Tiré de En mer – impressions et souvenirs –, de Virginie Hériot, Fasquelle, Paris, 1933.

La fin de Virginie Hériot

Dans le dernier ouvrage, posthume, de Virginie Hériot, un court chapitre,
"dernier sillage" a été ajouté, rapportant sa fin.

Le dernier sillage

Arcachon, 27 août 1932.

M. Georges Leygues, Ministre de la Marine, venu à Arcachon pour les fêtes du cinquantenaire de la Société de la Voile, a déjeuné sur Ailée.
De 12 h à 14 h½, malgré un état d'extrême fatigue, Mme Virginie Hériot se dépense pour ses invités. Elle a l'intention de faire sa régate comme les jours précédents. Elle a même accepté l'invitation au banquet donné le soir en l'honneur du Ministre de la Marine.
Sur les instances de M. Georges Leygues, Mme Hériot renonce à courir la régate de l'après-midi ; mais elle désire embarquer un instant sur Petite Aile V, pour faire le tour du bord et se montrer au Ministre à la barre de son 6 mètres. Elle prend congé de ses invités et embarque dans sa vedette.
Bientôt Petite Aile défile le long du bord devant M. Georges Leygues et les invités groupés sur le deuxième pont arrière de Ailée. Madame Hériot, radieuse, barrait sa Petite Aile.
Un quart d'heure plus tard, tout le monde avait quitté Ailée; et la vedette ramenait Mme Hériot défaillante.
Le lendemain dimanche 28 août, à 3 heures de l'après-midi, elle rendait le dernier soupir. "Il faut aller jusqu'au bout", disait-elle souvent.
Elle a poursuivi sa brillante et féconde carrière maritime, avec une sublime énergie, jusqu'à la veille de sa mort.

Virginie Hériot à la barre de sa Petite Aile, le 26 Août 1932

© Fasquelle 1933

Le livre a été préfacé par un autre grand navigateur,
le Commandant Charcot, ami et admirateur de Virginie Hériot

    PREFACE

C'est aimer peu que de pouvoir dire combien l'on aime. Madame Virginie Hériot donna un démenti à Pétrarque. Le mot de passion est insuffisant pour qualifier le sentiment que lui inspira la mer et elle a voulu l'insuffler à tous. Elle a vécu pour cet amour, elle s'est sacrifiée pour lui.
Les brutalités et les fureurs de la mer furent pardonnées; elle les excusa en montrant leur grandeur et leur force qui fait mieux apprécier la douceur de ses caresses. Restée femme malgré le rôle viril qu'elle s'était assigné, elle aima en femme sans défaillance, sans restriction, sachant lutter contre les emportements, transformant les défauts en qualités.
Son culte s'étendit à tout ce qui se rapporte à l'élément marin ; les rivages qu'il baigne, les murmures ou les fracas de ses flots tranquilles ou déchaînés suivant son humeur versatile ; les hameaux et les villes qui vivent par lui ou pour lui, tirant de lui leur caractère et leur originalité.
Avec l'horizon qui recule, ces ornements immuables varient d'aspect par les caprices de la voûte céleste, parure changeante, robe sombre ou éclatante.
Madame Virginie Hériot a voulu faire partager sa foi. Décrire les beautés de la mer ne lui suffisait pas ; elle tenait aussi à affirmer son rôle bienfaisant, l'empreinte dont elle marque les siens, exaltant chez eux les sentiments d'honneur, de courage et de dévouement, et même son action dans l'équilibre mondial et la prospérité des nations.
Si notre pays aime la mer, il sera plus grand et plus fort. France et Mer étaient inséparables dans le cœur de l'auteur des Impressions et Souvenirs maritimes. Glorifiant notre marine militaire, plaidant la cause de nos marines de plaisance, de commerce, de pêche, encourageant les explorations et les entreprises scientifiques, mécène de la Marine française, elle a voué sa vie à cet Idéal. Inlassable apôtre, elle poursuivit sa mission en donnant l'exemple... jusqu'à la mort.
"Ce que femme veut Dieu le veut." Madame Virginie Hériot savait vouloir. Ce livre est un de ses derniers pas dans la voie qu'elle suivait ; mais la route est tracée. Là où de rudes marins auraient échoué, la femme frêle a su aboutir.

    Jean Baptiste Charcot
    Le Commandant Charcot est mort en mer, le 16 septembre 1936, dans une violente tempête cyclonique,
    sur les récifs d'Alftanes au large de Reykjavik.

 

Virginie Hériot et le Commandant Charcot

Madame Hériot au Yacht-Club

Au cours d’une réception organisée par le Yacht-Club de France, Mme Hériot, la sportive bien connue, gagnante d’une épreuve olympique aux Jeux d’Amsterdam, a été fêtée par une brillante assistance. Une coupe et les insignes de la Légion d’honneur lui ont été remis, après que le docteur Charcot, navigateur et explorateur, eut prononcé un discours très applaudi.

Le miroir des sports, 8 janvier 1929


Société d'Histoire du Vésinet, 2008 - www.histoire-vesinet.org