Au lendemain de la guerre franco-prussienne, l'Abbé Maret fit imprimer [1]une de ses homélies, pour laquelle il avait peut-être reçu beaucoup d'éloges.
On peut voir ici, une réponse à la brochure que fit paraître Alphonse Pallu "la Souveraineté nationale",
prônant entre autres la laïcité et la libre pensée, datée de juin 1871
.

Les malheurs de la France, leurs causes et leurs remèdes

Par M. l'abbé Léon MARET missionnaire apostolique,
Collaborateur de la France Nouvelle, curé du Vésinet.
25 septembre 1871.

      Vexatio dabit vobis intellectum.
      Instruisez-vous à l'école de l'adversité.
      (Ps. XXVIII, 19.)

Mes bien-aimés frères,
Lorsqu'un navire a été fracassé par la tempête, les nautoniers, échappés du naufrage, dit un docte prélat, éprouvent une amère satisfaction à considérer l'événement dont ils auraient pu être les victimes. Ils se rappellent les richesses que la mer a englouties, les espérances qu'elle a ruinées, les projets d'avenir dont elle a rendu la réalisation impossible ; ils se remettent devant les yeux les dangers qu'ils ont courus, les noms de leurs amis qui ont péri ; et s'ils sont sages, ils prennent la résolution de ne plus s'exposer à de pareilles catastrophes ; s'ils sont prudents, ils s'appliquent au moins à éviter pour l'avenir les négligences, les mauvaises manœuvres, toutes les fautes qui ont préparé et décidé leur immense malheur.
Ce qui vient d'avoir lieu en France n'est-il pas un rêve? On serait tenté de le croire, tant sont extraordinaires les choses qui viennent de s'accomplir. Dans l'histoire d'aucun autre peuple trouve-t-on rien de pareil ? Que de morts, mon Dieu, que de sanglants combats ! Que de ruines amoncelées ! Que de tristesses ! Et cela en si peu de temps. Qui aurait pu le dire il y a un an, qui aurait osé même le penser ? La chose, toutefois, est trop réelle. Le front courbé dans l'humiliation, et le cœur abîmé dans la douleur, nous ne pouvons pas même compter nos désastres ou estimer nos pertes : tout est incalculable.
Toutefois, ne nous laissons pas aller au désespoir ; avec la confiance et la virilité de chrétiens qui n'oublient pas que Dieu a fait toutes les nations guérissables (Sagesse, I, 14), examinons les moyens par lesquels nous pourrons peut-être réparer nos malheurs; mais pour réussir dans cette étude si grave et si nécessaire, recherchons la cause de nos calamités : cette cause étant connue, le remède sera plus facile à découvrir et à appliquer.
Les mondains, mes frères, recherchent l'origine de nos maux là où elle n'est pas, et les causes qu'ils indiquent sont tellement en opposition les unes avec les autres que nous ne nous y arrêterons pas. Élevant nos pensées au-dessus de considérations purement hypothétiques, nous dirons que nos malheurs sont notre propre ouvrage ; ce sont les fautes et les crimes de notre nation qui les ont préparés, fautes des plus graves, puisqu'elles s'attaquent à Dieu, à l'Eglise, à la société, à nous-mêmes.
C'est Dieu qui a permis ces malheurs comme un châtiment et une expiation, et c'est de Dieu surtout que nous devons en attendre la réparation.
L'homme a une intelligence qui doit être éclairée par la vérité, un cœur qui doit être sanctifié par la pureté, un corps qui doit être réduit par la mortification.
Or, avouons-le; la vérité n'était-elle pas obscurcie, diminuée, perdue parmi nous? Les erreurs n'en avaient-elles pas pris la place ? Et cela partout, dans les livres les plus en vogue, dans les journaux les plus répandus, dans les brochures les plus renommées, dans la bouche des hommes politiques, dans celle des professeurs les plus connus et les mieux rétribués.

