Texte anonyme de la fin du XIXe siècle.

Chasse au milan dans le Bois du Vésinet

Le roi et la reine d'Angleterre en exil au Château de Saint-Germain

Le 6 janvier 1689 (le 10 disent d'autres auteurs) la reine d'Angleterre Marie d'Este et son fils le prince de Galles, fuyant la persécution et la guerre civile, reçoivent l'hospitalité de Louis XIV au château de Saint-Germain. Le roi partit de Marly et alla jusqu'au pont de Chatou au devant de la reine, avec cent carrosses, dit Madame de Sévigné. Dès qu'on aperçut les voitures de la reine, Louis XIV et sa suite mirent pied à terre. On fit arrêter la première voiture où se trouvait le prince de Galles, et les deux princes s'embrassèrent bien tendrement. La reine était descendue de carrosse et le roi courut au devant d'elle. Elle lui fit compliment et lui exprima outre sa reconnaissance pour les bontés qu'il avait. "Je vous rends aujourd'hui un bien triste service, lui dit le roi, mais j'espère bientôt vous en rendre de plus grands et de plus heureux." Puis il monta avec elle dans son carrosse, se mit à sa droite et y fit également monter Monsieur et Monseigneur.

Marie d'Este et Jacques Stuart, souverains d'Angleterre en exil à St Germain

Louis XIV mena ses hôtes à Saint-Germain par la grande route de Chatou, à travers le bois du Vésinet. Le lendemain arriva le roi Jacques II [2]; quelques auteurs disent que Louis XIV alla également au devant de lui le recevoir au bout du bois du Vésinet ; d'autres qu'il l'attendit seulement au château.

A cette époque, 1690, le gouverneur de Saint-Germain et capitaine des chasses était le marquis de Montchevreuil [3]. Dangeau, dans ses Mémoires, rapporte que le 11 novembre 1692, Monseigneur alla avec le roi et la reine d'Angleterre à une course de chevaux au Pecq. Nous ne savons si le Pecq est mis là pour le territoire du Pecq, et dont dépendait une partie du Vésinet. Le terrain du Pecq n'est pas propice à une course, à moins que ce ne soit sur les plaines qui s'étendent vers Carrières, et encore deux rus qui sillonnent la plaine peuvent-ils s'opposer à faire un terrain propre à une course. C'est plus probablement sur la garenne du Vésinet et sur la plaine qui s'étend vers La Borde. Quoiqu'il en soit, la course fut fort belle, et ce fut le cheval du grand-prieur qui la gagna de deux longueurs de cheval.
En 1693, c'est le maréchal duc Maurice de Noailles qui est gouverneur du château et de la ville de Saint-Germain. Vers cette époque ou un peu plus tard, la maîtrise se composait d'un grand-maître, le maréchal de Noailles, et des autres offices que nous avons vus précédemment, sauf que les gardes à pied étaient au nombre de vingt-huit au lieu de vingt-quatre.
Une déclaration de 1695 nous apprend que les habitants de Chatou avaient, en outre du droit de pâture sur la forêt du Vésinet, sur la partie du bois de la Trahison, et qui était de 160 arpents cédés par le seigneur de Chatou au roi, le pareil droit sur le lieu dit des Bruyères ou des Landes, moyennant une redevance de vingt deniers par feu.
Dans ses curieux Mémoires, Dangeau rapporte une chasse que fît Louis XIV dans la forêt du Vésinet, le 24 avril 1698. Le roi d'Angleterre l'accompagnait, ainsi le prince de Galles. La reine n'y vint pas ; elle était assez incommodée depuis quelque temps ; mais Madame et Madame la duchesse y étaient à cheval. On prit un milan noir, et le roi fit expédier une ordonnance de 800 livres pour le chef du vol. Il en donnait autant tous les ans pour le premier milan pris devant lui. Autrefois, dit Dangeau, le roi donnait le cheval qu'il montait et sa robe de chambre. Le milan royal avait deux pieds de long et cinq d'envergure. Ce nom lui venait de ce que les rois aimaient chasser à l'aide des faucons et des éperviers.

