D'après le Journal de Menuiserie, Paris, 1870.

Porte d'entrée des communs dans la villa de M. Pallu au Vésinet
par M. Louis-Auguste BOILEAU, architecte.

En se répandant de plus en plus, le goût de la villégiature a entraîné la construction d'une foule de maisons de plaisance à l'entour des grandes villes de France. Plus que toute autre ville, Paris devait voir ses environs se peupler rapidement de bâtiments de toutes sortes, depuis la plus simple cabane jusqu'à la somptueuse villa.
Ce besoin de s'éloigner momentanément des grandes agglomérations de population a pris une telle extension aujourd'hui, que plusieurs compagnies se sont préoccupées de répondre à ce besoin. Dans ce but, elles ont créé des petits centres situés à proximité des grandes Villes et en communication rapide avec elles, où le citadin, en même temps qu'un air pur, peut trouver réunis toutes les facilités et les agréments d'un séjour à la campagne.
C'est dans une des créations de ce genre les mieux réussies, au parc du Vésinet, près de Paris, que nous avons trouvé le motif des planches 19 et 20 contenues dans le présent numéro du Journal de Menuiserie.
M. Pallu, directeur de la compagnie et fondateur du Vésinet, devait tout naturellement prêcher l'exemple en s'installant un des premiers dans sa petite colonie. Il n'y a pas manqué et il va sans dire qu'il n'a pas choisi le moins bon emplacement. Aussi, la situation aidant, et avec le concours de M. L.-A. Boileau, architecte, s'y est-il construit une demeure importante dont le séjour, si nous ne nous trompons, doit être fort agréable.
Les bâtiments principaux, très variés d'aspect, sont soigneusement établis et bien construits; leur disposition et leur distribution témoignent d'une grande recherche du confort sans jamais tomber dans le défaut, malheureusement si répandu, de viser au château ou au monument. Nous nous proposons d'emprunter plusieurs motifs de menuiserie à cette habitation, dans laquelle les conditions propres à l'architecture rurale nous paraissent avoir été appliquées avec succès.
L'exemple que nous présentons aujourd'hui dépend des bâtiments des communs; il est certainement des plus simples. Malgré, et même peut-être à cause de cela, nous ne le croyons pas dépourvu d'intérêt pour les lecteurs de ce recueil.


Porte d'entrée des communs
de la Villa de M. Pallu au Vésinet près Paris
(Menuiserie Moderne - Planche 19 - Élévation de l'Ensemble)
M. L.-A. Boileau, Arch.

La porte charretière est placée au milieu d'une clôture en treillage vertical, doublé à la base, séparant les communs des autres parties de la propriété. Ce treillage est en grande partie caché par les plantes et arbrisseaux qui l'entourent. La porte se compose d'abord de deux forts poteaux dont le pied est planté dans le sol et reliés à leur tête par une combinaison de différentes pièces de bois sur lesquelles nous aurons à revenir tout à l'heure; c'est entre ces poteaux que manoeuvrent les deux vantaux formant la clôture à claire-voie. [...]

Chacun des deux gros poteaux est armé à sa base d'une jambe de force pour lui donner de l'assiette et lui permettre de résister aux chocs violents que peut occasionner le passage des voitures.
Cependant des barres de fer inclinées en forme de chasse-roues sont disposées pour les éviter et concourent en même temps à assurer la verticalité de ces montants principaux. De même que ces barres de fer, le pied des poteaux et contre-fiches est scellé dans un massif de maçonnerie.
On a eu soin de durcir au feu l'extrémité des fers ayant de les engager dans le moellon et le mortier.
Le croquis perspectif ci-joint montre cet arrangement, très simple et très solide, dont la plus grande partie est enfoncée dans le sol.

A la tête, les poteaux sont réunis par un système empêchant leur écartement. Deux pièces légèrement inclinées reçoivent l'extrémité supérieure de ces poteaux et, venant s'assembler dans une pièce verticale ou poinçon, forment une petite ferme sans entrait; le tirant étant ici remplacé par un certain nombre de liens, profilés sur champ, qui donnent à l'ensemble une rigidité complète.
Par la pente donnée aux arbalétriers de cette forme, l'eau pluviale ne peut séjourner longtemps sur ces bois, et un larmier taillé à chaque extrémité l'éloigne du pied des poteaux.
Restait à l'empêcher de pénétrer dans le poinçon dont le dessus se présente précisément en bois debout; un chapeau en bois de fil, dont le haut est taillé suivant deux pentes parallèles aux arbalétriers, remédie à cet inconvénient. De cette façon l'eau, trouvant un chemin tout tracé, s'écoule rapidement sur les diverses pièces de bois et ne peut par conséquent amener leur pourriture.
Le même soin et la même étude consciencieuse ont été apportés dans la composition des vantaux mobiles. Chaque vantail est formé de deux montants, de 0,11 m sur 0,08 m d'épaisseur, dont les extrémités sont découpées; trois traverses de mêmes dimensions les relient en divisant inégalement leur hauteur. Dans la partie basse est disposée une croix de Saint-André, et les triangles qu'elle forme avec les autres pièces sont remplis par un treillage cloué sur des tasseaux rapportés suivant l'indication de la coupe (planche 20).


Porte d'entrée des communs
de la Villa de M. Pallu au Vésinet près Paris
(Menuiserie moderne - Planche 20 - Détails divers)
M. L.-A. Boileau, Arch.

Disons en passant que les mailles de ce treillage sont suffisamment serrées pour empêcher le passage des volailles ou autres animaux qui pourraient dévaster le jardin. Enfin une série de balustres tournés forme claire-voie au-dessus de ce soubassement. Étant ouverts, les vantaux viennent battre sur les jambes de force dont nous avons parlé plus haut.
On voit par les quelques explications qui précèdent combien la porte représentée dans nos gravures a été sérieusement étudiée par M. L.-A. Boileau, et comment, par une ingénieuse disposition, il l'a placée dans les meilleures conditions de conservation et de longue durée.


Société d'Histoire du Vésinet, 2009 - www.histoire-vesinet.org