Et comme la morale suit toujours les principes approuvés par l'esprit, comment n'aurait-elle pas été pervertie, alors que cet esprit était si profondément égaré lui-même ? N'a-t-on pas été jusqu'à trouver un mot qui indiquait ce dont on prétendait faire la règle de la vie : on l'a appelé une morale indépendante, c'est-à-dire, une loi sans législateur, une discipline sans rien qui porte à la garder, ou, si vous l'aimez mieux, l'intérêt, l'égoïsme, la passion indiquant, formulant, sanctionnant seuls ce qu'il faut faire et ce qu'il faut éviter.
Qu'attendre de telles et de si déplorables doctrines? Qu'en attendre, si ce n'est cette cupidité qui ne tenait aucun compte de la probité, si ce n'est cette ambition que rien n'arrêtait, si ce n'est cette vie honteuse et désordonnée dont rien ne comprimait les écarts et les fougueuses tendances.
Encore n'était-ce là que la moindre partie des choses contraires aux lois sacrées du Seigneur. Que de crimes cachés ! que d'injustices non découvertes! que de monstruosités dont la connaissance ne sera donnée qu'au grand jour du dernier jugement!
A une société pareille allez donc demander des vertus ; attendez d'elle quelque chose qui ressemble à l'Évangile; exigez de sa mollesse quelques signes même de ce courage viril, de cette fierté d'âme qui suffiraient presque pour imposer le respect de soi-même et des autres, essayez d'en obtenir la générosité, le support des privations, l'esprit de sacrifice qui seuls font les nations fortes et invincibles ! Ames dégénérées, elles avaient entraînées [sic] dans leur ruine les corps eux-mêmes, en sorte que, comme au temps du déluge, toute chair s'était détournée de sa voie, et la corruption avait gagné la terre. (Genèse, IV.)
Il fallait bien qu'enfin le Ciel irrité se manifestât et frappât un de ces coups épouvantables par lesquels il atteint les nations coupables, et leur montre que ni leurs faibles lumières, ni leurs calculs, ni leurs projets, ne peuvent les garantir quand il a résolu de ne plus les épargner.
Pour arriver à vous en convaincre, aimez-vous mieux, Mes Chers Frères, sortir de ces généralités, faire des applications plus précises au détail de nos devoirs ? Vous arriverez toujours aux mêmes conclusions.
Nos devoirs concernent Dieu, le prochain et nous-mêmes : nous ne pouvons le contester. Considérez ce qui se passait autour de nous sous ce triple rapport : vous serez forcés de convenir que le mal ne pouvait aller plus loin. A l'égard de Dieu, que n'a-t-on pas fait ? On a commencé par nier son existence ; ce qui, pour une créature sortie de ses mains, soutenue en la vie par l'action de sa providence, est le plus grand de tous les crimes. Non seulement on a soutenu ce système athée dans des livres qui n'avaient pour auteurs que des particuliers, lesquels, sans échapper à la vindicte des lois, qui ne s'exerçaient pas assez, pouvaient être censés ne parler que pour eux-mêmes, mais encore ce système matérialiste et impie était annoncé dans les chaires publiques auxquelles l'Etat nommait, et qui étaient rétribuées par lui. Si quelques répressions rares ont eu lieu, elles n'empêchaient pas le système de reprendre et de marcher. La jeunesse s'abreuvait à ces sources impures ; elle finissait par s'y délecter, car cette doctrine protégeait toutes les passions comme elle les fomentait, et allumait dans les âmes une soif inextinguible de tout ce qui peut les exciter et leur plaire. Alors toutes les digues qui maintiennent l'esprit et le cœur dans l'affranchissement du mal étaient rompues; l'inondation de perversité se faisait et entraînait tout sur son passage: religion, mœurs et lois.
A cette négation de Dieu s'est jointe comme une conséquence indispensable la négation du christianisme, de ses dogmes, de sa morale : la notion du péché originel, qui explique notre état présent, a été écartée ; on n'a plus trouvé dans l'homme rien que de bon, de convenable, d'innocent, de pur ; on s'est révolté contre la mort, les maladies et les misères de la vie, suite et punition du péché d'origine, et on a prétendu follement que l'homme finirait par trouver le moyen de vivre toujours heureux et de ne plus mourir.
La négation du péché originel entraînait celle de la rédemption et de la venue du Rédempteur. En vain tous les siècles l'avaient désiré et regardé comme la seule ressource du genre humain; en vain les prophètes l'avaient annoncé ; en vain sa passion avait réalisé leurs prédictions de la manière la plus claire ; en vain sa bonté avait apparu aux hommes, leur montrant le Dieu-homme prenant sur lui toutes leurs misères, leurs ingratitudes, leurs offenses; l'irréligion en fureur n'a pas eu assez de voix pour repousser ce secours divin, pour demander avec le Juif barbare qu'on ôtât de devant ses yeux Jésus comme un spectacle d'horreur ; elle l'a traité d'imposteur, et les plus modérés d'entre ses adeptes l'ont regardé tout au plus comme un sage.

