Excelsior, 10 avril 1932 (n°7790) 23e année.

Le dernier îlot de beauté dans les environs de Paris [1]

Le Sénat français a délibéré, le 25 mars dernier, sur un projet d'aménagement de la région parisienne. Le sénateur Linyer, rapporteur, a été justement sévère pour " la banlieue de Paris sordide, inorganisée, mettant sous les yeux des étrangers qui viennent à Paris, ville de goût et d'élégance, le spectacle de l'incohérence, de l'imprévision, quand ce n'est pas celui d'opérations égoïstes et malhonnêtes, lotissements aménagés à la hâte par un spéculateur uniquement préoccupé de revendre ses terrains avec profit ". Quelle différence avec certaines banlieues de Londres, de Berlin ou des grandes villes américaines ?

Et cependant un territoire assez étendu a été miraculeusement sauvegardé. A quelques tours de roues d'auto, à vingt-cinq minutes à peine de chemin de fer électrique, le parc du Vésinet et son gracieux village s'offrent au regard charmé de l'étranger, qui découvre en ce site ravissant un coin de repos imprévu dans un décor d'arbres, de clairières, de verdure et de petites rivières réunissant, dans une région si proche de la capitale, des agréments dignes des plus célèbres stations de tourisme, sur un sol parfaitement sec et sain.
Le Vésinet d'aujourd'hui n'a plus rien de l'aspect qu'il avait jadis. La garenne royale a vu surgir un décor nouveau, où chaque chose semble avoir été placée pour réjouir les yeux. Partout, dans la disposition générale et dans toutes ses parties, on trouve la main de l'artiste. Les créateurs de cette agglomération mi-citadine mi-campagnarde ont su, dès 1863, réaliser le plan type de l'urbanisme de bon goût et du confort pittoresque. Nulle part, autour de Paris, on ne trouve sur l'étendue de toute une commune pareil ensemble et pareille harmonie.
Protégé par un cahier des charges qui est un modèle du genre, le Vésinet où les commerces, métiers ou industries utiles aux constructions ou aux besoins domestiques sont autorisés seulement dans certains quartiers qui leur sont spécialement affectés doit rester un lieu de plaisance et de villégiature. Des percées pratiquées dans de larges proportions, et qui ne seront jamais replantées, font pénétrer l'air et la lumière, augmentent la salubrité, assurent à tous les terrains la jouissance perpétuelle des charmants paysages qui les entourent. Les voies de communication elles-mêmes ont été calculées de manière à faire naître à chaque instant sous les pas des promeneurs des scènes toujours nouvelles.
Le lac Supérieur, le lac des Ibis, le lac de Chatou [sic], les immenses pelouses qui séparent des propriétés délicieuses avec des bosquets de pins ou des vieux chênes, tout est fait pour la joie des yeux et le repos de l'esprit. Le Vésinet est un coin préservé de la banlieue parisienne c'est un îlot de beauté non loin de la splendide Terrasse et des deux golfs de Saint-Germain.
Par bonheur, et pour lui conserver l'aspect voulu par ses fondateurs, son active municipalité mène le bon combat, veillant à la stricte observation du cahier des charges, non seulement dans sa lettre, mais aussi dans son esprit, et tendant (protection plus sûre encore) à l'inscription du parc du Vésinet à l'inventaire des Sites pittoresques de la France prévu par une loi récente.

Ainsi, la colonie française et étrangère, qui est de plus en plus nombreuse au Vésinet parce qu'elle retrouve là son cadre et son confort habituels, est-elle assurée d'être à l'abri de la laideur et de toutes les inquiétudes modernes.

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    [1] Texte repris dans Le Petit Parisien du 11 juin 1932 (n°20192) puis le Paris municipal du 19 juin 1932 sous la signature de Jean Schiffer, secrétaire général du Syndicat d'Initiative et Conseiller municipal du Vésinet.

     


Société d'Histoire du Vésinet, 2011- www.histoire-vesinet.org