La famille Clavery au Vésinet

Paul Clavery (1832-1915)

Paul François Clavery, le chef de famille, est haut fonctionnaire au Ministère des Affaires étrangères. Né à Paris le 19 novembre 1832 d'un père avocat, il a épousé en 1866 Marie Philiberte Ferron (1842-1927), fille d’un bâtonnier de l’ordre des avoués de Paris. Ils auront neuf enfants : Édouard (1867-1949), Pauline (1868-1942), Amédée (1870-1928), Berthe (1872-1944), Geneviève (1873-1962), Eugénie (1875-1973), Alfred (1876-1969), Henriette (1878-1953) et Marthe (1881-1973). Cette famille nombreuse découvre Le Vésinet au milieu des années 1870 (alors que la colonie n'est pas encore érigée en commune), à la belle saison comme lieu de villégiature avant d'en faire son lieu habituel de résidence. On lui connaît plusieurs adresses successivement boulevard du Midi (désormais du Président-Roosevelt) puis 24, route de la Croix ; 30, rue Latérale [1] à partir de 1881 et enfin, 24, rue du Chemin-de-Fer (l'actuelle avenue Gallieni).

Paul Clavery vers 1895

Lorsque la famille s'installe au Vésinet, Paul Clavery est « rentier ». Ministre plénipotentiaire à la retraite, ancien consul général de France à Anvers, ancien directeur au ministère des affaires étrangères, ancien conseiller d'Etat, il reste administrateur de la Compagnie des Messageries Maritimes. Officier de la Légion d'Honneur, il sera élevé au rang de commandeur en 1894. Président de la délégation française à Commission internationale des Pyrénées [2], il avait été aussi membre de la délégation française, à Bruxelles, à la Conférence internationale chargée de régler la question de la juridiction internationale contre l'esclavage (1890).
Au Vésinet, Paul Clavery fut président du Conseil paroissial et d'autres associations locales (Croix-Rouge, Secours mutuels, brancardiers...) et Mme Clavery s'occupa de diverses œuvres de bienfaisance et notamment de la crèche Marie, fondée par Mme Pallu. Paul Clavery meurt à son domicile du Vésinet le 19 août 1915. Malgré la guerre, ses obsèques à l'église Ste Marguerite furent un événement largement rapporté et commenté.

    Obsèques de M. Paul Clavery [3]

    Les obsèques de M. Paul Clavery, ministre plénipotentiaire, ancien directeur au ministère des affaires étrangères, ancien conseiller d'Etat, ancien administrateur de la Compagnie des Messageries Maritimes, commandeur de la Légion d'honneur, ont été célébrées hier matin, à onze heures, en l'église du Vésinet. La messe a été dite et l'absoute donnée par l'abbé Aglon, directeur du grand séminaire de Versailles, aumônier de l'hôpital militaire du Vésinet.

    Le deuil a été conduit par MM. Édouard Clavery, consul de France à Cadix, fils aîné du défunt, en l'absence du commandant Clavery, commandant supérieur du Cercle de Géryville [4], et de M. Alfred Clavery, attaché à la Banque de France, mobilisé. Ses deux autres fils et le capitaine Parison, son gendre ; ses autres gendres , MM. J. Moussard, procureur de la république à Oudjda ; le lieutenant-colonel Madelin, chef de l'état-major du corps d'armée, et notre confrère M. Louis Madelin, mobilisé, étant également retenus. Parmi les dames de la famille ; Mme Clavery, Mlles Pauline et Berthe Clavery, Mme Alfred Clavery, Mme Parison, la colonelle René Madelin, Mme Louis Madelin.

    Devant l'église du Vésinet, quelques paroles émues ont été prononcées par le vice-amiral Touchard, ambassadeur de France, délégué du conseil central de la Croix-Rouge française, Société de secours aux blessés militaires, et M. A. Mimerel, ancien président de la compagnie des avocats au Conseil d'Etat et à la cour de cassation vice-président de la Croix-Rouge du Vésinet. M. Victor de Valence, secrétaire général de la Croix-Rouge, était présent, ainsi qu'une députation d'infirmières, de brancardiers et de blessés de la Société au Vésinet, section qu'avait fondée le regretté défunt et dont il était le président.

    M. Le Myre de Vilers, ambassadeur de France, président, et le baron Joseph du Teil, vice-président, représentaient la Société antiesclavagiste, dont M. Paul Clavery était également vice-président ; M. Gueyrand, consul général Mme Maurice Desvaulx, M. Chatenet, M. et Mme Doppfeld, Mme Festugière, Mme Louis Target, M et Mme Couppel du Lude, Mme Pralon et Mlles Barbedat, infirmières-major de la Croix-Rouge ; M. René Lavollée. Le ministre des affaires étrangères et M. Piccioni, directeur du cabinet, étaient représentés par le comte André d'Ormesson, secrétaire d'ambassade. M. Gavarry, directeur au ministère, l'était par M. Harismendy, consul général.