Notre société n'avait-elle pas comme cessé d'être chrétienne ? Lequel des commandements de Dieu, laquelle des lois de sa sainte Église, laquelle des obligations de la vie domestique, de la vie publique, n'était pas indignement violée et méprisée, non pas dans le secret et le silence, mais avec affectation et sans remords ?
Cinq désordres, mes frères, devaient nous attirer nos catastrophes :

    1° La profanation scandaleuse du dimanche par le travail, par l'éloignement des saints offices, par l'ivrognerie ou par des divertissements coupables;

    2° L'oubli des devoirs les plus élémentaires de l'état du mariage, que le Seigneur a établi et béni, non pour satisfaire la perversité, mais pour propager le genre humain. Le sanctuaire de la famille est souillé, et cette souillure, érigée en système, est devenue le thème favori de la littérature et des théâtres. L'infidélité, après avoir réclamé la tolérance, devient plus audacieuse et veut être traitée comme un droit. Mais cette profanation du mariage n'est pas la seule qui lève la tête. Il en est une autre qui montre plus d'audace encore, puisqu'elle s'érige en juge de ceux qui ne l'imitent pas. Oubliant que toute paternité vient de Dieu : Ex quo omnis paternitas nominatur (Ephes., III, 18.), elle veut être elle-même sa providence, et déterminer à son gré le nombre des âmes qui lui seront confiées, ne voit-on pas errer de par le monde des êtres abandonnés, qui finissent dans l'abjection, au bagne ou sur l'échafaud ? Pauvres misérables nés des aventures d'un jour ou des égarements d'une orgie, êtres infortunés, sans famille, sans foyer, vivante accusation de ceux et de celles qui les ont en riant, d'un rire sans entrailles, jetés à la voirie. C'est là l'un de nos plus grands péchés, la profanation des sources de la vie.

    3° L'amour effréné des richesses et du bien-être, et, par suite, la vie molle et efféminée, sans fermeté morale, sans énergie, si ce n'est pour rechercher les satisfactions et les jouissances que procure la fortune ;

    4° L'éducation négligée ou systématiquement irréligieuse donnée à l'enfance et à la jeunesse (*);

    5° L'exclusion systématique encore de toute idée surnaturelle dans notre législation, dans nos coutumes, dans nos relations, dans nos affaires, dans toute notre existence; et dès lors l'entreprise impossible d'un état prospère, fixé, ayant des chances de durée. Nous voudrions bien savoir, en effet, comment on peut justifier les mots de devoirs, d'obéissance, de respect, de droits, de souveraineté même nationale [2], si on ne les appuie pas sur Dieu, principe de tout ce qui oblige les volontés humaines !

En ne comptant que sur la force aveugle, sur l'intérêt, sur des théories insensées, il fallait s'attendre à ce qui arrive. Dieu était-il donc obligé de ne pas laisser les causes produire leurs effets ? Nous bâtissions notre édifice sur le sable, il ne pouvait que s'effondrer ; nous semions des vents, comme le disait naguère un prédicateur dans l'église de Saint-Vincent-de-Paul de New-York, il devait en surgir des tempêtes ; nous donnions carrière à tous les mauvais instincts de la nature corrompue ; que pouvait-il en sortir, si ce n'est cet effroyable chaos dans lequel la France s'est montrée ce qu'elle était au fond : vaillante toujours, capable d'héroïsme, mais, en réalité, sans aucune de ces qualités qui rendent indomptable et qu'on trouve seulement dans la vérité, dans la foi et la vertu.

