh. Ses œuvres, fines et nuancées, représentent des rues de banlieue, des petits jardins des environs de Paris, de ces paysages où il semble que la Ville et la Campagne luttent pour une suprématie. C'est là qu'il vit, dans une petite maison, dans une triste rue. Le matin, les gens vont travailler à Paris et les rues sont vides ; le soir, les silhouettes rentrent par le train, et ça continue. Ça n est pas gai. Mais Grunsweigh est un consciencieux, un homme simple, et parfois un gris léger, un joli gris argenté, luit comme un reflet de perle dans son œuvre mélancolique.[3]

Il a exposé dans de nombreuses galeries et divers Salons dont, à Paris, au Salon d'Automne au Grand Palais (en 1921, 1924, 1926, 1937), au Salon des Tuileries (en 1923 et 1936), et au Salon des Indépendants (1926). [4]

Le peintre du Vésinet.

Demain [27 novembre 1924] aura lieu le vernissage de l'exposition des peintures de Grunsweigh.

Ce sont des paysages de banlieue, pris à sa porte, au Vésinet.[5]

  

Place du Marché (c) D. Goguet

    "Grunsweigh peint avec amour la banlieue de Paris et donne tout le caractère des petites rues à jardinet..."[6]

    "...Paysages du Vésinet, d'une vie si exacte, dans leurs maisonnettes comme bercées d' arborescences" [7]

    "...Grünsweigh, dont le paysage de banlieue est aussi beau de matière et de couleur que l’accent en est juste" [8]

Derrière la place de l'Eglise

    "Grunsweigh donne un bon paysage suburbain, une place du Vésinet dont il sait saisir le caractère à la fois délabré et coquet" [9].

    "Grunsweigh élargit la viduité désolée des avenues de banlieues " [10].

    "Grunsweigh peint avec une nuance d'émotion très particulière les petites rues du Vésinet." [11]

Lac des Ibis

Cinéma Le Select

Cinéma (2e version)

©Oscar Ghez Collection, Musee Hecht, Universite de Haifa

Déjeuner champêtre sur les fortifications (54x73cm) [12]

© Oscar Ghez Collection, Musée Hecht, Université de Haifa.

   

Église au toit rouge (73x92cm) [13]

© Oscar Ghez Collection, Musée Hecht, Université de Haifa.

   

Pont de Croissy (dit aussi "Route forestière").

Le pont de Croissy pris pour une « route de montagne » !

Lac_de_Croissy

Pelouse_de_la_Gare

Deux représentations de la maison du peintre

    allée Sainte-Marie, au Vésinet

Jeune_fille_dans_un_jardin

Allée_arborée

Place de l'Église (nord)

® Galerie Marek & sons, Paris.

Place de l'Église (sud)

Église Sainte Marguerite   

    "... C'est un modeste et un obstiné, qui observe et ne déforme pas et qui aura son heure, de par la force de son émotion picturale et son honnêteté de rendu.

    C'est aussi un excellent peintre de figures." [14]

    Grunsweigh s’est épris de la banlieue bourgeoise. Il excelle à noter ce qu’il y a de caractère dans les maisonnettes et les jardins du Vésinet. C’est aussi un bon portraitiste. [15]

Grunsweigh (1925) La Fête au Village sur la place du Marché.

Aussi, Grunsweigh installe, à la salle des Fêtes de la mairie du Vésinet, du 5 au 18 septembre 1933, une exposition de ses œuvres.

    Grunsweigh est un très bon peintre, dont le Salon d’Automne et les Tuileries nous ont montré d’attachants portraits, surtout de jeunes filles. C’est aussi un traducteur avisé et ingénieux de la banlieue de Paris, notamment du Vésinet, dont il a noté avec beaucoup de talent des rues tranquilles aux maisons peintes et des grands arbres, qui, de jardin en jardin, créent l’impression d’un grand parc, par dessus les murs égayés de fleurettes sauvages, balançant jusqu’au fond de l’horizon leurs panaches. Ses natures mortes sont précises et expressives, il apprécie les couleurs fortes et les textures dynamiques. [16]

Son travail a été principalement influencé par les peintres de la première École de Paris dont il a fait partie et où il fut l'ami de Chaïm Soutine, Michel Kikoine et Pinchus Krémègne. Il milita à la Ligue pour le repos sabbatique en France et en Algérie.
S'il a peint principalement des vues de la banlieue parisienne et des thèmes du folklore juif, en même temps, on trouve dans son œuvre des influences post-impressionnistes et même cubistes. Maurice Raynal y décèle une influence d'Utrillo « indéniable ». [17]

Grunsweigh, qui y a vécu durant plus de vingt ans, a beaucoup représenté les rues du Vésinet, leurs maisons de ville, les places, mais aussi quelques villas au milieu de leur parc, le lac des Ibis, le lac et le pont de Croissy (que l'on présente sous le titre "Route de Montagne"), le Cinéma Le Select, près de la gare (plusieurs fois), la gare elle-même (aussi plusieurs fois), l'église, le temple, les pelouses... Il donne ainsi de la couleur à nos vieilles cartes postales. On notera, au passage que les peintures sont présentées dans les ventes avec des titres des plus fantaisistes. [18]

Grunsweigh a aussi représenté les villes voisines, par exemple, ci-dessous, Croissy, son église et la chapelle du Prieuré et à Chatou (à droite) la mairie.

Auto-portrait de Nathan Grunsweigh (1943).

