MONTYON

Jean-Baptiste-Antoine Auget, baron de Montyon
(1733-1820)

baron de Montyon (1733-1820)

Célèbre philanthrope, né à Paris le 23 décembre 1733, mort dans la même ville en 1820. Son père, maître des comptes,lui laissa une fortune considérable dont il devait faire le plus noble usage. D'abord avocat au Châtelet (1755), il devint ensuite conseiller au grand conseil, maître des requêtes au conseil d'Etat (1760) et attira vivement sur lui l'attention, six ans plus tard, en se prononçant avec vigueur contre la mise en accusation de La Chalotais. Mis à la tête de l'intendance d'Auvergne en 1767, Montyon se fit aimer de ses administrés non-seulement par son esprit de justice, mais encore par son inépuisable bienfaisance envers les indigents et les ouvriers sans travail, à qui il consacrait annuellement 20,000 livres de ses revenus. Ayant refusé d'installer en Auvergne les magistrats désignés par le chancelier Maupeou pour remplacer le parlement, on lui enleva son intendance; mais il alla peu après remplir les mêmes fonctions en Provence, puis à La Rochelle. Rappelé à Paris, Montyon fut nommé conseiller d'Etat en 1775 et chancelier de Monsieur en 1780.

Tout en se montrant administrateur zélé, Montyon s'occupait de belles-lettres et d'études économiques. Il envoya à l'Académie française un Eloge de Michel de L'Hospital qui obtint un accessit (1777), puis fit paraître Recherches et considérations sur la population de la France (1778, in-8°). Souvent, à cette époque, il avait été la providence inconnue d'écrivains dont la détresse réclamait les plus prompts secours. A partir de 1778, il fonda, sans se faire connaître, un certain nombre de prix qu'il chargea diverses sociétés savantes de distribuer. C'est ainsi qu'il établit des prix annuels:

  • pour des expériences utiles aux arts (1780),
  • pour l'ouvrage littéraire regardé comme le plus utile à la société (1782),
  • pour le procédé qui rendrait moins malsaines les opérations mécaniques faites par les ouvriers ou les artistes (1782),
  • pour le mémoire qui présenterait les moyens de simplifier les procédés de quelque art mécanique (1783),
  • pour un acte de vertu fait par un Français pauvre (1783),
  • pour une question de médecine utile (1787).

Pour chacun de ces prix, Montyon constituait une somme de 12,000 livres dont la rente devait être donnée à celui qui remporterait le prix. En outre il constitua, en 1783, une rente viagère de 600 livres pour un homme de lettres nécessiteux.
En 1787, il fut un instant question d'appeler Montyon au poste de garde des sceaux. L'année suivante, il publia un Mémoire présenté au roi au nom de MM le comte d'Artois, le prince de Condé, le duc de Bourbon (1788).

Dès le commencement de la Révolution, le baron de Montyon, "extrêmement riche et peu entraîné vers les idées nouvelles" émigra, et passa à Genève, où il se trouvait lorsque l'Académie française lui décerna un prix pour un mémoire intitulé: Conséquences qui ont résulté pour l'Europe de la découverte de l'Amérique (1792).
Montyon employa les 3,000 frs qui lui revenaient pour ce prix à en fonder un autre, qu'il chargea l'Académie de décerner. Ayant quitté Genève, il se rendit en Angleterre, où il resta jusqu'à la fin de son émigration sans prendre part aux intrigues royalistes. C'est là qu'il publia un remarquable
Rapport sur les principes de la monarchie française, adressé à Louis XVIII (Londres, 1798, in-8°), où il réfutait un ouvrage de Galonné, intitulé: Tableau de l'Europe, dans lequel cet ex-ministre soutenait que la nation française n'avait jamais eu de constitution légale. Le Rapport publié par Montyon avait pour but de prouver le contraire; mais, chose remarquable, il n'y parvint qu'en démontrant en même temps que cette constitution, très-positive, quoique non formulée, avait été constamment violée par les rois.
En 1801, l'Académie de Stockholm couronnait une étude de Montyon sur le
propos des lumières dans le XVIIe siècle. Ce fut également pendant son exil volontaire qu'il publia les écrits suivants : Quelle influence ont les diverses espèces d'impôts sur la moralité, l'activité et l'industrie des peuples (Londres, 1808, in-8°); Ecrit statistique du Tonkin (1811, in-8°), et Particularités et observations sur les ministres des finances les plus célèbres, depuis 1660 jusqu'en 1791 (Londres, 1812, in-8°), ouvrage critique, rempli de vues ingénieuses et d'anecdotes intéressantes. Dans ces différents écrits, Montyon se montre d'une philosophie aimable et qui n'exclut point chez lui la finesse et quelquefois la profondeur. Montyon était un esprit fin, d'un savoir très-varié, un conteur agréable, un homme indépendant par le caractère et par la fortune, si bien qu'il voulut rester émigré, non par un attachement aveugle à la maison de Bourbon, mais parce que le gouvernement impérial lui paraissait moins supportable encore que le régime de l'ancienne monarchie.

Montyon ne revit la France qu'en 1814, lors de la première Restauration.Le prix de vertu et le prix pour l'ouvrage le plus utile à la société, qu'il avait fondés jadis, avaient été supprimés pendant la Révolution, en même temps que l'Académie française. A son retour, à Paris, il les rétablit et ajouta à ses libéralités divers dons aux bureaux de charité de Paris, s'élevant ensemble à la somme de 35,000 fr. Son testament, inspiré par les sentiments de la philanthropie la plus élevée, contenait les dispositions suivantes, bien dignes d'être textuellement reproduites:


10,000 frs seront mis en rente pour donner un prix à celui qui découvrira les moyens de rendre quelque art mécanique moins malsain, au jugement de l'Académie des sciences;
10,000 frs seront mis en rente pour fonder un prix annuel en faveur de celui qui aura trouvé dans l'année un moyen de perfectionnement de la science médicale et de l'art chirurgical, au jugement de la même Académie;
10,000 frs pour fonder un prix annuel en faveur d'un Français pauvre qui aura fait dans l'année l'action la plus vertueuse; 10,000 frs pour fonder un prix annuel en faveur du Français qui aura composé et fait paraître le livre le plus utile aux mœurs: ces deux derniers prix laissés au jugement de l'Académie française
.
 

Montyon léguait, en outre, par le même acte, 10,000 frs à chacun des "hospices des divers arrondissements de Paris, pour être distribués en gratifications ou secours aux pauvres qui sortiront de ces établissements". Ces sommes devaient être progressivement doublées, triplées et même quadruplées, selon la fortune du testateur. Elle s'élevait, à l'époque de sa mort, à 5 millions de francs, en dehors du legs universel par lui déterminé.

L'éloge de Montyon a été mis à diverses reprises au concours par l'Académie française. En 1838, son corps a été transporté du cimetière Montparnasse à l'Hôtel-Dieu, où un monument a été érigé en son honneur.

 

  • Lacretelle, Discours sur M. de Montyon, Recueil de l'Académie (1820-1829);
  • F. Labor, M. de Montyon d'après des documents inédits (Paris, 1880);
  • G. Dumoulin, Montyon (Paris, 1884);  
  • L. Guimbaud, Auget de Montyon (1909)

© Société d'Histoire du Vésinet, 2002