Source principale : La Curieuse histoire du Vésinet, Georges Poisson, 1985.

La « modernisation » du Vésinet (1965-1985)

Les travaux les plus terre-à-terre, mais peut-être les plus nécessaires de l'assainissement furent un sujet central de la campagne électorale de 1965. Un quart du Vésinet seulement bénéficiait alors le "tout à l'égout". La plupart des propriétés rejetaient leurs eaux usées dans des "puisards". Il faudrait poursuivre le développement du réseau d'assainissement, à raison d'une dépense d'un million de francs par an. Dix ans plus tard, l'objectif était atteint. En même temps, les besoins en eau augmentaient. En 1974 fut conclu avec la S.L.E.E. [1] un nouveau contrat d'une durée de trente ans.

 Équipements administratifs

L'œuvre de rénovation débutait, comme il est logique, par les organes centraux de direction, et d'abord la mairie. Un projet d'agrandissement datant de 1939 avait été repris après la guerre, dès que la situation économique l'avait permis. Des années durant, il poursuivit son lent chemin entre des instances administratives complexes. En 1968, on put enfin entreprendre les travaux. L'édifice, transformé sous la direction de MM. Denis et Menuel [2], fut inauguré le 23 juin 1971, soit trente-deux ans après le dépôt du premier projet, par M. Valéry Giscard d'Estaing, alors ministre de l'Économie et des Finances, futur président de la République. Les travaux avaient coûté 3 600 000 francs. A peine achevé, l'Hôtel de ville qui avait quintuplé sa surface, fut reconnu insuffisant pour loger les services municipaux en expansion. « L'Opération Joffre » [3] fut alors entreprise. Elle permit, en 1971, de construire non loin de la mairie de nouveaux bâtiments pour la perception, la Sécurité sociale et les pompiers. Une sorte de cité administrative, comprenant également la Poste, le Centre social et la Maison des jeunes et de la culture se constitua ainsi au centre de la commune, en bordure du boulevard Carnot. Les besoins de la ville en locaux de services semblaient satisfaits pour longtemps mais ce n'était que répit. En 1984, la municipalité dut procéder à la rénovation complète des locaux de l'ancienne école primaire de garçons, 3 avenue des Pages, en face de la Poste pour y installer, à proximité immédiate de la mairie, la direction et l'administration des services techniques, ainsi que deux bureaux d'adjoints. Dans les mêmes locaux fut ouvert le « Centre des Pages », qui comprenait le Centre d'information et d'accueil du Vésinet (CIAV), une maison de l'emploi et de la vie associative avec secrétariat, des salles de réunions et de permanences, ainsi que le secrétariat des Jumelages.

Équipements scolaires

Dans cette ville vouée maintenant à la résidence principale, il n'était plus possible d'envoyer enfants et adolescents poursuivre leurs études secondaires à Saint-Germain ou à Paris ; il fallait un lycée. Dès 1959, un établissement provisoire avait été installé dans des bâtiments préfabriqués. Il était du point de vue administratif, une annexe du Lycée Marcel-Roby de St-Germain-en-Laye. Chose exceptionnelle pour l'époque, c'était un établissement mixte. En 1966-69, on construisit, dans une architecture dite fonctionnelle au 25, route de la Cascade, un lycée prévu pour douze cents élèves de toute la boucle de la Seine et auquel fut donné, en 1970, le nom d'Alain. Hommage auquel le vieux professeur aurait été plus sensible qu'à tout autre.


Le Lycée, dessin d'architecte, 1966 (projet)

A côté du Groupe Pallu, dans l'ancienne propriété Saint-Rémi, 46, boulevard Carnot, était venu s'implanter en 1972 un nouveau groupe. L'ensemble se révélant de nouveau insuffisant, on décida de faire table rase, et sur le terrain entièrement dégagé s'éleva en 1981 un nouveau collège d'enseignement secondaire, « Le Collège du Cèdre » œuvre de M. Pierre Mutricy. Dans le même temps, en 1977-78, M. Robert Benoit construisait, au 4 rue de La Borde, une nouvelle école maternelle. D'architecture résolument moderne le bâtiment est soutenu par une armature de pilotis obliques disposés en faisceaux. Un peu plus tard, l'école maternelle des Charmettes était transférée avenue des Pages, dans un nouveau bâtiment dû à Jean-Pierre Hurion.