    Parmi l'assistance qui s'empressait tant à l'église du Vésinet qu'au cimetière de Montmartre, où l'inhumation a eu lieu, à deux heures de l'après-midi : M. Jules Harmand, ambassadeur de France ; M. et Mme Robert Clicquot de Mentque, Mme Henri Clicquot de Mentque, Mlle Clicquot de Mentque, colonel et Mme Frossart, Mme Jules Madelin, M. et Mme Pepin-Lehalleur, Mme André Buffet, MM. Bouillat, Pierre Lefèvre-Portalis, Souhart, Charpentier, ministres plénipotentiaires, Mme Georges Deloison, présidente du comité des dames de la Croix-Rouge du Vésinet ; comtesse Clauzel. MM. Harismendy, Gautier, Arnold Vissière, consuls généraux M. Duchêne, directeur au ministère des colonies ; M. et Mme Lafond-Rapenouille, commandant Ribourt, M. de Castéran, président de la Société de prévoyance du Vésinet, et une délégation ; baronne de Wengey, M. et Mme Richy, Mme Moride, Mme Jullemier de Maugny, Mme Videcocq, Mme Cazenave, M. Georges Ponsignon, M. Baillière, M. Wilbrod Chabrol, Mme Thureau, docteur Oyon, Mme dal Piaz, Aimé Georges Grimprel, Mlle Grimprel, M. et Mme Léon Devin, Mme Colliez, M. Henri Vever, Mme de Preux, M. de Lanzac de Laborie, MM. Galliard, Fobin, etc., etc. M. Lardy, ministre de Suisse, avait envoyé un télégramme de condoléances et ses regrets de ne pouvoir assister à la cérémonie.

Après la mort du chef de famille, la villa du Vésinet sera la résidence de sa veuve jusqu'à sa mort en octobre 1927. Ce sera aussi le domicile de ses filles Pauline et Berthe célibataires et plus tard le refuge d'Henriette pour son veuvage, mais aussi le lieu de rassemblement de la grande famille. A son retour de Colombie en 1928, Édouard Clavery, ministre plénipotentiaire de 1ère classe en disponibilité s'y installe à demeure et s'y consacre à l'écriture. Mais il y donne parfois de prestigieuses réceptions «intimes » que la presse diplomatique se fait un devoir de rapporter [5].

    M. Édouard Clavery, ministre plénipotentiaire, assisté de sa sœur, Mlle Pauline Clavery, a donné, hier, dans leur résidence du Vésinet, un déjeuner intime auquel assistaient l'amiral H. K. Tu, ancien président du conseil des ministres de Chine à Nankin, actuellement en mission d'études navales en Europe; le nouveau ministre de France en Colombie et Mme Alfred Blanche, sur le point de partir à Bogota ; le baron d'Avril, le colonel Abadia Mendes, attaché militaire près la légation de Colombie, fils de l'actuel président de la République ; M. Hou Yong Ling, attaché à la délégation chinoise à la S.D.N., M. Henri Planchat.

Édouard Clavery (1867-1949)

Joseph Louis Édouard Clavery, né le 23 avril 1867 à Paris a fait ses études au lycée Condorcet puis à la Sorbonne, et à l'École libre des sciences politiques. Il est licencié en droit. Il va suivre l'exemple paternel et s'orienter vers une carrière diplomatique. Attaché autorisé à la direction des affaires commerciales et consulaires (1889); attaché à la même direction (1881); élève consul (1892) vice consul (1893); nommé secrétaire du président de la Délégation française à la Commission des Pyrénées [6] le 25 mai 1893; consul suppléant (1894); attaché payé à la direction des consulats (1895); consul suppléant à Londres (1895); consul de deuxième classe (1898) admis à participer aux travaux de la direction des consulats (1900) ; chargé de mission (février 1901) à la direction politique et commerciale jusqu'en 1907. chargé de mission, 6 février 1909 en disponibilité.
Réintégré à la direction des consulats dans le cadre de l’activité et chargé le 20 décembre 1912 du vice-consulat puis du consulat de Cadix, , il conservera ce poste comme consul jusqu'en 1920.

