D'après le dossier d'enquête préalable à la déclaration d'Utilité Publique, mai 2017

Eugène Schott et l'Abiétinée de Nancy

Eugène Schott est né à Nancy le 21 février 1863, de Louis Auguste Schott, négociant, et Frédérique Henriette Aylé son épouse. Il exerce à Nancy la profession de négociant en houblons. Avec sa femme Lucie née Longfils, originaire de Baccarat, ils auront trois filles. Vers 1895, la famille s'installe à Maxéville, un village au nord-est de Nancy où Eugène Schott donne libre cours à sa passion en aménageant un vaste jardin où il fait pousser une collection exceptionnelle de conifères : Abies nobilis, Sequoia gigantea pendula, Abies magnifica, Abies holophylla maxim dont il existe des exemplaires dans le jardin botanique de Bonn et dans celui de Vienne. » [1] Il sera maire de Maxéville de 1906 à 1910.
Schott est également membre de la Société centrale d'Horticulture de Nancy. Son jardin ne lui suffisant pas à assouvir sa passion de la botanique, il fonde en 1900 la Société des Amis des belles Plantes et entreprend avec Emile Kronberg et Victor Didier, la création d'un vaste arboretum dans le village de Mazléville, voisin de Maxéville, projet encouragé et soutenu par Emile Gallé, verrier et céramiste déjà renommé.

L'Abiétinée, un arboretum privé créé au début du 20ème siècle [2]

Cet arboretum est un témoignage d'une époque passionnée d'horticulture qui cherchait inlassablement à enrichir les collections botaniques en acclimatant les plantes venues du monde entier ou en créant de nouvelles variétés. Il avait également un lien fort avec le mouvement Art Nouveau de l'Ecole de Nancy : des végétaux ont été sélectionnés à l'Abiétinée pour servir de support aux artistes de l'Ecole de Nancy.
Le 16 octobre 1902, Eugène Schott, annonce la création de l'Abiétinée. Membre de la société centrale d'horticulture de Nancy (SCHN), il était notamment chargé de la communication et a assuré la « promotion » de l'Abiétinée en Lorraine et à Paris. Il présente l'Abiétinée comme une société d'amis des belles plantes, dont « le but principal est de propager le goût des beaux végétaux rustiques sous le climat Lorrain, notamment des Conifères » (extrait d'un bulletin de la SCHN).
Emile Kronberg, le propriétaire du terrain, négociant en charbon et Victor Didier, le chef de culture puis le directeur de l'Abiétinée, tous les deux membres également de la SCHN, sont les deux autres pères fondateurs de l'arboretum.
Le parc regroupe des essences exotiques venues du monde entier ainsi que des obtentions horticoles lorraines. De nombreux conifères sont présents dans le parc, d'où le nom d'Abiétinée, dérivé des Abiétacées famille de conifères ayant le sapin pour type. Une vaste rocaille granitique et calcaire, près d'un chalet, faisait également partie du parc destinée aux cultures pour la naturalisation des plantes de montagne. Elle est aujourd'hui disparue.

Abiétinée de Nancy en 1910 •La grande allée [1]

 

Abiétinée de Nancy en 1910 •Le chalet alpin et Victor Didier [1]

Un lien avec l'art nouveau
L'Abiétinée s'inscrit également dans le courant artistique Art Nouveau de l'Ecole de Nancy avec à sa tête Emile Gallé maître verrier, ébéniste, céramiste ... et jardinier. Les artistes et les horticulteurs de l'époque étaient étroitement liés. lls observaient finement les caractéristiques des plantes jusqu'à explorer leur dimension symbolique et littéraire. On retrouve encore aujourd'hui dans le parc des associations végétales qui inspiraient les artistes autrefois. « L'Abiétinée s'inscrit dans la mouvance de l'horticulture de l'époque, passionnée par la création d'hybrides horticoles dont l'esthétique sera une source d'inspiration pour l'art nouveau à Nancy.» [3]