Équipements sportifs

Dominique Denis et Menuel construisirent en 1966, sur le stade des Merlettes aménagé en 1951, une salle omnisports, à laquelle sa structure préfabriquée de béton donne un aspect sobre et bien proportionné. L'ancien pavillon du Nicaragua, vestige de l'Exposition universelle de 1889, fut malheureusement sacrifié à l'opération.

La place du Marché

On voulait, au centre du « village », remplacer le vieux marché couvert constitué d'une architecture métallique datant de 1883. On décida finalement, en 1967, de confier à MM. Denis et Mutricy la construction d'un édifice à trois niveaux : parking en sous-sol, marché en rez-de-chaussée et, au-dessus, patinoire couverte. L'édifice fut construit en 1968-69 et inauguré le 23 octobre 1969, par Joseph Comiti, secrétaire d'État chargé de la Jeunesse, des Sports et des Loisirs. Cette transformation ne se fit pas sans un vif débat.

Pour différencier les parties superposées du bâtiment, un effet de contraste a été recherché entre les façades vitrées du rez-de-chaussée et l'étage, en encorbellement, sans ouverture, revêtu de panneaux de travertin. A l'intérieur, l'aire de patinage, d'une surface de 1 450 m², les gradins et dépendances étaient recouverts d'une charpente de bois lamellé collé. Ce fut une des premières patinoires réalisées en région parisienne, répondant à un engouement pour les sports de glace, peut être en raison des Jeux Olympiques d'Hiver à Grenoble, en 1968.
A l'extérieur, du côté opposé à l'entrée, une façade fut ornée d'un "mur creux" conçu par le sculpteur Antoine Poncet, petit-fils de Maurice Denis et donc représentant de la troisième génération d'artistes de cette famille à travailler pour Le Vésinet. [4]

Le parc de l'ancien Asile Impérial

L'État, de son côté, rénovait l'Établissement de convalescence, qui deviendra à terme essentiellement consacré à la rééducation fonctionnelle. Dans l'enceinte du parc, mais distincts de l'établissement de soins, l'Etat fit édifier de 1959 à 1970 plusieurs bâtiments à usage administratif, technique et scientifique pour le Ministère des Affaires sociales, puis celui de la Santé publique. Par la suite, ces bâtiments constituèrent le Centre de Recherche de l'Inserm, au 44 avenue du Chemin de Ronde, et le Service de Protection contre les Rayonnements Ionisants (SCPRI) au 32, rue de l'Ecluse [5].


Le centre de recherche de l'Inserm, au milieu des arbres.

En 1976, la cession d'une parcelle du parc à la ville permit d'édifier 128 logements sociaux et une crèche de 110 berceaux. L'inscription, de l'ancien asile et du parc à l'inventaire supplémentaire des Monuments historiques, en 1997, devait permettre de limiter ce fâcheux mouvement. L'avenir devait hélas anéantir cet espoir.

 Équipements sociaux municipaux

Il fallait également s'occuper des vieillards, ce troisième âge pour employer une expression du jargon hexagonal né à cette époque. Une résidence-club fut édifiée en 1974 offrant à une vingtaine de personnes, âgées mais valides, soixante-deux studios, pour lesquels la ville reçut dès le départ trois cents demandes. L'inauguration eut lieu le 3 octobre 1974, sous la présidence de Mme Valéry Giscard d'Estaing, épouse du Président de la République en exercice. Il fallut par la suite créer une annexe au 49, rue Alphonse Pallu et une autre résidence vers la Place de la République, au 7, rue de Sully, portant ainsi la capacité d'accueil pour les personnes âgées à cent-quarante logements.