    Consul de France à Cadix de 1912 à 1920, pendant la guerre et la période également laborieuse d’après-guerre, M. Clavery n’a cessé, dans ce poste maritime dont les intrigues de nos ennemis avaient accru l'importance, de donner un haut exemple de dévouement obscur et de zèle utile et discret, apportant avec autant de jugement que d’abnégation un concours éclairé aux divers services spéciaux de l’Ambassade de France à Madrid (services des Attachés Militaire et Naval, de la Propagande , etc..) [7]

Nommé Ministre plénipotentiaire de 2e classe, il est envoyé à Quito (Équateur) de 1920 à 1925 puis à Bogota (Colombie) de 1925 à 1928.

Son Excellence M. Édouard Clavery, Ministre de France en Colombie.

Portrait officiel - Ambassades et consulats : revue de la diplomatie internationale, Paris, octobre 1928.

Son retour en France, un peu précipité, et sa demande de mise en disponibilité sont peut-être liés à la mort de son frère le général et à tous les efforts qu'Édouard Clavery déploya pour défendre la mémoire d'Amédée Clavery, mis en cause dans le déroulement de l'attentat du Djebel-Arlal et son rôle dans le territoire d'Aïn Sefra.
Au cours de ses vingt années de retraite, Édouard Clavery en consacra une grande partie à l'écriture. Il a laissé de nombreux articles parus dans diverses revues, et quelques brochures publiées à compte d'auteur. La liste ci-dessous n'est pas exhaustive. [8]

      • Relations économiques entre l'Angleterre et l'Extrême-Orient, notes résumées (1902)

      Étude sur les relations économiques des principaux pays de l'Europe continentale avec l'Extrême-Orient (1903)

      Les Étrangers au Japon et les Japonais à l'étranger (1904)

      Hong Kong, le passé et le présent (1905)

      Occident et Extrême-Orient. A propos d'un livre récent (1906)

      La Situation financière du Japon (1908)

      L'Inde, sa condition actuelle : à propos du cinquantenaire de son incorporation au domaine de la Couronne britannique (1910)

      Shiryo Hensan Kakari (1912)

      La "Salle des cigognes" au musée Guimet à Lyon (1912)

      Le Procès de Nariño (1921)

      Les Archives nationales du Vénezuela et leur directeur général docteur Vicente Davila (1930)

      Les Archives de Miranda en cours de publication au Venezuela. Texte revu et notablement augmenté (1932)

      Jean Doulcet, ambassadeur de France, 1865-1928 (1932)

      Trois précurseurs de l'indépendance des démocraties sud-américaines : Miranda, 1756-1816 ; Narino, 1765-1823 ; Espejo, 1747-1795 (1932)

      Une condamnation pour sorcellerie en Suisse romande au temps jadis (1932)

      L'art des estampes japonaises en couleurs, 1680-1935, aperçu historique et critique (1935)

      A propos des lettres de Napoléon à Marie-Louise (1935)

      Hommage à Pasteur (1936)

      Le prince de Ligne et Miranda avec Catherine II à Kiev et en Crimée (1787) (1936)

      Le Général Belliard, diplomate. Succès de sa mission en Belgique, mars 1831-janvier 1832 (1937)

      Les Succès diplomatiques d'un Général français, le Général Belliard, 1831-1832 (1937)

      Descartes et la diplomatie (1937)

      L'anarchie en Chine et le rôle du Japon, 1921-1938, 1921-1938 (1938)

      Extrême-Orient 1940 (1940)

      La Fin tragique du général Clavery, Sud-Oranais, 8 décembre 1928 (1941) [9]

      Population de la France durant 3 siècles, de la Monarchie absolue à la République et à l'Empire fédéral (1650-1950) (1947)

      Le Problème des problèmes : la terre et le ciel (1948)

Élu conseiller municipal du Vésinet à l'élection du 17 mai 1929 sur la liste d'Union républicaine d'Henri Cloppet, Édouard Clavery devient son deuxième adjoint. Puis, après la mort de Cloppet le 31 mars 1934, Emile Aubrun, premier adjoint lui succède et Clavery devient à son tour premier adjoint. Aubrun sera réélu l'année suivante, Clavery conservant son rôle de premier adjoint. Il le gardera encore quelques mois plus tard, lorsque Emile Aubrun devant démissionner pour raison de santé, le Conseil municipale élira Emile Thiébaut pour lui succéder. Il conservera cette fonction jusqu'aux remaniements du Conseil décidés par le gouvernement de Vichy en 1941, assurant l'intérim du maire pendant l'exode du conseil municipal en juin 1940. Une anecdote sur cette période a été rapportée par un historien local, P. Michet de La Baume [10]:

    M. Clavery, alors adjoint au maire (1940), resté seul à la mairie, et s'appuyant sur la loi, refusa de quitter la place et de livrer la mairie au commandant allemand. Il tint si énergiquement tête à son puissant adversaire que celui-ci le menaça de le mettre à la porte manu militari et lui montra même son revolver. M. Clavery tint bon au point que l'officier finit par céder, se contentant de traiter le courageux adjoint de " vieille viande".