L'abandon et la redécouverte du parc
Aujourd'hui, aucun plan historique du parc n'a été retrouvé. Cependant, au regard des photos aériennes, sa morphologie a fortement évolué depuis le milieu du 20ème siècle. Dans son emprise actuelle, les espaces ouverts se sont pour la plupart refermés et la végétation s'est densifiée. On remarque sur les photos de 1947 et 1964, la présence de constructions, aujourd'hui disparues. L'abandon progressif du site à partir des années 50 s'est traduit par l'installation d'une végétation spontanée et subspontanée envahissante (frênes, érables planes, vigne vierge, ...). Elle a entrainé la disparition d'une flore horticole, arbustive et herbacée, présente à l'origine. La fermeture du couvert arboré et l'absence d'opérations d'entretien (tailles et soins aux arbres) ont fragilisé les peuplements avec pour conséquences une destabilisation généralisée et la présence de nombreux chablis consécutives à la tempête de décembre 1999. Le manque d'interventions de gestion après cet accident climatique majeur, a accéléré le processus de dépérissement des arbres restants. Malgré plusieurs décennies d'abandon, le parc conserve un patrimoine végétal unique, à travers des spécimens rares à l'échelle nationale voire internationale.
Connu des passionnés d'horticulture et de botanique, le parc est redécouvert en 1998 à l'occasion d'un projet de contournement routier de l'agglomération nancéienne dont l'emprise projetée, amputait de manière significative le site. Une association de défense vit le jour revendiquant la protection de l'Abiétinée. Elle mit en lumière l'importance de ce parc dans l'histoire de l'horticulture Lorraine. Au regard de ces informations, la collectivité abandonna le projet routier et lança un inventaire puis une démarche de protection et de mise en valeur qui aboutira au classement du site en Août 2013.

Eugène Schott au Vésinet

Vers 1910, la famille Schott fait l'acquisition d'une villa de villégiature au Vésinet, La Bizette, au 59 route de Montesson, entourée d'un vaste parc qui jouxte le site des Ibis, qu'elle a fréquenté durant plus de quinze ans.

Le jardin de la propriété dite La Bizette, vers 1910.

     

Portrait de M. Eugène Schott (1934) • dessin de Michel-Adrien Servant (1885-1949)

Au Vésinet où il s'est installé à demeure en 1926, dans une autre propriété située non loin de la première, au 48 route de Montesson : la Villa Beau-Séjour [4], son vaste parc accueille à son tour de nombreux plants d'abiétacées dont la Société nationale de protection de la nature fera l'éloge en 1936.

    Si variées que soient les Conifères autochtones des Grisons, M. Schott fait aisément la preuve devant notre Section de Botanique que les essences exotiques qu'il cultive dans sa propriété du Vésinet offrent de plus attrayantes possibilités aux possesseurs de jardins, voire aux sylviculteurs ; singulièrement décorative est sa collection de Pins, Sapins, Épicéas, Pseudotsugas, Cyprès, Génévriers, aux teintes glauques, bleues ou très pâles, et les rameaux coupés de tel Abies concolor candescens ou de tel Picea parryana nous ont d'autant plus séduits que M. Schott, contrairement à un usage très fréquent en matière de résineux d'ornement, plante généralement des sujets issus de semis et non de greffe. [5]

Schott est devenu conseiller municipal, ordonnateur à la commission administrative de bienfaisance. Chevalier du Mérite agricole lors de la dernière exposition internationale d'horticulture de Paris, il est vice-président honoraire de la Société Centrale d'horticulture de Nancy dont il est membre depuis 1887, membre titulaire de la Société nationale d'acclimatation de France depuis 1896. [6]
Il était un des organisateurs de l'exposition horticole, à Nancy, au cours de laquelle Arthur Billard devait rencontrer François Félix Crousse et lui acheter ses plants de bégonias.
Eugène Schott est mort au Vésinet dans sa villa Beau-Séjour, au 48 route de Montesson, le 7 novembre 1944. Il a été inhumé dans le cimetière communal (Sect. VI).

La villa Beau Séjour, 48 route de Montesson [4]

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    Notes et sources :

    [1] Rapport de visite des grands parcs nancéens, La Société centrale horticole de Nancy fondée par Emile Gallé, 8 Août 1910.

    [2] Le parc de ''Abiétinée, dossier d'enquête préalable à la Déclaration d'Utilité Publique (notice explicative). Métropole du Grand Nancy, Commune de Malzéville, mai 2017.

    [3] Rapport du Conseil Général de l'Environnement et du Développement Durable (CGEDD) du 9 avril 2014.

    [4] Cette adresse, le 48 rte de Montesson et la villa Beau-Séjour était celle donnée dans diverses annuaires de sociétés. De nos jours, cette villa n'a pas de numéro sur la route de Montesson et le n°48 correspond à une autre propriété, la villa des Pins.

    [5] La Terre et la vie: revue d'histoire naturelle de la Société nationale de protection de la nature (France) janvier 1936.

    [6] Source familiale.

 


Société d'Histoire du Vésinet, 2018- www.histoire-vesinet.org