Transports en commun et circulation

La priorité, économique et sentimentale, donnée à l'automobile, retarda longtemps, au Vésinet comme dans toute la France, l'amélioration des transports collectifs. Les travaux de transformation de la vieille ligne de Saint-Germain, projetés dès 1957 et décidés en 1960, commencèrent enfin en 1965. Ils devaient consister en la reconstruction des gares désormais nommées, pour servir la vérité, « Le Vésinet-centre » et « Le Vésinet-Le Pecq », la transformation des voies ferrées sans modification de tracé et la suppression du passage à niveau entre les avenues Général-de-Gaulle et Princesse, remplacé par un passage souterrain. La municipalité obtint le maintien, dans son état, du pont de Croissy, ce qui entérinait l'échec du projet de rocade « nord-sud ».
Pour ralentir la circulation, la ville du Vésinet fut une des premières, en 1965, à installer des « gendarmes couchés », autrement dit des cassis. Un passage souterrain permit en 1975 de franchir aisément la place de la République.
Le 2 octobre 1972 était mis en service le tronçon du Réseau Express Régional (RER) entre Saint-Germain et La Défense, nouvelle transformation de la vénérable ligne. On avait alors dépensé des sommes considérables pour gagner deux minutes sur la durée du trajet et aboutir à cinq cents mètres de la gare Saint-Lazare, son ancienne destination. Ces travaux prirent toute leur signification lorsque la ligne fut prolongée, en 1977, jusqu'à Boissy-Saint-Léger, devenant la ligne A du RER, nouvelle colonne vertébrale des transports ferrés de l'agglomération parisienne. Les prix des terrains avoisinants avaient d'ailleurs augmenté dès le début des travaux. Les foules utilisant la nouvelle ligne, entraînèrent bientôt des problèmes de stationnement. Le parking souterrain aménagé en 1986 à la gare Le Vésinet-Le Pecq en fut la cause. Mais 96 % des places sont occupées par des voyageurs venus des villes voisines.

Les lieux de culte

A l'église Sainte-Marguerite, Dominique Denis, intervenant soixante ans après son père, nettoya les peintures de ce dernier, débarrassa l'édifice de son mobilier suranné et peu adapté aux célébrations liturgiques définies par le Concile Vatican 2 (1962-1965). Il repeignit l'intérieur en une tonalité gris-bleu et vert choisie sur les conseils du verrier Max Ingrand.
L'église Sainte-Pauline, construite en 1913 pour 2 000 habitants, était devenue trop exiguë pour une paroisse qui en comptait maintenant 11 000. Le problème s'était posé dès 1961 et des projets d'agrandissement de l'église avaient été étudiés. Une association, l'APES, se saisit de l'affaire en 1965 et, en 1966, confia l'étude à l'architecte Pinsart. Celui-ci présenta un plan de reconstruction de l'édifice qui reçut toutes les autorisations nécessaires. Mais le coût des travaux prévus fit abandonner le projet. On décida alors de restaurer et d'aménager l'église qui, en 1972, fut pourvue de nouveaux vitraux, œuvre d'André Ripeau.
En 1966-67, ce fut au tour de l'Eglise réformée d'être agrandie : déplacement du fond, annexion de l'ancienne sacristie, adjonction de deux ailes, portes de communication avec la salle annexe, et construction d'un bâtiment avec sous-sol et rez-de-chaussée pour les mouvements de jeunesse.
Le Vésinet compte également un lieu de culte israélite, installé depuis 1961 dans une maison de la rue Henri-Cloppet où vécut enfant le romancier Serge Doubrovsky, adepte de l'autofiction. L'édifice fut agrandi dix ans plus tard.