Édouard Clavery s'est pris de passion pour Le Vésinet et publia quelques articles, lettres et commentaires sur la vie locale et l'histoire du Vésinet. Un article paru dans L'Urbanisme (revue mensuelle de l'urbanisme français) [11] à l'occasion des quatre-vingts ans de la commune, en 1936, est un des premiers du genre. De ses conversations avec son beau-frère Louis Madelin aurait émergé le mot « vésigondin », gentilé du Vésinet depuis 1928.

Édouard Clavery qui avait été consul de France à Cadix puis ministre plénipotentiaire à Quito et à Bogota, avait eu des contacts fréquents avec Ernest Martinenche (1869-1939) professeur de littératures hispaniques et membre fondateur du Cercle d'études franco-hispaniques de l'Université de Paris qui lui avaient permis d’apprécier l’importance, pour les relations entre le monde hispanique et notre pays, de la chaire d’espagnol à la Faculté des Lettres de Paris.
Clavery était bien connu de ces historiens par ses travaux sur les pionniers de l’indépendance latino-américaine et parmi les économistes, grâce à « un bel article sur la production du café dans le Nouveau monde et son exportation ». En 1945, rédigeant son testament, il eut l'heureuse idée de léguer les ouvrages espagnols de sa bibliothèque à l’institut d’Etudes Hispaniques et les ouvrages hispano-américains aux Amis de l’Amérique Latine. En 1955, l’Institut d’Etudes Hispaniques et l’Institut de Hautes-Etudes d’Amérique Latine prirent possession d’un lot considérable d’ouvrages, les uns utiles aux spécialistes, les autres (romans, théâtre, etc...) de consultation courante pour les jeunes hispanisants qui se préparent à la licence. Charles-Vincent Aubrun, professeur à la Sorbonne, directeur de Centre d'études hispaniques, lui rendit ainsi hommage.

    Nous tenons ici à saluer sa mémoire et à souligner le geste digne d’exemple de ce bon serviteur de la cause française et de la cause hispanique. Nous remercions aussi bien Mme Florence J. Houston-Brown, qui eut l’amabilité de faciliter notre tri dans la bibliothèque abandonnée depuis six ans déjà. [...] Aussi avons-nous été très touchés de la bonne pensée et du geste élégant de M. Clavery. Puissent-ils servir d’exemple pour les anciens de notre profession. Qu’ils sachent l’immense service qu’un geste de cette nature peut rendre aux jeunes générations, engagés maintenant dans la carrière où ils ont eux-mêmes si efficacement œuvre, et que les fervents aficionados à la culture hispanique, se souviennent, par un effort de l’imagination et dans un élan du cœur, que de jeunes émules préparent aujourd’hui le bel avenir dont ils ont voulu eux-mêmes être les précurseurs. [12]

   

Amédée Clavery (1870-1928)

Prosper Charles Amédée Clavery est né le 15 janvier 1870 à Paris. Comme son frère aîné, il fait ses études au Lycée Condorcet. Engagé volontaire à 18 ans pour 5 ans, à Paris (9e) le 23 novembre 1888, il est affecté au 74e Régiment d'Infanterie. Il est sergent en 1889 et intègre l'École militaire d'Infanterie (St-Maixent) comme élève officier. Il en sort 59e sur 326 en avril 1893 (promotion Abomey) [13] et part aussitôt rejoindre le 5e Bataillon d'Infanterie légère d'Afrique. Lieutenant en 1895, il est détaché au Service des Affaires Indigènes (1896-1904).
Le service ses affaires indigènes (AI) était une organisation militaire chargée, en Afrique du Nord, de l'administration et de la sécurité de certains territoires et des rapports avec la population. Après le passage de la plus grande partie du territoire algérien à l'administration civile, les AI ne conserveront que l'administration des territoires du Sud, les zones désertiques du Sahara. La carrière d'Amédée Clavery sera une suite de passages dans cette organisation alternant avec de courtes périodes dans l'armée dite d'Active, généralement à l'occasion de promotions. Ainsi, promu capitaine (1905), il est affecté au 70e RI à Casablanca. A ce poste, il participe à une dizaine d'opérations militaires (des "Affaires") comportant des combats, de janvier à mars 1908. Il sera cité « pour avoir conduit le Goum avec énergie et une brillante activité » avant de retourner aux affaires indigènes (1908-1911) en qualité de chef de Bureau de 2e classe. Après un court passage au 25e RI puis au 82e RI, il retourne aux Affaires Indigènes (1913-1915) comme chef de Bureau de 1ère classe. Il occupe la fonction de « commandant supérieur du Cercle de Géryville », un territoire du Sahara algérien autour de Géryville, aujourd'hui El Bayadh. [4]
Clavery est alors chef de Bataillon et le 28 septembre 1916, il est affecté au 3e Régiment de Marche de Tirailleurs et envoyé au Front métropolitain dans la région de Verdun. Le 1er novembre 1916, promu lieutenant-colonel (à titre temporaire) [14], il prend le commandement du 9e Tirailleurs.
Il sera plusieurs fois cité à l'Ordre de l'Armée pour ses faits d'armes. Le premier se rapporte aux combats autour du Fort de Douaumont, les suivants furent accomplis dans le cadre de ce qui est désormais connu comme la bataille de Villers-Cotterets (juillet août 1918).

