Le Monde illustré, 10 juillet 1880 (extrait) [1]

L'Alsace-Lorraine au Vésinet [2]

Le souvenir de l'Alsace-Lorraine semble s'effacer au milieu de toutes nos dissensions et de nos préoccupations politiques nous sommes donc heureux de montrer à nos lecteurs que nos vieilles provinces ont encore des amis fidèles, et les enfants de nos chers compatriotes des protecteurs dévoués. On se souvient que, en 1871, après nos désastres, M. le comte d'Haussonville, sénateur, fondait la Société de protection des Alsaciens et Lorrains demeurés Français. Cette société eut pour but de favoriser l'émigration des optants et eut pour résultat la création de villages prospères en Algérie. Il fallait bien songer aussi aux orphelines abandonnées de ce malheureux pays ce fut l'œuvre de M. Edouard de Naurois [3] qui acheta, en 1875, au Vésinet, un terrain de 8 000 mètres, y fit construire un établissement où trente-sept jeunes filles reçoivent les soins et l'instruction des sœurs de Saint-Charles, ordre Alsacien, qui seront probablement expulsées comme les autres congrégations. [4]

La distribution des récompenses se faisait naguère à la Noël. Cette année, c'est le 12 juin qu'eut lieu cette cérémonie, en présence de M. d'Haussonville, président, et d'un grand nombre de personnages de distinction, parmi lesquels nous citerons Messieurs Viellard-Migeon, Alexandre, Durieu, Hepp, Mannberguer, le marquis de Raigecourt, Ruch, Petit, Rumpler, Penot et Mesdames la baronne de Page, Odier, Dupuy, et plusieurs membres de la presse parisienne.
La musique du 11e chasseur prêtait son concours à la fête. Les jeunes filles chantèrent quelques morceaux de musique. L'une d'elles, après l'allocution du président et la distribution des prix, vint réciter, avec son accent alsacien, un compliment de remerciement qui remplit d'émotion toute l'assistance. Enfin une distribution de gâteaux fut faîte aux pauvres enfants qui se dispersèrent dans le parc.
Nous représentons cette naïve fête par son côté tout intime, en reproduisant une charmante aquarelle faite d'après nature par une main aussi habile que charitable. La maison du Vésinet peut contenir quarante lits ; trente-sept sont occupés.

Puisse cette simple image tomber sous les yeux d’âmes généreuses qui voudraient s'associer à cette bonne œuvre. Un lit coûte 8 000 francs une fois donnés, ou 400 francs par an. Enfin, on reçoit les dons de toutes sortes qu'on veut bien envoyer, en s'adressant au siège de la Société, 9 rue de Provence.

    Notes et sources

    [1]Publié dans "Echos du Passé" - Vivre au Vésinet n°13, janvier 1993.

    [2] La voie desservant l'orphelinat s'appelait alors avenue Transversale-rive-gauche. Elle reçut en 1878 le nom de avenue d'Alsace-Lorraine. Le Pont du Village devint par là même Pont d'Alsace-Lorraine. En décembre 1944, l'avenue d'Alsace-Lorraine fut scindée en deux, dans la configuration actuelle. (Le Vésinet en Chemins, 1986).

    [3] M. de Naurois fit cette acquisition (en 1873) pour restituer la propriété à la Comtesse de Chabrillan (Céleste Mogador) dont il était le débiteur. La Comtesse incita M. de Naurois à faire de cette propriété un orphelinat. Le Comte d'Haussonville accepta le don à condition que le nom de la Comtesse de Chabrillan -jugé "sulfureux" n'apparaisse pas dans la transaction et qu'elle ne fasse jamais partie des dames patronesses.

    [4] L'Etablissement n'a pas été affecté par la loi de 1905 qui supprimait les « budgets de l'Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes ».


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