II

Puisque nous connaissons les causes de nos malheurs, cherchons et appliquons les remèdes qui peuvent nous guérir ; comprenons enfin l'enseignement que nous devons retirer des épreuves auxquelles Dieu vient de nous soumettre et dont les plus épouvantables sont moins encore les hontes de l'invasion que cette lutte fratricide dont l'issue a été si terrible. Instruits par l'adversité, rendons-nous dignes des bontés célestes.
Ne nous flattons pas nous-mêmes, tous nous avons besoin de conversion ; à tous Dieu demande des efforts ; aux pécheurs pour devenir justes, aux justes eux-mêmes pour qu'ils se justifient davantage, aux plus saints pour qu'ils se sanctifient encore. Que nul ne veuille se soustraire à cet impérieux devoir : les malheurs sont communs et frappent sur tous ; que tous aussi entreprennent le travail qui donnera à nos douleurs un peu de joie et l'espérance de retrouver bientôt des jours moins désolés.
Les catholiques, en présence des terribles événements que nous venons de traverser, ont des devoirs particuliers; leur accomplissement sera le remède à nos malheurs.
Il n'y a pas de société possible en ce monde en dehors du christianisme, et c'est Dieu, c'est le Dieu de l'Évangile, le Dieu de l'Église qui a été le fondateur de la société humaine; c'est lui qui en est le conservateur. Nul peuple n'a pu, depuis dix-huit siècles, vivre sans l'Église; nulle cité n'a été bâtie que sur la pierre angulaire du temple. Tout peut être sauvé encore si vous le voulez.
Pourquoi l'édifice social est-il menacé de crouler ? Parce que vous avez retiré son fondement, qui est Jésus-Christ. Rendez Jésus-Christ à la société, et vous replacez tout dans son ordre véritable. Ne dites plus jamais: « Nous ne voulons plus de ce cadavre. » Ce cadavre, Jésus-Christ père et rédempteur de l'humanité ! Ce cadavre, le Verbe de Dieu, qui a annoncé aux hommes l'Évangile de la paix, qui a affranchi la conscience, régénéré les âmes, ouvert les cieux, proclamé, les béatitudes de la charité, de la fraternité, de la justice, de la chasteté, de la vertu ! Ce cadavre, le glorieux ressuscité qui a envoyé douze apôtres, douze inconnus, douze ignorants, convertir le monde, renouveler la face de la terre, établir l'Église, mère de la civilisation chrétienne ! Ce cadavre, mais tout ce que vous avez de sang, de force, de beauté, de lumières, de vérité, de progrès, vous l'avez puisé en lui, rien qu'en lui. Ce cadavre, c'est la vie, la vie éternelle et infinie, c'est le fils de Dieu fait homme, c'est le seul amour, la seule vérité, la seule et ineffable récompense de l'humanité. Ah ! laissez aller à Jésus, père des hommes, les cœurs qui sont faits pour lui ! Laissez les petits et les affligés, la portion la plus considérable du monde, venir à celui qui les appelle ! Les pécheurs, les pauvres, les infirmes, les délaissés, les opprimés, voilà ceux que Jésus-Christ est venu principalement évangéliser et régénérer. Donc si l'on veut sauver la France et la société, il faut rendre Jésus-Christ à tous, laisser son Église accomplir en paix et en liberté ses œuvres d'enseignement, de moralisation et de charité ; en un mot, favoriser, au lieu d'entraver, les pratiques de la vie chrétienne.
Et ici surtout, les classes élevées ont un grand exemple à donner. C'est par la corruption, les scandales, le libertinage d'esprit, d'un grand nombre de riches et de nobles, que les philosophes du dix-huitième siècle ont été puissamment aidés dans leur œuvre de perversion ; le mal est descendu de haut à cette époque, et par sa pente naturelle a gagné jusqu'aux dernières profondeurs. La bourgeoisie, imprégnée à son tour de scepticisme et d'irréligion, a repris l'influence des classes dominantes et n'a pas peu contribué dans ce siècle à ruiner le sens religieux et moral des classes ouvrières. Tout est à refaire, si l'on veut la résurrection du pays, dans un sens inverse. C'est aux classes aisées à donner maintenant le bon exemple et à réparer les erreurs qu'elles ont commises. C'est à elles de se rapprocher de l'ouvrier, de s'intéresser à lui, de le traiter en ami et en frère, de s'occuper, d'améliorer son sort, de traiter avec le plus large esprit de conciliation et de loyauté les questions de salaire et de travail, et de le ramener par toutes les voies de la persuasion et de bon exemple à la pratique de la loi de Dieu qui est le plus efficace soutien de la vertu et la plus douce consolation, la plus ferme espérance de la vie. A cette belle œuvre de régénération, tous ont leur tâche, leur place, leur action, le maître qui occupe dix ouvriers comme celui qui en occupe cinq cents. Si l'on ne reconnaît pas que là seulement est le salut et qu'il est urgent de commencer tout de suite, il n'y a plus rien à attendre de l'avenir que de nouvelles révolutions et d'irrémédiables cataclysmes.
Le Père Lacordaire, montant, au lendemain de la Révolution de 1848, dans la chaire de Notre-Dame, disait:
"La société humaine, la société religieuse sont deux sœurs nées le même jour de la parole divine ; l'une regardant le temps, l'autre l'éternité, distinctes par leur domaine et par leur foi, mais indissolublement réunies dans le coeur de l'homme, s'y soutenant l'une par l'autre, tombant ensemble, se relevant ensemble, bravant ensemble par leur commune immortalité la haine qui les poursuit toutes deux", et il ajoutait: "La société n'est pas autre chose que l'ordre, et l'ordre a en Dieu sa racine invulnérable. Quiconque n'aime pas Dieu a par cela même une cause permanente d'aversion contre l'état social qui ne saurait se passer de Dieu."

