Cité dans "La Commune du Vésinet, histoire urbanisme et paysages" Oberthur, Rennes 1943

L'organisation de la « défense du site » du Vésinet

Jean Schiffer [1]

Le Vésinet n'est guère connu que par l'aspect qu'il présente aux nombreux automobilistes allant de Paris à Saint-Germain par Nanterre. Entre le pont de Chatou et le pont du Pecq, les conducteurs et passagers qui consentent à regarder ce qui les entoure voient se succéder les propriétés ombragées, sauf au moment où, passant devant la Mairie du Vésinet, ils traversent la partie supérieure du village.
Si, abandonnant pendant trois kilomètres la route nationale tracée en ligne droite, ils empruntaient quelques-unes des voies qui parcourent la commune, ils feraient une charmante découverte, celle d'une antique forêt dont ou a sauvé le caractère et la beauté, et qu'on a embellie par cent créations d'un goût charmant exemple exceptionnel d'une heureuse collaboration de l'homme avec la nature.
[...]
Quelle est à ce moment
[1932] la situation de la banlieue parisienne ?
La description la plus caractéristique, on la trouve dans le rapport de M. le Sénateur Linyer, Rapporteur de la loi autorisant l'établissement d'un projet d'aménagement de la région parisienne, rapport lu au Sénat le 23 mars 1932:

«L'étranger qui vient à Paris, dit M. Linyer, avant de pouvoir admirer cette merveilleuse ordonnance du centre de la capitale qui contribue à lui assurer sa suprématie parce qu'elle est un modèle de goût et d'élégance, est obligé, hélas! de franchir dans une banlieue sordide, lépreuse, inorganisée, une série de zones habitées qui font penser parfois aux fameux cercles de Dante. Il a sous les yeux le spectacle de l'incohérence, de l'imprévision, de l'anarchie, quand ce n'est pas celui d'opérations égoïstes et malhonnêtes, lotissements aménagés à la hâte par un spéculateur uniquement préoccupé à revendre ses terrains avec profit, sans souci des règles et des nécessités les plus élémentaires de l'hygiène et de la voirie, communes suburbaines dont l'extension rapide s'est opérée au petit bonheur sans plan préconçu, sans liaison et sans concordance avec le développement des communes contiguës.»

Par bonheur, le Vésinet, sauvé par son Cahier des Charges, n'est pas trop atteint. Dès 1930 la Municipalité et quelques personnalités locales se sont émues. Le problème est quelque peu complexe. Les propriétaires habitants le Parc, sous l'influence de l'ancienne tradition, ne songent qu'à leur tranquillité et paraissent insensibles même à la dépréciation paradoxale de leur bien. Les commerçants, eux, sans s'apercevoir que l'évolution malheureuse du Vésinet créerait un peu partout une concurrence dangereuse, sont plutôt favorables à la multiplication des lotissements. En réalité, chacun constate, subit, et incline vers la solution paresseuse au sujet de laquelle, d'ailleurs, il se contente d'épiloguer.
L'action méthodique va commencer.
Il est indispensable, avant tout, de consacrer l'accord de tous sur les idées générales qui régiront l'activité ultérieure. Pour cela, on rédige une note intitulée : «Etude sur la situation économique du Vésinet.», qui comprend trois parties;
   1 - Un exposé succinct faisant ressortir le caractère exceptionnel de la beauté de l'endroit, et le fait que cette beauté n'a jamais été copiée et qu'elle ne peut plus l'être;
   2 - La démonstration de la valeur réelle inégalée des biens particuliers et collectifs de la commune et de la nécessité de provoquer des demandes en face du nombre important des offres qui font baisser la valeur apparente des biens particuliers;
   3 - La nécessité absolue de maintenir et de parfaire les règles qui ont été conçues par les créateurs du Vésinet et qu'ils se sont imposées, allusion au Cahier des Charges et préparation des esprits à la procédure de conservation du Parc du Vésinet et aux mesures préparatoires.
La conclusion de cette notice était la suivante:

« En résumé, respect du Cahier des Charges, procédure à établir par la Municipalité pour réglementer les transformations dans l'état de choses existant. voilà les deux premiers points qui doivent faire l'objet des études à entreprendre. Mais il est un certain nombre de mesures d'ordre secondaire dont l'adoption est nécessaire.
- 1 - On a vu que l'une des causes du morcellement ou de la vente dans de mauvaises conditions de certaines propriétés venait du fait que le Vésinet est mal connu. Il faut donc le faire connaître.
- 2 - La clientèle étant attirée, il ne faut pas qu'elle soit déçue. D'où la nécessité d'avoir un service d'entretien qui remédie dans un court délai aux désordres qui peuvent se produire. Appel aux habitants eux-mêmes, exécution régulière de leurs contrats par les entreprises qui assurent des services publics, création d'un service peu coûteux de surveillance et de propreté, tout cela peut être rapidement organisé. La propreté étant obtenue, on peut, par des mesures simples, maintenir la bonne ordonnance des parties publiques. Chose excellente aussi d'améliorer certains sites au moyen de quelques parterres. Et chose excellente encore de ne jamais laisser disparaître un arbre sans apporter son remplaçant.
»

Tous les termes de cette notice furent approuvés par la Municipalité. On pouvait passer à l'exécution; un programme objectif fut rapidement redise et présenté. La propagande était envisagée sous deux formes: propagande intérieure pour les habitants du Vésinet, propagande extérieure. Pour maintenir et parfaire le statut du Vésinet, on proposait : Une étude précise du Cahier des Charges, de ses lacunes, et une recherche des moyens de remédier à celles-ci; L'établissement d'un programme de moyens simples pour hâter la procédure de conservation. Les directeurs des Agences immobilières, assez nombreuses au Vésinet, furent reunis au Siège de leur Association et reçurent les explications les plus claires sur les buts qu'on s'assignait et sur les moyens qu'on comptait employer pour atteindre ces buts. Un grand nombre de propriétaires de villas à vendre ou à louer furent visités personnellement et éclairés sur les perspectives d'avenir que l'exécution du programme permettrait d'envisager. Le programme fut à son tour approuvé par la Municipalité. C'est l'étude approfondie du Cahier des Charges qui a permis de déterminer la portée exacte de celui-ci, de définir ses lacunes, et de proposer les moyens d'y remédier. Ce travail a été la base du plan d'aménagement communal que justement la loi du 14 mai 1932 prescrit aux maires de Seine-et-Oise d'établir d'urgence.
Le 29 mai 1932, on put présenter un rapport d'ensemble qui enregistrait les résultats obtenus et définissait les voies à suivre.

    [1] Conseiller municipal et secrétaire général du Syndicat d'Initiative.

     

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