Abel Hugo, Le département de Seine-et-Oise (ci-devant Île de France), 1835 [1]

La Seine & Oise

L'histoire du département de Seine-et-Oise se confond avec celle de la France. L'Île-de-France formait le domaine privé de Hugues Capet, au moment où ce prince fut appelé au trône. Le Véxin français, le Hurepoix et le Mantois, divisions de l'Île-de-France comprises dans la circonscription du département, ne présentent aucun fait important dont le récit ne se trouve dans l'histoire générale du royaume. Il faut dire seulement que le Véxin français reçut ce nom pour le distinguer du Véxin normand, cédé au duc Rollon en 911, par le traité de Saint-Clair-sur-Epte. La rivière d'Epte formait la ligne de séparation entre les deux parties du Véxin.
Les provinces qui composent le département de Seine-et-Oise ont eu, comme toutes les autres provinces de France, des localités possédées, pendant la féodalité, par des seigneurs particuliers : les événements qui appartiennent à ces petites souverainetés trouvent leur place naturelle dans l'histoire des villes et châteaux que renferme le département. C'est là que le lecteur doit les chercher.

Antiquités

Les Romains, qui ont laissé tant de traces de leur séjour dans les Gaules, se retrouvent encore dans le département qui nous occupe ; mais ici leurs souvenirs sont en petit nombre et le temps en efface chaque jour les indices. Ainsi, près d'Artheuil (arr. de Mantes), on trouve les vestiges d'un camp romain et quelques portions d'une voie militaire.
Le village d'Andressy, placé sur la rive droite de la Seine, à l'embouchure de l'Oise, figure dans les annales de l'Empire. Les Romains y entretenaient, dans le IVe siècle, une flotte (classis Anderi-tianorum)chargée de la garde des rivières de Seine, d'Oise et de Marne ; le chef de cette marine résidait à Paris.
Les autres monuments du département de Seine-et-Oise appartiennent à la féodalité ; les plus anciens ne remontent qu'aux IXe et Xe siècles. Ce sont pour la plupart des châteaux-forts construits par les seigneurs de ces époques. Les localités de Montfort-l'Amaury, Chevreuse, Montlhéry, nous ont fourni l'occasion de signaler les principaux. Il serait oiseux d'entrer dans de nouveaux détails.
Mais on ne peut passer indifférent devant les débris d'une maison célèbre qui se trouvent dans la commune de Saint-Lambert, au hameau de Vaumurier. C'est là que florissait le monastère de Port-Royal, avant que l'esprit de secte eût conspiré sa ruine. Quelques pans de murs, voilà tout ce qui reste de l'enceinte du couvent. La maison d'Arnauld d'Andilly existe encore tout entière au lieu appelé Les Granges, sur le coteau qui domine le vallon de Port-Royal. Elle n'a subi que les changements nécessaires pour en faire une ferme.
Le village de Franconville, dans l'arrondissement de Versailles, mérite aussi une mention particulière. Il tire son nom d'une habitation que les Francs y avaient près de Cormeille, dans la forêt de Cormoletus. Cette habitation était appelée Francorum villa ; la vallée qu'elle domine servait sans doute aux revues des troupes, lorsque les rois de la première race résidaient au palais de Cannoy (aujourd'hui Sannois), qui, depuis, a existé sous le nom de château du Mail jusque sous le règne du roi Jean. Dans la partie méridionale de la forêt de Cormoletus, était une autre habitation des colons sarteurs ou essarteurs (on désignait ainsi les défricheurs de terres). Ce lieu, nommé Sartorum villa, a donné naissance au village de Sartrouville.

Mœurs – caractère – langage

Les habitants du département de Seine-et-Oise n'ont, sous le rapport moral, aucune empreinte particulière : la raison en est dans le voisinage de Paris, dans leurs communications continuelles avec cette capitale, dans leur frottement avec les étrangers qui y sont attirés et fixés par les agréments du pays. Les spécialités ont disparu sous le poli de la civilisation. En revanche cette dernière a développé dans le département des qualités qui, pour être moins originales, n'en sont pas moins heureuses; de ce nombre sont l'aménité des formes, la facilité de rapports sociaux, le goût des affaires et l'aptitude aux arts. Cette contrée se fait remarquer en effet par son génie industriel et par les hommes distingués qu'elle a produits en tous genres. Elle n'a sous ce rapport rien à envier aux parties les plus favorisées de la France. Plusieurs de ses enfants ont également acquis de l'illustration sur les champs de bataille : le département de Seine-et-Oise a fourni son contingent à cette glorieuse armée qui pendant vingt ans a vaincu et étonné l'Europe.

