Le Vésinet, revue municipale n°83, juin 1988

La première séance du Conseil municipal du Vésinet

Le Vésinet, a été érigé en commune par la loi votée le 31 mai 1875. Après la parution de cette loi au Journal Officiel du 8 juin 1875, les choses allèrent très vite pour mettre en place la nouvelle commune et la nouvelle municipalité.
Le Préfet de Seine-et-Oise nomma, le 9 juillet, un administrateur provisoire en la personne de Jean Moncharville, chargé notamment de convoquer les électeurs pour procéder à l' élection du premier Conseil Municipal. Le Vésinet devait élire 12 conseillers municipaux (en cas d'égalité, la voix du maire ou du président de séance était prépondérante en cas de partage des voix). Le premier tour des élections eut lieu le dimanche 25 juillet 1875. Le Vésinet à l'époque, comprenait 1500 habitants vivant dans 554 maisons auxquels il fallait ajouter 800 estivants, comme nous l'indiquent les documents de l'époque.
Les élections se passaient d'une manière quelque peu différente de celle que nous connaissons aujourd'hui. En effet, les électeurs furent convoqués à 8h du matin, le scrutin ouvert à 8h15, pour durer trois heures et s'arrêter à 11h15. Le président du bureau de vote, M. Moncharville, procéda à l'appel de chacun des électeurs inscrits, et chacun d'entre eux vint alors déposer son bulletin dans l'urne, Il fut procédé ensuite à un second appel pour les personnes qui ne s'étaient pas présentées lors du premier. A 11h15, on interrompit le scrutin pour le reprendre à 15h00 pendant trois heures. On procéda à un deuxième réappel des électeurs inscrits avant la clôture définitive du scrutin.
Deux listes au moins, pensons-nous, étaient en présence, car nous n'avons pas de documents précis sur cette journée et la presse locale de l'époque s'intéressa fort peu à ces premières élections. La première liste était animée par les membres de l'Union des Propriétaires du Vésinet, association qui avait été créée par Alphonse Pallu lui-même; la seconde était composée de personnes qui, apparemment, n'avaient pu trouver de place sur la première, et s'étaient constituées en liste d'opposition.
Sur 463 inscrits on compta 337 votants. 70 personnes recueillirent des voix, mais il faut noter que 40 personnes eurent entre une et cinq voix seulement. 8 candidats furent élus sur 12, et il n'est pas inutile de leur rendre hommage en rappelant leur nom, leur profession et également leur lieu d'habitation.

  • Adrien Gastambide (257 voix) Conseiller à la Cour de Cassation, président en exercice de l'Union des Propriétaires du Vésinet. Il demeurait au 8, route des Princes (rue François-Arago) [il avait fait partie du conseil municipal de Chatou au titre de la section du Vésinet];
  • Alphonse Pallu, avec 2 voix de moins, mentionné simplement comme propriétaire;
  • Jean Moncharville, administrateur provisoire de la commune, avocat. Il habitait boulevard de Ceinture rive droite, sans autre précision. Le boulevard de Ceinture rive droite était à la fois le boulevard des États-Unis et le boulevard de Belgique actuels ; [en 1880, un Moncharville était domicilié au 22, route de la Faisanderie];
  • Jules Renouard, doyen du premier Conseil Municipal, était, nous dit-on, rentier. Il habitait 82, avenue du Chemin-de-Fer rive droite, l'actuelle avenue Gallieni.
  • Emile Cappe, horticulteur, demeurant au 6, rue de l'Église, (rue du Maréchal-Foch);
  • Herman ou Victor David, comptable, demeurant Pelouse de la Gare (cette précision devait suffire à l'époque).
  • Louis-Auguste Féron, conseiller à la Cour des Comptes, qui demeurait 23, avenue de la Princesse rive droite, aujourd'hui l'avenue du Général-de-Gaulle, très vraisemblablement l'actuel n°25.
  • Dominique Quenet, élu de justesse avec trois voix de plus que la majorité absolue, demeurant place du Marché, à l'angle de la rue Thiers en allant vers la rue Horace-Vernet; il était entrepreneur de maçonnerie.

Après la proclamation des résultats, les bulletins furent brûlés en présence des personnes qui assistaient au dépouillement, sauf bien entendu les onze bulletins blancs ou nuls qui demeurèrent annexés au procès-verbal.
Le second tour eut lieu le dimanche 1er août 1875 et ne dura que trois heures, entre 8 h et 11 h. Il y eut 301 votants, c'est-à-dire 36 de moins que le dimanche précédent, et les quatre élus le furent à la majorité relative.

