Bulletin du Diocèse de Reims : Revue religieuse historique et littéraire. Reims, Marne,  1869  [1]

L'archevêque de Reims visite Le Vésinet

Novembre 1869. Monseigneur Landriot, archevêque de Reims se rend à Rome pour prendre part au Concile du Vatican (premier du nom) convoqué par le Pape Pie IX. Il se tiendra du 8 décembre 1869 au 20 octobre 1870.
Le prélat passe par Paris, étape obligée pour utiliser les transports ferroviaires. La visite au Vésinet est plus surprenante. Elle est pour Léon Maret, curé de la paroisse de Sainte Marguerite, l'occasion d'adresser une lettre en forme de reportage au Bulletin du Diocèse de Reims. En voici un large extrait.

    Son Excellence [...] à peine, arrivée à Paris, tenait à consacrer une bonne journée au Vésinet. C'était samedi dernier [20  novembre  1869]. Le prélat était descendu à l'Asile Impérial du Vésinet où l'accueil le plus amical lui était réservé chez M. le Directeur de cet établissement, M. Millard, son ami de vingt ans [2]. Monseigneur a bien voulu se souvenir aussi du curé de la paroisse, et a daigné faire une visite à l'église du Vésinet et au presbytère, où la population, prévenue seulement quelques instants auparavant de la faveur qui nous était accordée, s'est portée respectueusement au-devant du prélat pour recevoir sa bénédiction. Les enfants de nos écoles se sont groupés autour du pontife vénéré qui leur a laissé un souvenir de sa bienveillante visite en accordant un congé à toutes les pensions. Nous entendions les nombreux témoins de la bonté de Monseigneur, se dire les uns aux autres  : « Mgr de Reims, c'est un père au milieu de ses enfants ».
    La fanfare du Vésinet réunie à la hâte par son habile chef, M. Mansion, a fait entendre à cette occasion les plus douces symphonies de son répertoire. Monseigneur a remercié aussi ces Messieurs de leur délicate attention. Après une promenade autour de nos lacs et de notre parc, Mgr Landriot est rentré à l'Asile impérial, où l'attendaient les sœurs de la Sagesse et les trois ou quatre cents convalescentes qui composent cet Asile. Après quelques chants en l'honneur de Son Excellence, l'une des convalescentes a prononcé, au nom de toutes ses compagnes, un compliment dans lequel elle exprimait le bonheur que leur procurait la visite épiscopale, elle faisait des vœux pour l'heureux voyage du prélat et lui promettait de prier chaque jour le Seigneur à cette intention. Monseigneur a répondu avec son cœur, a remercié les convalescentes de leurs souhaits, les a encouragées dans la voie du bien, a dit qu'il ne se regardait pas comme un étranger dans cette maison et que les plus douces relations existaient depuis longtemps entre lui et l'honorable directeur et sa famille, les bonnes sœurs de la Sagesse, dont plusieurs avaient habité La Rochelle, et M. le curé du Vésinet enfin, votre bien-aimé pontife, que nous regardions un peu comme le nôtre, nous a donné à tous une de ses plus précieuses bénédictions  en sorte que la journée du 20 novembre 1869, dont les heures se sont trop tôt écoulées, a été pour le Vésinet une fête de famille  son souvenir sera conservé dans les annales de ma paroisse naissante. [...] Son Excellence Mgr l'archevêque de Reims, doit quitter Paris aujourd'hui même, 22 novembre, pour continuer son voyage vers Rome en passant par la Bourgogne.

     

Jean-Baptiste François Anne Thomas Landriot (1816-1874).
Ordonné prêtre le 25 mai 1839 au séminaire d'Autun, il fut supérieur du séminaire (1842), vicaire-général (1850), puis évêque de La Rochelle (1856), et enfin archevêque de Reims (1866).
À Reims, Mgr Landriot ne gouverna que peu de temps le diocèse dont les travaux du Concile du Vatican et la maladie l'éloignèrent successivement.
Il exerça ses responsabilités pendant la Guerre franco-allemande de 1870 et eut à intervenir plusieurs fois auprès des autorités prussiennes, notamment après l’exécution de l'abbé Miroy [3]. Mgr Lacroix montre comment l'influence de Landriot fut en mesure d'atténuer les mesures de rigueur prises par les Allemands victorieux pendant leur occupation de Reims en 1870. Outre la prédication de nombreuses stations de l'Avent et du Carême, il lança une grande souscription en faveur de l'armée pontificale, créa plusieurs établissements d'enseignement, fonda un asile pour les personnes âgées, et confia l'ermitage Saint-Walfroy aux Prêtres de la Mission.
En tant que membre du Concile, il jugea inopportune la définition de l'infaillibilité pontificale, mais, une fois celle-ci promulguée, il y adhéra et écrivit à ses diocésains pour les encourager à l'accepter.
Il meurt à Reims le 8 juin 1874, à l’âge de 58 ans. Perte pour l’Église et l’art oratoire français. Éloquent prédicateur, il fut aussi un écrivain de renom. Outre ses œuvres pastorales recueillies dans les Œuvres de Mgr Landriot (7 vols., Paris, 1864-74), il écrivit un nombre considérable de volumes dont les plus remarqués furent  : le Christ et la tradition, le Symbolisme, la Femme forte, la Femme pieuse, les Béatitudes, la Prière chrétienne, les Conférences aux dames du monde, les Péchés de la langue, Promenade autour de mon jardin.

 

    Notes et sources  :

    [1] Extraits d'une lettre de M. l'abbé Maret, curé du Vésinet, datée du 29 novembre 1869.

    [2] M. Millard, issu d'une très ancienne famille de la bourgeoisie bourguignonne (échevins aux XVe et XVIe siècles à Châlon) succède au Vicomte de Lastic à la direction de l'Asile Impérial en 1867. Bonapartiste militant et beau-frère de M. Pinard, ancien ministre de l'empire, il est remplacé par Joseph Eriau en novembre 1870. Après la mort subite de M.  Eriau en 1874, M. Millard retrouve son poste jusqu'en 1879. M. Deloche, ancien préfet des Basses-Pyrénées, lui succédera.

    [3] Accusé d’avoir excité ses paroissiens à la résistance et d’avoir caché des fusils dans son église, L’abbé Miroy, curé de Cuchery, fut condamné à mort par un tribunal militaire et exécuté, au petit matin, contre le mur du cimetière du Nord à Reims, pendant l’armistice, le dimanche 12 février 1871. Un gisant commémore l'événement.


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