Echos du passé, Bulletin municipal n° 32, septembre 1975

Alphonse PALLU, apôtre du jardinage
Extrait de la revue Jardinage, 1925.

Le dimanche 12 juillet dernier, la ville du Vésinet (Seine-et-Oise) commémorait le cinquantenaire de son érection en commune. C'est en effet en 1875 que cette ville naissante, dépendant alors respectivement des communes de Chatou, Croissy, Le Pecq et Montesson, devint administrativement indépendante. Ce fait seul en lui-même n'aurait pas sa place dans notre revue s'il ne s'agissait de faire ressortir ici l'oeuvre grandiose d'Alphonse Pallu fondateur et premier Maire du Vésinet, qui fut un véritable apôtre du jardinage [1].
Chêne  (Quersus sessiliflora)En effet, l'homme qui songea à transformer un immense taillis sous futaie peuplé surtout de chêne rouvre Quercus robur var sessiliflora et de charme Carpinus betulus (ce qu'était en somme le bois du Vésinet avant 1860) en un parc grandiose comprenant allées carrossables aux courbes élégantes et majestueuses, rivières, lacs, cascades, tapis vert et points de vue sur la terrasse de Saint-Germain, champ de courses, etc., mérite certes la haute reconnaissance des habitants du Vésinet d'aujourd'hui.
Quelle différence en ce lotissement génial, comparé à ceux réalisés depuis la terrible tourmente, dans la région parisienne, en plein champ et sous forme de lignes droites, véritables cités naissantes désertiques. Alphonse Pallu aimait passionnément son Vésinet et il ne ménagea rien pour lui assurer sa prospérité et lui donner surtout un aspect général riant et enchanteur.
Charme (Carpinus betulus)C'est ainsi que les clôtures des propriétés sur les rues ne pouvaient être réalisées qu'au moyen de grilles et non de murs; ou lorsque ceux-ci étaient tolérés, ils ne pouvaient l'être que sur une longueur restreinte et coupés par des baies grillagées donnant ainsi de l'air et du charme à toutes les voies d'accès. Mais, ce qui le préoccupa tout particulièrement, ce fut la nature légère et sableuse du sol du Vésinet. Pour la production des légumes dans les jardins, il s'intéressa aux engrais chimiques qui, à l'époque, faisaient parler d'eux par la voix autorisée et convaincue de Georges Ville [2]. Il les fit connaître et adopter.

D'ailleurs, à ce sujet, il payait d'exemple en montrant au public ce qu'on pouvait obtenir dans les jardins de sa villa Marguerite. Pour les arbres fruitiers, attenant à sa propriété, il fit installer un jardin-école (aujourd'hui disparu et propriété particulière), dans lequel il fit connaître les meilleures formes sous lesquelles on pouvait conduire ces végétaux. Par suite de la nature légère du sol du Vésinet, il fit adopter dans son jardin potager fruitier, à l'air libre, les formes réduites et rapprochées (système du Breuil), notamment le cordon vertical simple, à double rang, sur cognassier. Un dispositif d'abri permettait, au printemps, de tendre des toiles au-dessus de ces cordons et de les protéger ainsi des gelées tardives. Conjointement avec cet abri, on utilisait les nuages artificiels dont un thermomètre enregistreur et une sonnerie électrique permettaient déjà à cette époque (1875) de tirer le meilleur parti pratique en les provoquant à l'heure nécessaire. Les murs de clôture du potager étaient en bois et garni de poiriers sous la forme de palmettes Verrier à quatre ou cinq branches.
Pyrus communisOn récoltait ainsi, sur ces arbres, de délicieuses poires, notamment des Louise-bonne d'Avranches, non tavelées, bien colorées de carmin; des Beurré Hardy bronzées exquises; des Bergamote Espéren, non pierreuses, et des Duchesse d'Angoulême, parfumées, à chair non neigeuse.
C'était un plaisir immense pour Alphonse Pallu de montrer ces résultats à ses nombreux amis et même aux maîtres de la science horticole de l'époque, notamment à notre maître vénéré, Auguste Hardy, premier Directeur et organisateur de l'Ecole nationale d'Horticulture de Versailles, qu'il fit venir spécialement à sa villa Marguerite pour recueillir ses précieux avis et conseils.
Alphonse Pallu était non seulement un industriel éclairé, un administrateur parfait, mais aussi un éducateur hors ligne. Chez l'individu il appréciait avant tout l'éducation, fruit du savoir-faire, et c'est pour cela qu'il avait projeté d'établir au Vésinet un grand établissement: l'Education paternelle, dans lequel l'internat devait être supprimé et remplacé par des familles écolières établies en d'agréables villas et composées d'un nombre restreint d'élèves, sous la direction d'un tuteur qui aurait pu s'occuper alors utilement de tous et n'en négliger aucun.
Ce projet grandiose ne fut pas réalisé et c'est grand dommage pour Le Vésinet.

A tous ces titres, Alphonse Pallu, fondateur et premier Maire du Vésinet, avait droit au délicat souvenir de la Municipalité actuelle que nous félicitons pour son geste de respectueuse reconnaissance à l'égard d'un homme de grande valeur et qui fut, pour le rédacteur en chef de Jardinage, lorsqu'il était adolescent, un mentor précieux et inoubliable.

Charles Grosdemange
Rédacteur en chef de Jardinage

    [1] Pallu, Alphonse - Création et culture des jardins dans le Vésinet d'après les principes généraux de l'agriculture, conférences du Vésinet, soirée du 19 juin 1869, imprimerie Voitelain, 1869.

    [2] Botaniste français né en 1824, mort à Paris, en 1897. Professeur au Muséum d'histoire naturelle, Paris (1857-1897). A mené d'importants travaux sur la fixation de l'azote de l'air par les plantes.


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