 Équipements culturels

Après avoir été longtemps considérées comme divertissements de dilettantes, les activités Culturelles prenaient leur place dans cette campagne d'équipements. Certaines communes leur accordent maintenant une part de budget plus importante que l'Etat. Le Vésinet s'engagea dans cette voie en créant, en 1970, un conservatoire de musique qui, cinq ans plus tard, comptait près de quatre cents élèves et se trouvait déjà à l'étroit. Il fallut le reloger dans une vaste propriété, 49-51 boulevard d'Angleterre, acquise par la ville en 1978, qui avait servi de dépôt d'archives à la Compagnie financière du Canal de Suez. Le nouveau conservatoire ouvrit ses portes en 1981.
En 1972, fut décidée la création d'un théâtre, dont la construction commença l'année suivante, à l'emplacement d'un jardin public, 59 boulevard Carnot, face à la mairie, et achevée en 1975. Construit par MM. Jean Fabre et Perrottet, il comportait un hall d'exposition, une bibliothèque avec section enfantine, une discothèque, la salle de spectacle Jean-Louis Barrault, extensible, pouvant accueillir 810 personnes, le cinéma Jean-Marais, deux niveaux de parking souterrain. Inauguré le 1er mars 1975 avec Le marchand de Venise joué par Claude Dauphin, il a fait l'objet en 1993 et 1997 d'une complète rénovation, subventionnée par le Conseil régional. [6]


Centre des Arts & Loisirs (CAL) dans sa configuration initiale (1975).

Au bénéfice des Associations, il faut citer également la création de la salle Princesse, rue de Verdun (sports et vie associative) et l'aménagement de l'ancienne gare SNCF (de 1953 à 1972) devenue la salle Watteau, ainsi que la restauration en 1981-82, du château des Merlettes aménagé en foyer polyvalent de loisirs (clubs des enfants, associations). Cette restauration remportera un prix de l'association Vieilles maisons françaises (1986).
Deux jardins publics, avenue de Lorraine et rue Camille-Saulnier, furent aussi aménagés.
En même temps, l'intérêt pour le Patrimoine se développant dans toute l'Ile-de-France, l'église Sainte-Marguerite et la villa Berthe [7] furent inscrites à l'Inventaire supplémentaire des Monuments historiques en 1978 et 1979 respectivement, ainsi que le Palais-rose en 1986 et Wood Cottage en 1993 [8].

A côté de cet énorme effort, poursuivi année après année, de créations, de construction et de rénovation au service de la collectivité, en menant le plus souvent plusieurs tâches de front, les faits divers de l'histoire de la ville, survenus dans le même temps font plus modeste figure, comme si les événements s'effaçaient devant l'effort des hommes.

NOTES :

[1] La Société Lyonnaise des Eaux et de l'Eclairage a repris en 1924 la Société des Eaux et Terrains du Vésinet fondée en 1858 par Alphonse Pallu. Ceci explique pour une large part, les relations « privilégiées » entretenues entre la Société et la Ville du Vésinet, relations parfois difficiles. Au terme du contrat de trente ans venu à échéance en 2004, la Commune devint propriétaire des lacs et rivières restés jusque-là à la Lyonnaise des Eaux.

[2] M. Dominique Denis, architecte, fils du peintre Maurice Denis, seul ou associé à des collègues, Menuel ou Mutricy, a réalisé au Vésinet, de nombreux bâtiments publics dont certains ont été très décriés par la suite.

[3] Ainsi nommée parce qu'elle faisait disparaître la partie de la rue du Maréchal Joffre entre la rue Henri-Dunant et le boulevard Carnot, ainsi que le vieux bâtiment historique de la Crèche Marie qui s'y trouvait.

[4] L'édifice fut détruit par un incendie dans la nuit du 11 au 12 avril 2002.

[5] Mis en lumière après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl en Ukraine, le SCPRI connut diverses réformes administratives, s'appelant OPRI en 1994 puis IRSN depuis 2002.

[6] D'abord désigné par le sigle "CAL" (pour Centre des Arts & Loisirs), il fut ensuite baptisé "Théâtre du Vésinet" avant d'être dédié à Alain Jonemann, après le décès de celui-ci en 1998. Les deux salles, de Théâtre et de Cinéma ont été dédiées respectivement à Jean-Louis Barrault, né au Vésinet en 1910, et à Jean Marais qui y a vécu quelques années de son enfance.

[7] Bel exemple d'architecture « art nouveau », connue aussi sous le nom de Hublotière, elle est l'œuvre d'Hector Guimard.

[8] Par la suite, Wood Cottage en 2000 et l'église Ste Marguerite en 2016 accèderont au rang de Monuments Histotiques.


Société d'Histoire du Vésinet, 2011-2016 • www.histoire-vesinet.org