Vers cette époque, à la fin du XVIIe siècle, le système général des routes de la forêt fut complété. Mais bientôt la forêt du Vésinet fut abandonnée comme passage de la cour, par suite de la route que le roi avait fait faire par Marly, quoique la première fût plus courte et plus agréable. A la fin de ce siècle, la terre de La Borde était occupée le seigneur Claude Dodieu [4].
En 1707, les habitants de Montesson, probablement grâce à leur seigneur, obtinrent du roi une mainlevée des droits de pâturage et de pacage qu'ils possédaient dans la forêt du Vésinet. Nous retrouvons à ce sujet, dans un plan du temps, l'espace appelé anciennes pâtures exemptes de dîmes et qui étaient à cheval sur la limite actuelle de la forêt à l'est des boulevards de l'Est et du Nord et qui était limité à l'Ouest par l'avenue des Courlis, la route de Montesson, l'avenue des Pages, le rond-point du Grand-Veneur, l'avenue du Belloy, le lac supérieur et la route de Chatou.

Plan de la Garenne de Vésinet, bornée par arrêté du Conseil du 6 février 1753 [détail (agrandir)]
Levée de l'ordre de Monsieur de Vendières, directeur et ordonnateur général des bâtiments, jardins, arts et manufactures de sa Majesté, par Matis, géographe arpenteur ordinaire des Bâtiments du Roy.
Clos le 28 may 1754 et cotté relativement à l'état des allées, en nombre d'arbres tant dans le dedans de ladite garenne que dans le dehors.
Archives départementales des Yvelines.

Aupec, dit le livre de l'élection, possédait à cette époque de 1709, sans indiquer si la ferme du Vésinet y était comprise, deux cent quatre feux.
Il paraîtrait que l'abandon de la forêt avait fait négliger le service des coches entre Saint-Germain et Paris car, sur les plaintes des habitants, Louis XIV, à la date du 27 mai 1714, enjoint au fermier des postes de rétablir les services de voitures qui ont été supprimés depuis quelques années, et principalement une carriole de dix places. Et le service est ainsi rétabli : trois voitures partiront de Paris à 7 heures, le coche de seize places à 25 sols ; à 1 heure, la carriole de dix places à 15 sols ; à 2 heures 25, le coche de seize places. De Saint-Germain : le coche à 7 heures en été, et 8 heures en hiver. La carriole à 6 heures en été et 7 heures en hiver; le coche à 2 heures. De plus, le fermier doit fournir les chaises à deux chevaux et deux places pour 6 livres 10 sols.

Enfin, nous retrouvons, à l'époque de 1715, le dénombrement des feux de Montesson, qui est de soixante seize feux. [5]

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    Notes et sources:

     

    [1] Maria Beatrice Eleonora Anna Margherita Isabella d'Este (1658-1718) était la fille d'Alphonse IV d'Este, duc de Modène et de Laura Martinozzi, l'une des nièces du cardinal Mazarin. En 1673, âgée de 15 ans, la jeune princesse épouse le duc d'York, héritier du trône d'Angleterre. Catholique, elle sera très impopulaire (le mariage était souhaité par la France).

     

    [2] James Stuart (1633-1701) fut roi d'Angleterre et d'Irlande sous le nom de James II et roi d'Écosse sous le nom de James VII du 6 février 1685 jusqu'à son renversement lors de la Glorieuse Révolution trois ans plus tard. Il était petit fils par sa mère du roi de France Henri IV. Sa mère, sœur de Louis XIII avait séjourné à St-Germain et à Colombes, 20 ans plus tôt, elle aussi contrainte à l'exil. Morte en 1669, Bossuet lui consacra une oraison funèbre restée célèbre.

     

    [3] Henri de Mornay (1622-1706) marquis de Montchevreuil (on écrivait d'ordinaire Monchevreul aux XVIIe et XVIIIe siècles), seigneur de Vaudampierre, chevalier des Ordres du Roi (1688), gouverneur des château et forêt de Saint-Germain-en-Laye (1685) et capitaine des chasses, était fils de Charles, gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roi et de Madeleine de Lancy. Il sera ensuite gouverneur de Louis Auguste de Bourbon, duc de Maine jusqu'à sa mort le 2 juin 1706.

     

    [4] Claude Nicolas Dodieu, seigneur de La Borde, était le descendant (illégitime) d'un éminent ecclésiastique et diplomate, Claude Dodieu, sire de Vély, qui participa au Concile de Trente (1543). Son père Louis Dodieu, avait reçu la seigneurie de La Borde vers 1590.

     

    [5] Louis Leboeuf, dans son histoire de Montesson (1890), précise qu'alors, la profession la plus répandue sinon exclusive était celle de vigneron.


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