    Ordre n°4341D du 6 janvier 1917 du GQG.

    Officier supérieur très distingué. Le 16 octobre 1916 a conduit les opérations de première ligne du Régiment avec une rare compétence, provoquant par une série de mesures judicieusement prises, la chute de plusieurs centres de résistance ennemis. [Officier de la Légion d'Honneur] [15]

     

    Ordre n°341 de la Xe Armée du 20 septembre 1918.

    Chef de corps de la plus haute valeur, a conduit son régiment à l'attaque des positions allemandes, a enlevé deux objectifs successifs malgré de lourdes pertes et un tir d'artillerie et de mitrailleuses très meurtrier. A organisé en une nuit la position conquise et s'y est maintenu malgré un bombardement continu des plus violents pendant 36 heures, jusqu'à la relève de son régiment. A fait preuve pendant cette opération d'un grand coup d'oeil, d'un sang-froid et d'un courage au dessus de toute éloge.

     

    Ordre n°342 du 9 octobre 1918 de la Xe Armée.

    Le 9e Régiment de marche de Tirailleurs sous le commandement du Lt-colonel Clavery, engagé depuis 6 jours dans des conditions très dures, qui lui avait valu des pertes sensibles s'est lancé à l'attaque le 18 juillet 1918 avec une fougue merveilleuse, a enlevé tous ses objectifs, s'emparant dans les journées du 18 et 19 juillet de 300 prisonniers et 28 canons. Bien que réduit par les pertes et privé d'une grande partie de ses cadres, a maintenu tous ses gains et repoussé les contre attaques ennemies.

    Lt-Colonel Clavery en 1918

    Ordre n°345 du 20 octobre 1918 de la Xe Armée.

    Commandant pendant les opérations des 20, 21 et 22 août 1918 le 9e Régiment de marche de Tirailleurs, incomplètement reconstitué après les combats des 18 et 19 juillet, a atteint ses objectifs grâce à son énergie et à son influence personnelle ainsi qu'à la conduite qu'il a su donner au combat -de son Régiment- malgré une chaleur torride et de grandes fatigues à travers un terrain coupé de profonds ravins et à certains endroits couverts de bois où résistaient de nombreux nids de mitrailleuses. A pris à l'ennemi 25 officiers et 606 hommes, 10 canons de 77, une pièce de 150 et environ 150 mitrailleuses. Chef de Corps de premier ordre, aussi bien trempé physiquement que moralement.

     

    Ordre n°xxx du 12 novembre 1918 de la IVe Armée.

    Citation du 9e tirailleur – Sous les ordres du Lt-colonel Clavery, vient de prendre part à une dure et glorieuse offensive du 26 septembre au 15 octobre 1918. Malgré la faiblesse de ses effectifs au début des opérations, malgré la fatigue des marches de nuit incessantes, ce régiment animé du même entrain et du même esprit de sacrifice que son colonel, a attaqué avec son ardeur légendaire des positions allemandes fortement défendues et parsemées de mitrailleuses. Par son élan et sa ténacité, par la manoeuvre toutes les fois qu'elle a été possible, a forcé l'ennemi à battre en retraite, l'a poursuivi sans répits en bousculant toutes ses tentatives de résistance, réalisant au total une avance de trente kilomètres et capturant des prisonniers et un très nombreux matériel.

Ces citations, dont certaines très exceptionnelles, donnent la dimension de l'épopée, reconnue « légendaire » dès novembre 1918, de ces Tirailleurs venus d'Afrique du Nord. Cette légende sera exploitée par une marque anglo-saxone de jouets qui commercialise, au XXIe siècle, une collection de figurines : Clavery's chargers à la gloire du 9e RMT et de son chef.Amédée Clavery 1927.