  • Jean Bivort, courtier de commerce, qui habitait avenue du Belloy près du Lac Supérieur, mais son adresse était également portée comme étant au 38 de l'actuel boulevard Carnot.
  • Pierre Tardy-Panit, charron, qui demeurait au rond-point, 4, route de Sartrouville.
  • Jules de Wazières, capitaine en retraite, 6, Grande-Rue-du-Village notre rue Henri-Cloppet.
  • Dominique Laguionie, distillateur, 42, avenue du Chemin-de-Fer rive droite (avenue Gallieni).

Le Conseil désormais constitué, il fallait nommer un maire. Nous avons retrouvé il y a quelques années, une lettre du préfet de Seine-et-Oise au Ministère de l'intérieur, datée du 4 août 1875, qui rendait compte du résultat des élections et qui proposait de désigner Alphonse Pallu comme maire.
Il ne pouvait suggérer la personne arrivée en tête, c'est à dire Adrien Gastambide, dont la fonction de Conseiller à la Cour de Cassation était incompatible avec celle de maire. Il ne pouvait davantage proposer Moncharville, qui avait joué le rôle d'administrateur provisoire de la commune pendant quelques semaines, en raison de ses occupations trop absorbantes auprès du tribunal de commerce de Paris.
Le préfet rappelait dans sa lettre la suggestion qui avait été faite au ministre, de recommander le colonel de Deban-Laborde qui habitait 54, avenue du Belloy, comme futur maire. Or le colonel en question n'ayant recueilli que 61 voix au premier tour et 49 au second, cela devenait impossible. Détail assez piquant, cette lettre porte en tête une annotation manuscrite du ministre, disant qu'il approuvait les propositions du préfet et qu'il ne se souvenait pas avoir recommandé le colonel de Deban-Laborde, qu'au demeurant il n'avait pas l'honneur de connaître.

Alphonse Pallu, maire

Alphonse Pallu était proposé comme maire, l'une de ses caractéristiques étant d'être, "éminemment autoritaire", et d'être chevalier de la Légion d'Honneur.
Comme maire-adjoint, car Le Vésinet avait droit à un maire-adjoint, le préfet proposait Jules de Wazières, capitaine en retraite, qui vivait sur place et avait donc la disponibilité nécessaire pour s'occuper de la commune, et qui était, ajoutait le préfet, également décoré. Le préfet les nomma le 11 août, en même temps qu'il convoqua le Conseil Municipal. C'est à partir de 1876 que les maires furent élus par les conseillers municipaux.
Revenons-en maintenant à la première réunion du Conseil Municipal qui eut lieu... le dimanche 15 août 1875, à 13 h 30.

Cette première séance se tint à la mairie provisoire, qui était installée dans la salle de l'école des garçons située dans une petite maison qui existe encore, au 5, rue du Marché et qui a une histoire.