Les derniers événements, M. C. F., viennent d'apporter aux prophétiques paroles du Père Lacordaire une terrible confirmation. Ce sont les mêmes bouches qui ont outragé les institutions fondamentales de la société civile et les institutions de l'Église, c'est-à-dire de la société religieuse. Les catholiques sont à l'heure présente les dépositaires du salut de la France, parce que les catholiques sont les enfants de l'Église. C'est la main de l'Église qui a tenu la France debout depuis quatorze siècles ; c'est elle qui a soutenu ses premiers pas, qui l'a poussée vers l'Orient au temps des croisades, vers la liberté au temps des communes; c'est elle qui a consacré, corrigé, concilié, contenu tour à tour et la féodalité et la monarchie, et c'est elle qui, seule, est encore assez forte aujourd'hui pour soutenir sur les eaux orageuses de ce siècle les pas incertains de notre société contemporaine.
Nous étions si fiers de notre force, nous nous estimions invincibles, et voilà que dans cent batailles nous avons été défaits, repoussés ! Nous étions si glorieux de nos progrès, nous appelions notre temps le siècle des lumières, nous nous vantions que nul autre peuple ne pouvait égaler, surpasser au moins, notre civilisation, et voilà que pendant de trop longues semaines à Paris, nous avons prouvé à l'ennemi que nous avions dans notre sein des multitudes innombrables de barbares, d'hommes capables de crimes et d'infamies, dont nul peuple sauvage n'aurait eu même la pensée !
Il y a pour les nations des temps de décadence, il y a des races qui sont condamnées, il y a des peuples qui périssent. Serions-nous arrivés à ce terme fatal ? Non, mille fois non. Espérons-le ; il y a d'autres soleils qui peuvent se lever sur nos têtes ; il y a des revanches que nous pouvons prendre ; les miséricordes de Dieu sont infinies, revenons sincèrement à lui.
Qu'il serait coupable celui qui dans les circonstances présentes ne trouverait pas dans son coeur assez d'énergie pour devenir enfin chrétien sérieux, Français vraiment digne de son pays. Il s'agit de sauver notre religion, de sauver notre patrie, de sauver nos âmes. »
Il y a une parole qui, méditée, est plus éloquente et plus concluante que tous les discours et systèmes des politiques. Cette parole est toute la philosophie de la vie humaine, et elle est plus profonde et plus lumineuse à elle seule que tous les volumes que pourront jamais écrire nos contemporains. Elle a été dite par un homme qui fut en son temps un grand philosophe, un grand orateur, un grand écrivain, et qui avait expérimenté à fond toutes les vanités et toutes les passions d'ici-bas. Elle a été dite cette parole avec des larmes de reconnaissance et d'amour, par saint Augustin, l'immortel évêque d'Hippone. Et certes, son témoignage a quelque valeur. Or, saint Augustin, résumant sa longue expérience des hommes et des choses, et donnant une conclusion à toutes ses œuvres, s'est écrié: « Vous nous avez faits pour vous, Seigneur, et notre cœur sera toujours agité, déçu, troublé, tant qu'il ne se reposera pas en vous.»
C'est à nous tous, M. C. F., que cette parole s'adresse, c'est à la société tout entière. Nous avons vu les causes principales de nos malheurs, l'impiété, l'irréligion; nous en connaissons les remèdes, un retour sincère à Dieu. Nous ne cesserons de vous le dire de la part de Dieu : Redevenez franchement catholiques, aimez l'Église et les enseignements qu'elle vous donne. La société ne trouvera de sûreté, d'abri et de paix qu'en Jésus-Christ. Hors de lui point d'espoir, point de salut.

    Amen.
        

(*) N'avons-nous pas eu la douleur d'entendre naguère M. le préfet des Pyrénées-Orientales, dans un discours de distribution de prix qui restera tristement célèbre, donner, à Perpignan, ce conseil aux mères de famille: "Développez chez vos enfants le sentiment du devoir, le sentiment religieux en dehors de tout dogme" c'est-à-dire en dehors de toute religion, puisque l'absence de dogme constitue l'absence de religion.

    [1] Imprimé par Charles Noblet, 18 rue Soufflot, Paris.
    [2] Pallu A, La Souveraineté nationale et les réformes sociales, — Imp. Th. Lancelin, Saint-Germain, juin 1871.

 


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