Vésigondins célèbres > Marie Scalini (notice) > ...

Marie Scalini (1852-1931)
Artiste lyrique et dame patronnesse

Fille d'un parfumeur de la rue du Faubourg Poissonnière, Jules François Chack, et de Françoise Clémentine Boyer, sa femme, Marie-Louise Chack est née à Paris (3e) le 21 octobre 1852. Après des études de chant, elle entreprend une carrière dans l'art lyrique sous le pseudonyme de Marie Scalini, nom italianisé selon la mode du temps. Elle fait ses débuts à Paris en 1873. On la présente comme « une jeune artiste de 18 ans arrivant de Russie ». Elle a presque 22 ans, elle est déjà mère d'une petite fille et on ne trouve nulle trace de cette période russe, mais elle connaît aussitôt le succès.
Elle débute aux Bouffes-Parisiens dans la Petite Reine (rôle de la première dame d'honneur). "Jolie, charmante dans le costume de paysanne comme dans la toilette de cour, douée d'une voix agréable qu'elle manie avec talent, la débutante a été fort applaudie et nous aurons sans doute bientôt l'occasion de la retrouver dans quelque création importante. Les vraies chanteuses sont rares dans l'opérette. Mlle Scalini est de celles-là et cela ne l'empêche pas de détailler avec beaucoup d'esprit et de finesse les couplets de diction." (Arnold Mortier).
En 1874, Charles Chaplin (1825-1991) fait d'elle un portrait. Selon le catalogue de l'exposition : "Elle est en velours grenat, retenant de la main gauche un boa de fourrure sur son cou nu. Un croissant en diamants sur ses cheveux châtain-clair. La tête est vivante, les bras et les mains sont d'un mouvement moelleux; le tout, d'une belle pâte, charmant de grâce et de naturel."
Les contrats se succèdent sur les scènes parisiennes dans l'opéra comique et les "opérettes" très en vogue, aux Bouffes-Parisiens (1873-74), Menus-Plaisirs (1875), Théâtre Lyrique (1878-79), Bouffes-Parisiens (1880), Folies-dramatiques (1881), Mais aussi à Bruxelles aux Fantaisies Parisiennes (1879).
A la ville, Marie Scalini a une liaison avec un aristocrate irlandais, Lord Fingall. Malgré la naissance d’une fille (1873) puis d'un fils, Paul (1876) , le Landlord n’ose pas la mésalliance mais il assure à la mère et aux enfants un certain confort matériel : une maison au Vésinet, la Villa Irlandaise, 3 avenue Kléber, avec une confortable pension.

Marie Scalini est une femme de caractère. Elle n'hésite pas à faire un procès à son employeur, le directeur des Bouffes-Parisiens, M. Cantin, qui ne l'emploie pas – estime-t-elle – à son juste mérite. Elle perdra cette cause mais reviendra aux Bouffes-Parisiens avec les honneurs, en 1882, après une courte interruption dans sa carrière. Elle fait sa rentrée à la salle Erard et la critique note un changement important de ses capacités vocales: "...l'ancienne gentille pensionnaire des Bouffes-Parisiens, transformée en forte chanteuse. Ce n'est plus la petite Scalini d'autrefois; la voix s'est agrandie et fortifiée considérablement, et, aujourd'hui, elle peut s'attaquer bravement à l'air de Fernand Cortez. C'est au professeur Arnoldi qu'est due cette transformation, qui lui fait grand honneur. A côté de l'air de Fernand Cortez, Mme Scalini a dit la fameuse Mandolinata de Paladilhe avec des qualités de grâce incontestables. Bref, l'impression a été bonne, et plusieurs critiques qui s'étaient donné rendez-vous, sans conviction, à la salle Erard, M. Ernest Reyer en tête, ne dissimulaient pas leur surprise."

Marie Scalini dans l'opérette Rip de Robert Planquette ; épreuves de Nadar, 1884.

Celle qu'on appelle désormais Madame Scalini ("qui chante aussi bien qu'elle est belle, ce qui n'est pas peu dire") aborde alors un répertoire plus ambitieux au Châtelet (1883), aux Folies dramatiques (1884) où elle participe à sa dernière opérette, Rip. Les critiques ne sont pas bonnes et Marie Scalini n'insiste pas [2].
Elle enseigne à Paris, durant une dizaine d'années le chant et la déclamation, participe à de rares concerts, et s'intéresse de plus en plus aux œuvres charitables, en particulier l'Orphelinat des Arts. Cette institution fondée en 1880 et installée à Courbevoie"se propose d'élever gratuitement, en leur assurant une instruction sérieuse et une éducation familiale, les orphelines et les orphelins des artistes (de toutes les branches de l'art: écrivains, peintres, sculpteurs, compositeurs, artistes lyriques et dramatiques, etc.) de nationalité française, sans distinction de religion". Madame Scalini entre au Comité de l'œuvre en juin 1891 ; elle est élue vice-présidente et trésorière quelques mois plus tard, après la démission de Mme Coquelin ; elle remplira cette fonction presque à plein temps durant 28 ans.
Louis Barthou, ministre de l'Intérieur, un autre vésigondin célèbre, lui remet les palmes académiques le 25 octobre 1897. Elle sera chevalier puis officier de l'instruction publique (1905).
En 1919, succédant à Mme Poilpot, elle est élue présidente de l'Orphelinat des Arts et le restera jusqu'à sa mort en 1931. C'est sa fille, Mme Madeleine Chack, qui lui succède comme trésorière. Les deux femmes sont inséparables. Robert de Montesquiou les a associées comme ses "voisines" dans les portraits satiriques réunis sous le titre Les 40 bergères.