Longtemps donné pour mort en déportation en 1943, assassiné par les nazis [19] Nathan Grunsweigh a, en fait, échappé à la Shoah comme les trois quarts des juifs vivant en France à cette époque. Il a passé l'Occupation à Saint-Mandé où il a survécu à la Guerre avec toute sa famille. A Saint-Mandé, il a continué à peindre jusqu'à sa mort à Paris (9e) le 8 janvier 1956 et il est inhumé au cimetière du Montparnasse. [20]
Le collectionneur d'art Oscar Ghez (1905-1998), qui avait acquis après la guerre des œuvres de peintres juifs de l'école de Paris dont certains morts en déportation, gardait ces toiles dans son musée du Petit Palais de Genève. Il en offrit 137 à l'Université de Haïfa en 1978. Parmi celles-ci plusieurs toiles de Grunsweigh qui font désormais partie du fonds Oscar Ghez au Musée Hecht à Haïfa.

Depuis que nous avons découvert Nathan Grunsweigh et ses nombreuses oeuvres se rapportant au Vésinet, nous avons suivi la progression de sa notoriété, pris en compte les compléments d'information sur sa vie, en particulier la fin de sa vie.
En 2022, une importante Maison de vente, proposant une estimation gratuite, lui consacrait le paragraphe suivant :

    La vie intrigante d'un peintre local à la renommée mondiale

    Nathan Grunsweigh (1880-1956) reste un artiste mystérieux, dont la vie demeure largement méconnue. Originaire de Cracovie en 1880, il s'installe à Anvers, en Belgique, entre 1901 et 1915, puis découvre Paris juste avant la Première Guerre mondiale, influencé par divers courants artistiques. Il développe des liens avec des artistes tels que Chaïm Soutine et Michel Kikoine. Après une installation définitive en France, au Vésinet, il peint avec amour la banlieue parisienne, immortalisant des scènes locales et des thèmes propres à l'imaginaire juif. Malgré les incertitudes entourant sa vie durant la Seconde Guerre mondiale, il devient un artiste reconnu de l'École de Paris [...] Il participe régulièrement aux grands salons parisiens tels que le Salon d'Automne au Grand Palais et le Salon des Tuileries. Sa renommée lui assure une place de choix au sein de ce mouvement artistique cosmopolite, marqué par l'émancipation juive au cours de l'entre-deux-guerres.

    En raison de sa prolificité artistique, les œuvres de Nathan Grunsweigh continuent d'être vendues aux enchères, atteignant des montants significatifs. Sa notoriété au sein de l'École de Paris contribue à maintenir une cote élevée entre 3.000 et 10.000 euros. [21]

Les galeries d’art de Varsovie se sont montrées particulièrement actives autour des œuvres de leur compatriote. La majorité des toiles présentées lors de la vente de Lucien Pari le mardi 5 avril 2022 à Drouot sont donc retournées dans le pays d’origine de l’artiste. Ce fut le cas d'un autoportrait Nathan Grunsweigh par lui-même (44,8 x 55 cm), oeuvre datée de 1916 qui, estimée à 6000€, fut adjugée à 17 696 €. [22]

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    Notes et sources :

    [1] L’Avenir, 24 septembre 1923.

    [2] Gustave Kahn, Mercure de France, 15 juin 1926.

    [3] Fels, Les Nouvelles littéraires, 29 novembre 1924.

    [4] Catalogues Altius (maison de vente), Varsovie, 2011.

    [5] Comœdia, 27 novembre 1924.

    [6] Mercure de France, 1er janvier 1925.

    [7] Revue de la quinzaine, Mercure de France, juin 1928.

    [8] Le Temps, 16 mai 1923.

    [9] Mercure de France, 15 octobre 1925.

    [10] Gazette des Beaux-Arts, 1er juillet 1926.

    [11] Revue de la quinzaine, Mercure de France, décembre 1931.

    [12] Ce tableau, peint à peu de distance du domicile du peintre, sur la pelouse de l'allée de la Gare, représente sa femme Fanny, sa fille Adeline qui lui a souvent servi de modèle, et ses deux fils David et Daniel (Oscar Ghez Collection, Musée Hecht, Université de Haifa).

    [13] Cette "Eglise au toit rouge" est le Temple protestant du Vésinet. (Oscar Ghez Collection, Musée Hecht, Université de Haifa). Il se trouve au voisinage du Pont de Croissy, au Vésinet, peint par Grunsweigh sur une toile curieusement titrée "Route de Montagne".

    [14] Gazette des Beaux-Arts, 1er juillet 1926.

    [15] Mercure de France, 15 juin 1929.

    [16] Le Quotidien 8 septembre 1933.

    [17] Les Arts, L'Intransigeant,11 octobre 1923.

    [18] Exemple parmi d'autres : La toile intitulée « Passerelle Bichat sur le canal St-Martin, Paris » représente en réalité la passerelle franchissant la voie ferrée à la gare du Vésinet, à côté du Cinéma Le Sélect représenté par Grunsweigh sur plusieurs toiles. Sur le bord gauche de la peinture, on peu lire une partie de l'enseigne de l'Agence immobilière Bargner reproduite sur de nombreuses cartes postales.

    [19] Nadine Nieszawer, Marie Boyé, Paul Fogel -Peintres Juifs à Paris 1905-1939 École de Paris, Éditons Denoël, 2000.

    [20] Rachel Perry, historienne d'Art, Université de Haifa (communication personnelle, 2017).

    [21] Expertisez ! Maison de vente aux enchères renommée dans le domaine de l'art et des objets de valeur. 2022.

    [22] Anne Doridou-Heim, La Gazette Drouot, vente du 5 avril 2022 - Salle 5-6 - Hôtel Drouot - Paris 75009. La plupart des toiles provenaient de la collection familiale détenue par des héritiers du peintre.


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