Les Aveugles à travers les âges, la clinique nationale ophtalmologique des Quinze-Vingts, par le Dr Constantin Golesceano. aux impr de A. Lebois (Bar-sur-Aube) 1902

Biographie de M. Alphonse Péphau
par le Dr Constantin Golesceano [1]

Né dans le Gers, à Marsolan, le 1er juillet 1837, il fit ses études au lycée d'Auch, puis au lycée de Cahors, où il se lia avec Gambetta d'une amitié qui ne se démentit jamais [2]. Il vint à Paris pour faire son droit et obtint sa licence. Il est chef de section au ministère des finances le 1er juillet 1859.
Pendant la guerre de 1870, Gambetta étant ministre de l'intérieur, appelle son ami auprès de lui, le 5 septembre 1870, pour prendre la direction à l'intérieur de l'ordonnancement des dépenses de la garde mobile, de la garde nationale de Paris et des corps francs. En novembre 1871, il fondait avec lui et l'élite de ses amis politiques la "République Française", puis, en 1876, "la Petite République Française". Le 20 septembre 1878, M. Péphau est appelé à la direction de l'hospice national des Quinze-Vingts et installé le 1er octobre suivant.
M. Alphonse PéphauC'est à partir de cette époque que le "roi des aveugles", selon l'expression de M. Constans, introduit des améliorations successives et procure le bien-être de ses "sujets". Diriger et administrer paternellement sous l'égide de M. le ministre de l'intérieur, avec 600.000 francs de revenus annuels de la maison, cela pouvait certainement satisfaire son ambition; mais tout autre était son but: il étendit son intérêt à des aveugles du dehors, en leur accordant des pensions externes variant de 100 à 200 francs par an. L'élude des finances des Quinze-Vingts laissèrent voir que les ressources de la maison étaient insuffisantes pour secourir en dehors des 300 pensionnaires les 1.800 aveugles externes, et c'est alors qu'avec son ami le Dr Fieuzal, qui était médecin de l'hospice des Quinze-Vingts, il étudia le projet d'installer une clinique nationale pour diminuer dans les mesures possibles le nombre toujours augmentant des aveugles.
Grâce à son activité, il fonda la Société d'Assistance pour les aveugles qui, en 1886, fut reconnue d'utilité publique. Sous l'impulsion de M. Péphau, la Société d'Assistance a donné à la clinique nationale des Quinze-Vingts, le pavillon d'isolement et l'école Braille, située à Saint-Mandé.
Le 13 juillet 1890, M. Péphau est nommé chevalier de la Légion d'honneur.
Le 18 octobre 1894, le Conseil général de la Seine décerne à M. Péphau, pour "le dévouement et l'abnégation qui sont au-dessus de tous éloges", une médaille d'or d'une valeur de 200 francs.
Le 30 juillet 1896, il est promu officier de la Légion d'honneur. Ses grands services rendus à l'humanité retentissent dans tous les pays. C'est ainsi que la Roumanie, grande amie de la France, décerne, le 24 juillet 1900, à M. Péphau l'ordre de la couronne de Roumanie.
Si quelques insinuations plus ou moins bienveillantes vinrent troubler ce fervent des grandes œuvres, elles n'eurent aucune prise ; tout au contraire, elles ne firent que stimuler la lutte et le zèle de M. Péphau [?].
Le désintéressement absolu dans son administration de l'école Braille, de l'hospice et de la clinique n'est plus à faire.
A l'école Braille, son but est de faire des heureux et des travailleurs. Il est lui-même le plus heureux des mortels en savourant la joie et les caresses de tous ces enfants lorsqu'il se trouve parmi eux. A l'hospice, il a la douce satisfaction de voir l'aveugle jouir paisiblement de la demeure que l'Etat lui prodigue. Enfin, la clinique et ses dépendances lui valent l'admiration et la reconnaissance nationale.
Le 1er mars 1887, M. Péphau faisait cession officielle à M. le Préfet de la Seine de l'école Braille, et, à partir de cette date, elle devient école départementale.

 

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Alphonse Péphau jouissait alors d'une grande notoriété, et la fondation de la Clinique Nationale Ophtalmologique des Quinze-Vingts, et de l'Ecole Braille, toutes deux de grande renommée, lui valaient l'estime de tous. Il porta toute sa vie le titre de directeur honoraire des Quinze-vingts avec fièreté. Il était Commandeur de la Légion d'honneur.

à M. Alphonse Péphau

 

Monsieur,
Vous avez fondé une institution pour les enfants aveugles.
Je ne puis vous dire à quel point m'émeut la réalisation de cette pensée.
Je vous envoie ce que j'ai de meilleur dans le coeur.

VICTOR HUGO

 

Paris, 1er juin 1884.

Alphonse Péphau est décédé dans la nuit du 11 au 12 octobre 1921, dans sa maison du Vésinet, 14 rue des Chênes, sur un grand terrain boisé, à l'angle de l'avenue des Courlis. Quelques années plus tôt, le 29 novembre 1915, dans cette même maison était mort le vice Amiral Péphau, frère d'Alphonse, âgé de 72 ans.
Jacques-Théophile Péphau avait fait une brillante carrière de marin. Capitaine de vaisseau en 1889, contre-amiral dix ans plus tard et vice-amiral le 19 octobre 1903, il avait participé à la campagne du Mexique en 1867 et la campagne de la Baltique en 1870. Il avait aussi représenté la France à la Conférence de La Haye (1899). Commandant l'escadre du Nord, il avait terminé sa carrière comme préfet maritime de Brest. L'annonce fracassante de sa démission (1907) à la suite d'un désaccord avec son ministre, avait fait grand bruit. A sa retraite, l'amiral Péphau fut nommé membre du conseil supérieur de la Légion d'honneur. Il fut inhumé dans le caveau familial, au cimetière communal du Vésinet, comme son frère.

Le fils d'Alphonse Péphau, Jacques Pierre Péphau, capitaine au 205e régiment d'artillerie, fut tué glorieusement au service de la France, le 27 mai 1918, à Busselboom (Belgique) durant l'offensive allemande du Mont-Kemmel. Son nom figure sur les monuments aux morts de la commune. Il fut associé au service funèbre de son père, le 25 octobre 1921, à l'église Ste-Marguerite du Vésinet. Une plaque commémorative est apposée sur le caveau familial.

    [1] Les Aveugles à travers les âges, la clinique nationale ophtalmologique des Quinze-Vingts, C. Golesceano. aux impr de A. Lebois, Bar-sur-Aube, 1902.

    [2] Alphonse Péphau assista, en 1867, à l'intervention au cours de laquelle Léon Gambetta perdit son œil, des suites de complication d'une blessure de jeunesse. Peut-être cela a-t-il initié chez lui cette empathie particulière qu'il porta aux aveugles.(§ Syndicat National des Ophtalmologistes de France, septembre 2001)


Société d'Histoire du Vésinet, 2011- www.histoire-vesinet.org