Costumes de Seine-et-Oise (1835)

Le département de Seine-et-Oise, éditions du Bastion (réédition 1896)

Le langage des habitants de Seine-et-Oise ne diffère de celui des Parisiens que dans les campagnes, où le peuple a naturellement un vocabulaire varié et des locutions qui tiennent à son état, au genre de ses occupations agricoles et industrielles, inconnues à celui de la capitale.
On a remarqué que, par suite de l'ancien séjour de la cour à Versailles, les habitants de cette ville et des environs ont un langage plus riche, plus figuré et plus nuancé d'expressions recherchées que ceux des autres arrondissements du département.

Topographie

Le département de Seine-et-Oise est un département méditerrané. [2] Il circonscrit entièrement celui de la Seine. Il est borné au nord par le département de l'Oise, à l'est par celui de Seine-et-Marne, au sud par celui du Loiret et à l'ouest par ceux de l'Eure et de l'Eure-et-Loir. Il tire son nom de la Seine qui le traverse et de l'Oise qui vient s'y jeter dans la Seine. — Sa superficie est de 559.028 arpents métriques.

    Sol. — La surface du département est très variée ; elle offre sur tous les points des champs cultivés, des enclos, de belles forêts , des parcs charmants, des plaines, des coteaux, des rivières, des ruisseaux, des étangs et des marais. En général, le sol est formé de terres végétales, argileuses ou sablonneuses, reposant sur des masses calcaires. — Il est divisé en plusieurs plaines ou plateaux, par des vallées, au milieu desquelles serpentent des ruisseaux et des rivières dont le cours est toujours paisible.

    Montagnes. — Les chaînes calcaires qui traversent le département ne peuvent mériter le nom de montagnes. La plus élevée, celle des Mauduites, n'a que 110 mètres de hauteur. Le coteau de Montmorency s'élève à environ 80 mètres. [3)

    Forets. — Les bois et les forêts, dont l'essence principale est le chêne, mais qui renferment une grande variété d'arbres forestiers, occupent une superficie de 113.560 hectares. Les forêts royales seules en couvrent 34.193.

    Étangs. — Les étangs sont au nombre de 87 (étendue, 1.628 hectares); les plus remarquables sont ceux des Bréviaires (117 ha), des Essarts-des-Layes (132 ha), de Maule (126 ha), d'Enghien (150 ha), de Preste (199 ha), de Trappes (204 ha), etc.

    Marais.— 69 marais enlèvent à l'agriculture 1474 hectares de terrain.—Ceux des environs d'Essonne contiennent de la tourbe.

    Rivières. —Trois des rivières sont navigables, la Seine, l'Oise et la Marne. La Seine a dans le département un cours d'environ 147.000 mètres ; l'Oise en a un d'environ 40.000 mètres et la Marne un d'environ 28.000. En outre, 30 petites rivières et un grand nombre de ruisseaux font tourner des moulins et des usines.

    Canaux et navigation intérieure. — Le canal de L'Ourcq, avant d'arriver dans le département de la Seine, traverse une lisière étroite du département de Seine-et-Oise.

    Routes. — Le département compte 26 routes royales, d'un parcours de 715.176 mètres; 48 routes départementales , d'une longueur de 626.439 mètres et 36 chemins vicinaux, entretenus en partie aux frais du département, et d'une longueur totale de 338.107 mètres.

Météorologie

    Climat. — La température est douce, mais variable et humide. Les extrêmes limites du thermomètre Réaumur sont -6° et +16°.

    Vents. — Les vents dominants, S-O., O., N-O., N. et N-E., amènent tous l'humidité.

    Maladies. — Les fièvres putrides et intermittentes, les fluxions de poitrine, les rhumatismes, les maladies chroniques et dyssentériques sont communes au renouvellement des saisons.

[Voir la carte de Seine-et-Oise en 1855]

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    Notes:

    [1]Abel Joseph, comte Hugo (1798-1855), fils aîné du général d'Empire Hugo (1773-1828) militaire et essayiste. Il est le frère aîné de Victor Hugo.

    [2] Méditerrané : qui est au milieu des terres [vieux].

    [3] Les Mauduits sont sur la commune de Guerville qui domine la Seine au dessus de Porcheville, à seulement 178m. Aujourd'hui, le point considéré le plus haut du département (des Yvelines) est à Lainville-en-Vexin dans le Parc naturel régional du Vexin français, à 201 m.

 


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