Le colonel Clavery ne tarde pas à retrouver les sables du désert. Nommé Commandant militaire du Territoire de Touggourt dans le Sud-Est Algérien par décret présidentiel en date du 2 avril 1919, il rejoint son poste le 9 avril. Puis, promu commandeur de la Légion d'honneur (septembre 1920) il est nommé chef du cabinet militaire du Gouverneur général de l'Algérie (M. Steeg) et gagne Alger (novembre 1920). En 1921, directeur du Cours préparatoire au Service des Affaires Indigènes, il est exceptionnellement détaché pour escorter le roi et la reine des Belges en visite officielle en Algérie. Le couple royal exprimera sa satisfaction « étant ravis de leur voyage dans ce magnifique pays que l'héroïsme et le génie de la France ont élevé aux plus hautes destinées [...] remerciant le gouvernement français d'avoir attaché à sa personne un officier aussi distingué et aussi expérimenté que le colonel Clavery.» [16]
Promu au grade de Colonel (1924), Amédée Clavery prend le commandement du Territoire militaire de Laghouat, à 400 km au Sud d'Alger à la limite du désert Saharien. Puis, deux ans plus tard, il aura la charge du Territoire militaire d'Aïn-Sefra, plus à l'Ouest – mission plus délicate en raison de la proximité de la frontière marocaine et de la dissidence.
Entre le cours du Ziz, qui parcourt les oasis du Tafilalet au Maroc et Colomb-Béchar en Algérie, la France occupe un vaste espace désertique, le territoire de Bou Denib, confinant à l'ouest, du côté du Ziz, à la région insoumise qui le sépare du pays Glaoua, habitée par les tribus guerrières des Aït Yafelman et des Aït Atta, où se recrutent les groupes armés de pillards dont l'audace grandit avec le nombre, tandis que la profondeur de leur pénétration s'accroît sans cesse.
C'est dans ce contexte qu'advint l'attaque du détachement, le 8 décembre 1928 en territoire algérien, au passage de Djebel Arlal, à proximité du poste de Menouarrar, sur le trajet de Colomb-Béchar à Béni Abbès au cours de laquelle le colonel Clavery, deux officiers, un sous-officier et un légionnaire trouvèrent la mort. Les auteurs de l'attaque furent désignés comme un djich comprenant des gens de diverses tribus, notamment des Aït Hammou, provenant du Tafilalet au Maroc et des Doui Menia, grande tribu nomade vivant dans l'extrême-sud oranais. Leur centre politique était à Igli, au confluent du Guir et de la Saoura, soumise par conséquent à l'autorité française, mais ils fréquentaient aussi le Tafilalet marocain. [17] Au moment de sa mort, le décret faisant d'Amédée Clavery un général de brigade était signé et en route vers son destinataire mais celui-ci, en mission dans le bled, ne le savait pas.

Plusieurs ouvrages ont été consacrés au Général Clavery, à sa mort, à son action en Algérie, la plupart par son frère Edouard.

    A la mémoire du général Clavery, Victor-Manuel Rendon & Emmanuel Déborde de Montcorin, Imprimerie Ch. Brande, Le Vésinet, 1938.

    Le général Clavery, 1870-1928, Edouard Clavery, Librairie V. Poutine, Le Vésinet, 1933.

    Le général Clavery, de l'armée d'Afrique, 1870-1928, Outis (pseudonyme de Edouard Clavery), Imprimerie du Messin, Metz, 1930.

    • Recueil : Dossiers biographiques Armand Boutillier du Retail. Documentation sur Prosper Clavery (1928), Édouard Clavery, L'écho de Paris ; La revue des vivants ; Les annales coloniales, etc. , 1928-1939.

    La Fin tragique du général Clavery, Sud-Oranais, 8 décembre 1928, Editions du Génie français, Le Vésinet, 1941.

Les corps du général Clavery et du capitaine Pasquet, son chef d'état major, furent rapatriés en France métropolitaine au début de janvier 1929. Il furent débarqués du Courier d'Oran à Port-Vendres où la sœur et le fils du général assistèrent au débarquement. La dépouille du général fut ensuite transportée à Ustaritz, au Pays Basque, où en 1904, il avait épousé Marie de Laborde-Noguès, arrière-petite-fille du maréchal Exelmans. Ils eurent quatre fils, dont l'aîné, René, on l'a vu, accompagna son père dans sa dernière mission. René devait mourir pour la France en 1944.