En décembre 1925, Marie Scalini est faite chevalier de la Légion d'honneur. Une fête est donnée à l'occasion de la remise de la médaille, à l'hôtel de la fondation Rothschild, rue Berryer. Cérémonie émouvante, charmantes allocutions, suivies d'une fort intéressante partie musicale, où l'on applaudit entre autres la voix chaude et vibrante de Lucy Arbell, encore une vésigondine célèbre, bienfaitrice de l'œuvre.

Marie Scalini meurt dans sa maison du Vésinet, 3 avenue Kléber, le 13 août 1931. Ses obsèques sont célébrées à l'église Sainte Marguerite en présence de très nombreuses personnalités du monde du spectacle, des arts et de la politique. Au cours de la cérémonie religieuse se sont fait entendre deux artistes de grande valeur: Mme Laute Brun, de l'Opéra, et M. Benharoche. Parmi les personnalités présentes, la presse signale l'amiral Darlan, représentant le ministre de la Marine, l'amiral Abrial, Mlle Rachel Boyer, vice-présidente de l'Orphelinat des Arts, Gaston Rageot, président de la Société des Gens de lettres, Mme Colette Yver, femme de lettres, MM. [Fred] Robida, Vincent Hyspa, René Jean, Le Lubez, Mmes Rossolin, Bertin, Wagatha, Damain, Alice Desplanches, Jeanne Brindeau, Jeanne-Marie Laurent, Comerre, etc.
Marie Chack-Scalini est inhumée au cimetière municipal. Sa sépulture, offerte par l'Orphelinat des arts porte en épithaphe:

Heureux ceux qui, dans l'éternité se reposent de leurs travaux et dont les oeuvres les suivent.

Apocalypse, 13

Les enfants de Marie Scalini et Lord Fingall

    Madeleine Chack-Scalini, épouse M. Georges Grippon-Lamotte (rédacteur en chef du Messager d'Indre et Loire) le 4 avril 1899 en l'église Saint-Louis-d'Antin, à Paris. Elle divorcera. Elle est connue sous le nom de Madame Chack et, à partir de 1911 elle réside au Vésinet avec sa mère. Elle succède à cette dernière en 1919 comme trésorière de l'Orphelinat des Arts. Elle meurt à Paris le 1er janvier 1934.

    Louis Paul André Chack, est né à Paris en 1876. Il entre à l'Ecole navale en 1893 et fait ses classes sur le Borda et L'Iphigénie. En 1896, il est affecté sur le Hoche, puis sur le Masséna. Il séjourne successivement à Constantinople et à Toulon, puis embarque sur le sous-marin Grondin.
    Il se marie en 1905, à l'église du Vésinet avec Augustine Marguerite Royer, fille de Mme Royer née de Saint-Just, veuve d'un capitaine de frégate. Les témoins sont pour le marié, MM. Eugène Etienne, ministre de l'intérieur, et Marcel Saint-Germain, sénateur et pour la mariée, Mmes Bossant et Barthémy, ses belles-sœurs. Le mariage civil a eu lieu la veille à la mairie de la rue d'Anjou, à Paris.

    En 1908, Paul Chack voyage en Indochine. Basé à Toulon pendant la Première Guerre mondiale, il est affecté sur la Massue et le Courbet en Mer Adriatique. Croix de guerre, officier de la Légion d'Honneur, Capitaine de Frégate, il quitte le service actif en 1925 et devient chef du Service historique à l'état-major général de la marine, fonction qu'il exercera jusqu'à sa retraite en 1934. A partir de 1925, à la belle saison, Paul Chack réside habituellement à la villa irlandaise, au Vésinet, avec sa femme et sa fille Colette.

    Paul Chack par Ch. Léandre (1934)

    Encouragé par Claude Farrère, Chack puise dans la documentation du Service historique de la Marine la matière d’une carrière d’écrivain. Il est l'auteur de nombreux articles (Revue des lectures, Revue Belge, Revue de Paris, etc.) puis d'ouvrages, des récits plus que des romans historiques. Il reçoit le Prix de la Renaissance en 1927. Ses livres connaissent un grand succès critique et populaire [3]. Il est président de l'association des écrivains anciens combattants puis vice-président de la Société des Gens de Lettres. En 1934, il est commandeur de la Légion d'Honneur et membre de l'Académie de Marine.

    La fin de sa vie est moins glorieuse. En 1937, il adhère au Parti populaire français (PPF) de Jacques Doriot dont il devient membre du bureau politique. Anglophobe notoire, il crée et dirige le Comité d'action antibolchévique (1941-1945), officine de propagande pour le recrutement en faveur de la Légion des volontaires français contre le bolchévisme (LVF). A la Libération, il est arrêté le 23 Août 1944, jugé pour intelligence avec l'ennemi, et condamné à mort le 18 décembre 1944. Il est fusillé le 9 janvier 1945 au Fort de Montrouge.

    ***

      Notes

      [1] L'arrière petite fille de Marie Scalini s'est inspirée de l'histoire de son aïeule dans un roman, la villa irlandaise (1985).

      [2] En juin 1888, son retour à l'Odéon dans Charles VII chez ses grands vassaux, drame d'Alexandre Dumas, sera finalement déprogrammé pour permettre des travaux dans le théâtre (Le Temps, 23 mai 1888).

      [3] Les œuvres de Paul Chack ont fait l'objet d'une réédition intégrale sous le titre général "Marins à la bataille" en cinq volumes aux éditions du Gerfaut (2001).


Société d'Histoire du Vésinet, 2011-2014 — www.histoire-vesinet.org