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Tract que M. Philippe ROSEN fit imprimer et distribuer aux habitants du Vésinet (juillet 1935)

Aux HABITANTS de la VILLE du VÉSINET

Le drame sans précédent qui vient de se dérouler dans votre charmante cité, a été une lâcheté préméditée de longue main contre moi et mon fils. Le soir même du Mercredi 3 Juillet, jour du drame, j'affirmais à la Presse que l'auteur de l'incendie de mon Castel Francine (nom débaptisé par M. S. [Marthe Sol]) ne pouvait être une autre personne que M. S., son but étant de toucher une grosse prime d'assurance contre l'incendie. (J'avais dit vrai !).
Je dois à mes amis, connus et inconnus une mise au point de ce drame. Mon nom a été livré en pâture à la presse par votre Commissaire de Police (lire le journal Le Matin du 4 juillet) qui, depuis février 1935, recevait fréquemment des visites de M. S.; il recevait les secrets et les confidences de l'incendiaire. Comment un magistrat peut-il être aussi indifférent en laissant peser des soupçons si graves, et cela sans procéder à la moindre enquête, sur une famille habitant Le Vésinet depuis 1901 ? [1] Il suffisait au Commissaire de s'informer auprès de M. le Maire du Vésinet, qui me connaissait depuis 1904, et qui n'ignorait pas mon passé, mon dévouement, ma collaboration aux œuvres et au bien public, ainsi qu'à la fondation de la Maison des Anciens Combattants du Vésinet (Je suis l'aîné de cinq frères mobilisés pendant la guerre de 1914 [2] ; j'ai été réformé après l'armistice.)

Pendant 33 années j'ai appartenu au Vésinet. Je ne suis pas resté l'homme égoïste conservant et cachant son bonheur et sa fortune, j'ai voulu en faire profiter autour de moi en sacrifiant souvent mes loisirs et mes intérêts pour prendre part aux œuvres de votre cité. Voilà, mes chers amis, ma vie et mon passé.
Le Castel Francine (nom de mon épouse décédée) que j'ai construit de toutes pièces avec mes propres ressource en 1910, m'a été ravi par une aventurière avec la complicité d'hommes d'affaires sans scrupules. La vente de ma propriété est une pure comédie. Une première fois mise à prix 80.000 francs, à une date que je ne connais pas encore elle a été adjugée à une deuxième vente 85.000 francs, sans que je n'aie jamais été touché par aucune procédure.
Le Castel Francine, d'une superficie de 6.000 mètres de terrain, comprenait trois étages de construction moderne. Voulez-vous savoir ce que l'on a fait du mobilier ayant garni les trois étages du Castel ? Un jour j'ai appris par des étrangers que tout ce que renfermait ma propriété a été vendu par une étude de Saint-Germain, sans que je n'aie jamais été prévenu d'aucune façon, pour la somme ridicule de 24.844 francs. Détail du mobilier : meubles anciens et modernes, tapisseries, vaisselle, argenterie, tableaux anciens, gravures, objets d'art, marbres, bronzes, pianos, linge, vêtements ; j'en possède la liste maintenant, mais, contrairement à la loi, l'officier ministériel vendeur refuse de donner les noms et adresses des acheteurs. (Je fais appel aux personnes qui ont acheté à la vente de bien vouloir me transmettre leur nom et adresse, ainsi que le prix des objets achetés). Les noms ne seront pas livrés à la publicité.

Le 22 octobre 1934, j'adressais par lettre à M. le Président du Tribunal Civil de Versailles, mon opposition à la vente du Castel. J'avais été alerté, un acquéreur dans la coulisse voulait saboter la vente et l'obtenir au rabais. Le 7 mars 1935, j'écrivais une lettre M. le Préfet de Seine-et-Oise, en lui signalant que j'étais victime d'officiers ministériels de la région. Je l'avisais que n'ayant pas obtenu satisfaction à différentes réclamations, je venais de déposer une plainte à la Chancellerie dans le but d'obtenir la révision de toutes les ventes de mes biens, sans réserves. Paris et Province.
Le 8 mars 1935 j'écrivais une lettre à M. le Maire du Vésinet pour le mettre au courant de ma situation. Après une vie de travail et de labeur, 47 ans dans le même établissement, victime de la crise commerciale qui sévit depuis 1929, j'ai assumé de lourdes charges (1.400.000 frs au fisc pendant 10 années), j'ai été victime d'officiers ministériels protégés par des lois très anciennes (code Napoléon et lois de 1841).
En 1927 survint le décès, au Vésinet, d'un de mes fils âgé de 22 ans et en 1928 est décédée mon épouse, également au Vésinet, ma collaboratrice aux affaires, et bienfaitrice des écoles du Vésinet. Ici un fait particulier: un notaire ne me donne connaissance du testament de ma femme que quatre années après son décès.
Après ces deuils, ma santé ébranlée, pendant plusieurs mois, je me trouve anéanti, toujours souffrant, aux prises avec toutes les difficultés de la vie, et dans le courant de 1933 se place le rôle néfaste joué par M. S., affairiste acharnée, son intervention, dans toutes mes affaires. Elle court les études d'officiers ministériels pour compromettre la vente de mes immeubles de Paris. Des pièces comptables ont disparu à l'étude d'un notaire de la région. Le fils de la concierge de la propriété incendiée du Vésinet est clerc dans cette Etude.

M. S. s'était introduite dans mon intérieur sous un faux nom : Marthe Durieux. Dévorée par son train de maison de grand luxe, femme intrigante, batailleuse, elle a ruiné mon fils. L'histoire inventée par M. S., d'un prêt de 1.500.000 frs est une plaisanterie et les titres vendus par moi une pure invention. Son protecteur, D. P. [3], n'était pas ignorant de tous ces méfaits. Cette femme avant de disparaître a voulu me salir, m'anéantir ; il me reste encore du courage malgré mes souffrances et mon âge. Il existe au-dessus des petits humains un véritable Tribunal : elle a été punie. Les armes de M. S. : la lettre anonyme et l'argent. [4]

    Paris, 7 rue Notre-Dame-des-Victoires.

     

    Ph. ROSEN

    Ancien Vice-Président de la Caisse des Écoles de la Ville du Vésinet,

    Chevalier de la Légion d'Honneur.

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    Notes SHV

    [1] Rosen, 5 allée du Lévrier (annuaire-guide Robert, 1904) ; Rosen, 7bis allée de la Meute (annuaire-guide Robert, 1908) ;

    [2] Son jeune frère Salomon Rosen a été tué à l'ennemi, en Haute Alsace, en mars 1916.

    [3] Un certain M. Vincent de Pausas qui apparait sinon comme le complice mais comme le "mauvais génie" de Marthe Soll et son héritier.

    [4] L'enquête a confirmé l'essentiel des soupçons et des accusations de M. Rosen mais l'accusée ayant été victime de son crime, il n'y a pas eu de procès.

 


Société d'Histoire du Vésinet, 2007 - www.histoire-vesinet.org