Le Vésinet a honoré le Général Clavery en lui dédiant une rue [1]. A cette occasion, le Maire Henri Cloppet lui rendit hommage. En 1978, à l'occasion du 50e anniversaire de sa mort, le Bulletin municipal lui consacra un article sous la plume d'Alain-Marie Foy, alors conseiller municipal. Une avenue du 16e arrondissement de Paris lui est également dédiée. Cette voie était précédemment une partie de la rue de la Petite-Arche, située sur le territoire de Boulogne-Billancourt avant son annexion à Paris par décret du 3 avril 1925. Elle a pris son nom actuel par arrêté du 21 août 1934.

Les autres frère et sœurs

    Pauline Clavery (1868-1942)

    Joséphine Berthe Marie Pauline, née le 27 septembre 1868, restée célibataire, elle vécut toute sa vie auprès de sa mère, passant les dernières années au Vésinet où, après le retour de son frère Edouard de ses affectations lointaines et lui-même célibataire, elle tint auprès de lui le rôle de maitresse de maison. Décédée le 22 février 1942 à son domicile du Vésinet, elle est inhumée dans le caveau familial au cimetière de Montmartre.

     

    Berthe Clavery (1872-1944)

    Née le 27 juillet 1872 à Paris (9e). Jeanne Honorine Berthe Clavery, célibataire, sera infirmière de la Société de secours aux blessés militaires. Après un séjour de dix mois comme infirmière volontaire à Casablanca et à Berrechid, et à peine rentrée en France, elle se fit admettre comme stagiaire au Val-de-Grâce où elle contracta au chevet des malades une fièvre typhoïde très grave. On lui décerna plus tard la médaille d’honneur (or) des épidémies (1909) et plus tard encore la Croix de Guerre. Pendant qu'elle soignait nos blessés au Maroc, son frère Amédée commandait une section de mitrailleuses et son beau-frère, le capitaine Parison, commandait le 1er Goum. [18] Elle est morte le 7 janvier 1944 à l'Hermitage (maison de repos) au Vésinet 30, avenue de la Princesse. Elle est inhumée dans le caveau familial au cimetière de Montmartre.

     

    Geneviève Clavery (1873-1962)

    Jacqueline Augustine Geneviève Clavery est née le 12 octobre 1873 à Paris (9e). Mariée le 4 janvier 1897 à Paris (9e) avec Georges Moussard, Juge de Paix à Collo (Algérie), fils d'un professeur de l'Université à la retraite à Evian. Le mariage religieux fut célébré à l'Eglise de la Trinité mais c'est l'abbé Bergonnier, curé du Vésinet, qui donna la bénédiction nuptiale. Georges Moussard, président de Chambre honoraire à la cour d'Appel de Paris est mort le 12 janvier 1949. Geneviève Clavery est morte à son domicile parisien le 19 octobre 1973.

     

    Eugénie Clavery (1875-1973)

    Pauline Marie Eugénie Clavery, née le 27 février 1875 à Paris (9e), mariée le 2 octobre 1905 au Vésinet avec René Parison (1872-1956), alors lieutenant au 2e Régiment de Zouaves, à Oran. Les témoins étaient pour le marié le docteur Oyon, son oncle, et Maurice Parison, commandant au 15e chasseurs, son frère. Et pour la mariée MM. Auguste Doumerc, ingénieur civil, chevalier de la Légion d'honneur, son oncle, et Edouard, son frère. La bénédiction nuptiale était donnée par l'abbé Montreau, curé de la paroisse.
    Décédée le 26 janvier 1973 à Pagny-sur-Moselle la patrie de son mari, Eugénie avait 98 ans. René Parison, commandeur de la Légion d'honneur (1935), fils du général de division Armand Parison (1834-1903), qui avait prit sa retraite avec le grade de colonel, était mort depuis 18 ans.

     

    Alfred Clavery (1876-1969)

    Albert Contant Alfred Clavery est né à Paris (9e) le 7 avril 1876. Attaché à la Banque de France à Paris, il a épousé à Angers (Maine et Loire) Denise Marguerite Couppel du Lude, fille d'un trésorier payeur général et préfet honoraire, le 13 septembre 1909. Pour cette heureuse circonstance, l'autel et le chœur avaient, été garnis d’innombrables fleurs et verdure ; avec les galeries de lampes électriques, l’effet était merveilleux. L’entrée du cortège a été saluée par une marche de Saint-Saëns, exécutée sur le grand orgue par le distingué directeur de notre Ecole de Musique et organiste de cette paroisse, M. Mangeon. [18]

     

    Henriette Clavery (1878-1953)

    Joséphine Marie Henriette Clavery, est née le 5 février 1878 à Paris (9e). Elle épouse le 5 février 1907 au Vésinet René Jean Marie Madelin. Celui-ci est veuf d'un premier mariage célébré à Arcueil en 1894 avec Jeanne Marie de Sainte-Marie (1873-1903) qui lui a donné 8 enfants. Henriette lui en donnera 3 de plus. René Madelin est alors capitaine, officier d'ordonnance du général commandant la 9e Division d'Infanterie. Il sera général de brigade en 1919, puis général de division en 1927. Mort d'un cancer à Châteaurenault en 1940, il était commandeur de la Légion d'Honneur. Henriette Clavery est décédée au Vésinet le 24 janvier 1953.

