D'après La Construction moderne, n°36, 6 juin 1926.

Une visite à Jeanne Lanvin (1926)

Connaissez-vous le Vésinet ?
C'est un coin encore calme des environs de Paris, non encore saboté par l'édification de vilaines constructions comme celles qui envahissent la banlieue de la capitale; les arbres d'autrefois y sont encore nombreux et contribuent à la beauté du pays. Architectes, si vos loisirs vous le permettent, allez faire comme nous une petite promenade au Vésinet et vous y trouverez certainement un grand charme.
En descendant du train, on franchit les voies pour remonter la rue du Maréchal-Foch bordée de maisons avec boutiques comme dans une petite ville des environs de Paris. Passé le Boulevard Carnot, (large voie qui n'est que la grande Route de Paris à Saint-Germain, bordée d'arbres) on remonte l'avenue des Pages bordée de villas nombreuses de construction déjà ancienne, on atteint ensuite un joli rond-point occupé en son centre par une pelouse entourée de lices, c'est le Rond-point royal [1].
En continuant encore l'avenue des Pages,on remarque alors des villas de construction ancienne et d'autres de construction récente, assez nombreuses. Ces villas sont conçues dans un genre nouveau, moderne, sans prétention, aux toitures à deux pentes ou au contraire un peu compliquées, un peu chahutées, quelquefois avec des pans de bois à l'étage et toutes disparaissant sous l'ombrage des grands arbres et ne déparant pas l'aspect général qui est plutôt celui d'un grand parc coupé par de grandes avenues s'étendant sous des voûtes de verdure...
Puis un deuxième rond-point, l'endroit est plus calme, peut-être encore plus joli ; on est à une vingtaine de minutes de la gare. Sur ce rond-point et à l'angle de deux avenues dont le Boulevard de Belgique, est une grande propriété avec des jolis arbres, des roseraies, une grande pièce d'eau, sous de grands espaces ombragés. C'est la propriété de Jeanne Lanvin, avec une grande villa et dépendances qu'elle a nommée "les vieilles tuiles" parce que d'un genre rustique, avec beaucoup d'auvents, de poutrages et couverte en tuiles [2]. Partout des fleurs des vases, des plantes grimpantes.
C'est là que la grande artiste qu'est Jeanne Lanvin vient se reposer de ses travaux durant la belle saison, toujours animée par cette activité remarquable et son amour de la Mode [3].

Les Vieilles tuiles, façade antérieure
(cliché, 1980)

Les Vieilles tuiles, façade postérieure
(cliché 1925)

Vue perspective de la pergola
(cliché 1925)

Vue de la pièce d'eau, assez vaste pour y évoluer en gondole
(cliché 1925)

Derrière la maison s'étendait un vaste parc paysager dont il ne reste que quelques photographies et ce plan d'architecte (M. Vacherot, Parcs et jardins, album d'études, Paris, 1925).
Le morcellement, commencé dès 1956, se poursuit de nos jours.

 

Dans le boulevard de Belgique, à quelques centaines de mètres, se trouvaient deux grands terrains disponibles. Elle en a fait l'acquisition et a chargé Robert Fournez de construire sur chacun une villa – Oh! une villa assez grande – mais d'une belle simplicité, et l'excellent architecte les a composées avec des façades sobres, avec des intérieurs coquets, Il faut avoir visité ces intérieurs pour savoir combien Robert Fournez faisant du moderne, a su créer des intérieurs parfaits et séduisants.

****

    Notes:

    [1] La statue du cerf, n'y sera installée que l'année suivante.

    [2] La maison due à l'architecte P. Bosquet, édifiée vers 1910 est sur la liste des demeures à protéger, annexée au POS de 1992.

    [3] En 1902, le comte Emilio di Pietro, mari de Jeanne Lanvin, était déjà propriétaire d'une maison (2, rue des Chênes), en face du terrain où fut bâtie la villa les vieilles tuiles.


Société d'Histoire du Vésinet, 2012 - www.histoire-vesinet.org