Les gazettes de l'époque n'ont dit mot de cette première réunion que nous serions tentés, nous, de considérer comme un grand événement.
Jusqu'en 1884 les séances des conseils municipaux n'étaient pas publiques. L'objet de cette première séance était de procéder à l'installation du maire et de l'adjoint. La présidence fut assurée au début de la séance par M. Moncharville, le secrétaire étant M. Féron et non pas le benjamin comme nous le faisons aujourd'hui (le benjamin était M. Laguionie qui avait 34 ans). M. Moncharville commença par remercier tous les artisans de la création du Vésinet, et, en premier lieu, la Commission de l'Union des Propriétaires, l'association qui avait tant milité pour l'autonomie du Vésinet.
Après avoir remercié son président en exercice, M. Gastambide, M. Moncharville regretta en particulier que M. Mayeur ait refusé de se présenter aux élections. M. Mayeur a joué un rôle très important dans tout le processus de la création de la commune du Vésinet, ayant beaucoup travaillé sur le juridique et lors des enquêtes publiques, il était un des propriétaires les plus importants du Vésinet. Il habitait la propriété du cours Rembrandt (il était en particulier propriétaire de la rive droite du chemin de fer, entre la Pelouse du Moulin et la rue Pasteur). Sa nièce et seule héritière, par la suite, épousa Louis Barthou, ministre des Affaires étrangères sous la IIIe République.
M. Moncharville en vint à la personne d'Alphonse Pallu et rappela le rôle qu'il avait joué à la tête de la société Pallu pour aménager et métamorphoser Le Vésinet.
Il fit l'éloge de son tempérament travailleur, innovateur et conciliateur, rappela son expérience à la tête de la municipalité de Pontgibaud: la reconnaissance de ses concitoyens envers Alphonse Pallu s'était traduite par l'apposition d'une plaque qui portait ces simples mots: "Alphonse PALLU - maire - 1852" sur la façade de la mairie. Cette plaque vous pouvez la voir encore aujourd'hui si, vous promenant dans le Massif Central, vous avez la curiosité d'aller de Clermont-Ferrand à Pontgibaud, ce qui ne demande qu'une demi-heure de voiture.
M. Moncharville ajouta quelques mots en faveur du maire-adjoint Jules de Wazières, dont les habitudes militaires et le sens de la discipline seraient nécessaires pour la sécurité et le bien-être de la commune. Enfin, le président de séance termina son allocution en forme de manifeste électoral. Il indiqua tout d'abord, et je cite ses mots, "que la commune est un pauvre enfant bien péniblement venu au monde et que ses précédents tuteurs n'ont pas gâté". "Il vous faut", dit-il à ses collègues, "l'instruire, le garder, l'éclairer, le loger et l'enrichir" et enfin "il faut tenir les engagements qui ont été pris envers les habitants à savoir que la transformation du Vésinet en commune autonome n'entraînera aucune augmentation d'impôts". Il faut savoir que les habitants du Vésinet payaient leurs impôts auprès des communes auxquelles ils étaient rattachés administrativement, c'est-à-dire Chatou, Croissy ou Le Pecq.
Alphonse Pallu prit ensuite le fauteuil de président et rappela lui aussi l'époque de Pontgibaud, où il dirigeait l'entreprise importante de mines de plomb argentifère. Il avait beaucoup hésité avant d'accepter la charge de maire. En fait, il avait été élu maire en son absence. Au Vésinet, il avait hésité également, étant l'animateur de la société qui portait son nom et qui jouait un rôle essentiel dans la création du Vésinet, à revêtir, si je puis dire, cette double casquette, celle de maire et de président de la Société Pallu & Cie. Mais les intérêts de la future commune et de la société étant convergents, ses hésitations avaient été finalement levées.
Alphonse Pallu s'engagea, envers ses collègues, à la franchise, la loyauté, la bienveillance envers tous, puis il ajouta, en premier lieu, qu'il s'engageait à résister énergiquement à tous les empiétements d'où qu'ils viennent, et il promit "résistance absolue aux mauvaises passions".
Le Conseil Municipal aborda ensuite quelques sujets importants, tout d'abord la question du partage des ressources. Alphonse Pallu reçut mandat de ses collègues de s'inquiéter au plus vite auprès du préfet sur la manière dont la commune récupérerait une partie des impôts qui avaient été perçus par les autres communes. Quelques mois après, lorsque la commune vota le budget du 4 trimestre 1875, ce fut la Société Pallu qui fit l'avance de fonds. Ce premier budget qui fut voté vers la fin de l'année 1875 s'élevait à 6 000 F de l'époque.
Deux autres sujets débouchèrent sur la création de deux commissions (déjà !) la première consacrée à l'examen de l'acte unilatéral d'abandonnement en faveur de la commune, proposé par la Compagnie Alphonse Pallu en 1871. Il portait sur les pelouses, l'église, les voies de communications, etc. Quant à la deuxième commission, elle avait trait au partage du cimetière entre la nouvelle commune et Chatou.

Le conseil municipal a tenu huit réunions entre le 15 août et le 31 décembre 1875, et qu'il n'a pas hésité à se réunir le 31 décembre 1875 à 20 h 15. Les deux décisions importantes de la fin de l'année furent, d'une part, le vote du budget et, d'autre part, la décision de transférer la mairie dans les locaux du pavillon au 26, rue Latérale, (rue du Général-Clavery), en attendant les travaux de construction de la mairie actuelle.
Les litiges d'ordre financier avec les communes voisines ne furent réglés qu'au bout d'une dizaine d'années.

Intervention de M. A-M Foy, maire adjoint,

devant le Conseil municipal réuni pour sa 1000e séance,

le 14 avril 1988.


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