     

    Marthe Clavery (1881-1973)

    Marie Berthe Caroline Marthe Clavery est née à Paris (9e) le 18 mars 1881. Elle épouse le 4 janvier 1881 au Vésinet (le mariage religieux sera célébré le lendemain à l'Eglise de la Trinité à Paris) Emile Marie Louis Madelin, homme de lettres, frère cadet de René Madelin (ci-dessus). Louis Madelin a 40 ans, il est veuf d'un premier mariage avec Wilhelmine Baudelot (1875-1909) qui lui a donné quatre enfants. Homme de lettres (historien), agrégé de l'Université, docteur ès Lettres, professeur à la Sorbonne, Louis Madelin sera aussi député des Vosges (1924-1928). Elu à l'Académie Française en 1927, commandeur de la Légion d'honneur, il est mort le 18 août 1956 à Paris.

Après le décès d'Henriette Clavery, veuve Madelin, en 1953, la villa du 24 avenue Gallieni restera inoccupée quelques années puis sera vendue et démolie pour laisser place à des immeubles.

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    Notes et sources (SHV)

    [1] A la mémoire du général Clavery : à la suite d'une pétition des habitants, le conseil municipal du Vésinet a décidé d'attribuer le nom du général Clavery à une des rues du pays [la rue Latérale]. Le Matin, 18 novembre 1929.

    [2] La Commission internationale des Pyrénées (CIP) créée en mai 1875 est, malgré la mise en application des accords de Schengen en 1985 et la création de l’espace homonyme définitivement en vigueur à partir du traité d'Amsterdam en 1999, est toujours active au 1er juin 2015, soit 140 ans après sa création.

    [3]Le Gaulois, 25 Août 1915.

    [4] Cercle de Géryville : Territoire du Sahara algérien autour de Géryville (aujourd'hui El Bayadh) commune de la wilaya d'El Bayadh, dont elle est le chef-lieu, située au sud-est d'Oran et au sud-ouest d'Alger).

    [5]Ambassades et consulats : revue de la diplomatie internationale (Paris) 1er août 1930.

    [6] La même commission présidée par son père à la même époque.

    [7] Détail des services extraordinaire du candidat. Dossier d'officier de la Légion d'honneur, Paris, 1926.

    [8] Liste des œuvres d'Edouard Clavery répertoriées sur sa fiche de la bibliothèque nationale qui en fournit le détail.

    [9] Un premier ouvrage, "Le général Clavery, de l'armée d'Afrique, 1870-1928 ", avait été publié en 1930. Édouard Clavery, encore aux Affaires étrangères, l'avait publié sous le pseudonyme de "Outis". Un recueil de textes, les discours prononcés à l'inauguration du monument érigé à la mémoire des victimes de l'attentat du Djebel-Arlal, avait été publié à la librairie Poutine du Vésinet en 1933.

    [10] Pierre Michet de la Baume - Petites et grandes heures du Pecq et du Vésinet, Diguet-Deny, Paris, 1966.

    [11] Le Vésinet quatre-vingts ans après sa création en cité-jardin dans L'Urbanisme (revue mensuelle de l'urbanisme français) organe de l'Union des villes et communes de France, octobre 1936 (5e Année, n°48).

    [12] Un legs de bibliothèque à l'institut d'Etudes Hispaniques de Paris, Les Langues néo-latines, 1 janvier 1955. Charles Aubrun (1906-1993) n'a pas de liens familiaux connus avec Emile Aubrun, maire du Vésinet.

    [13] Abomey était la capitale de l'ancien royaume du Dahomey, actuel Bénin.

    [14] Clavery sera confirmé dans son grade "à titre définitif" au Front, le 28 juin 1918 puis par un décret présidentiel du 2 avril 1919.

    [15] Sa blessure subie dans le secteur de Douaumont (décembre 1916) est en fait une gelure du pied gauche (dossier militaire).

    [16] Le Gaulois, 26 septembre 1921.

    [17] Aujourd'hui, les auteurs de cette opération sont considérés comme les précurceurs du Front de Libération National Algérien. L'identité des hommes, en particulier celui qui tua le colonel Clavery, fait encore débat en Algérie.

    [18] La République française, 7 juin 1909.

 


Société d'Histoire du Vésinet, 2021 • www.histoire-vesinet.org