Le Vésinet au Quotidien
Chronique anecdotique et historique de la commune (1860 ~ 1985)


La presse locale, Le Furet du Vésinet (1862-1863) et La Gazette du Vésinet (1888 puis 1901-1902) notamment, mais aussi l'Industriel de St-Germain, nous donne de précieuses informations sur certains aspects spécifiques de la vie quotidienne des Vésinétiens ou Vésinettois comme s'appelaient alors nos prédécesseurs. D'autres échos se trouvent dans des récits, des mémoires, des témoignages que nous nous efforçons de rassembler. Tout cela demeure toutefois très fragmentaire.

Le début des années soixante, alors qu'il s'agissait de « lancer » Le Vésinet, était marqué par les brillants concerts du dimanche après-midi auxquels assistaient en grand nombre des auditeurs venus de Paris et des environs. Ainsi, la fête de Sainte Cécile pouvait rassembler plusieurs centaines de personnes. Il pouvait aussi s'agir de concerts ou de bals de charité.
Les fêtes pouvaient aussi être un moyen de recueillir des fonds pour la jeune colonie. Grâce aux nombreux artistes qui y avaient élu domicile ou venaient y passer quelques mois à la belle saison, ces fêtes pouvaient être de grande qualité et recueillir de larges succès. Un exemple est donné pour le spectacle organisé en septembre 1867, pour financer la
gratuité de l'école primaire. Malheureusement, elle fut la victime des conflits opposant les habitants du Vésinet réclamant leur autonomie et le maire de Chatou.

Tous les mois de juillet, la fête locale dite « fête de la Marguerite » offrait à la population des réjouissances fort variées, tout d'abord à l'emplacement de l'actuelle mairie, puis, lors de la construction de celle-ci, sur la place de l'église. Cette fête patronale, qui se tint pour la première fois le 20 juillet 1862 fut aussi l'occasion de poser la première pierre de l'église qui deviendra Sainte-Marguerite. Elle sera consacrée le 2 juillet 1865. La création d'une nouvelle paroisse ne se fera pas sans difficultés.

Le 29 août 1865, avec le concours de la puissante Société d'Horticulture de Saint-Germain, les jardiniers du Vésinet, conduits par le premier d'entre eux, Emile Cappe, célèbrent avec faste la Saint-Fiacre, patron des jardiniers. Le Syndicat professionnel des Jardiniers sera la première organisation professionnelle du Vésinet.

Sur l'hippodrome, entré en service en 1866, des courses eurent lieu tous les dimanches, jusque vers 1892. Il n'était pas rare de voir trois mille spectateurs (parmi lesquels le peintre Edgar Degas) assister aux courses de plat ou d'obstacle sur la piste du tour du Grand Lac. Pourtant, la presse locale n'était pas tendre avec cette « sorte d'hippodrome en chambre, où l'on peut faire à peu près ce que l'on veut. Au besoin il serait possible de le couvrir et de le convertir en une sorte de " skatingrink" des courses, sauf les patins à roulettes dont les chevaux s'accommoderaient mal.» Quant aux spectateurs, « ils ressemblaient un peu à des Lapons en voyage, ou à un convoi de prisonniers en partance pour la Sibérie. La piste offrait l'aspect assez pittoresque d'un tableau de Diaz très bien réussi » (§ L'Illustration, 1875).
Le 9 août 1868, une visiteuse haute en couleur attirait tous les regards sur le champ de courses. La reine de Moheli, une des îles de l'archipel des Comores, de passage à Paris pour des questions diplomatiques, s'offrit une escapade au Vésinet pour profiter du spectacle des courses de chevaux mais plus encore de celui d'une foule de curieux, parfois à la limite des convenances, désireux de l'apercevoir ou de l'approcher.

L'hiver, les patineurs évoluaient sur les lacs gelés. Les souscripteurs, contre une cotisation de 5 frs, pouvaient patiner sur les emplacements réservés et entretenus, et cela pour toute la saison. Pour 20 frs, ils pouvaient même assister aux splendides fêtes de nuit. En 1869, on vit des traîneaux sur le Lac Supérieur. Quelques accidents furent à déporer.

En septembre 1870, l'avance des troupes prussiennes approchant de Paris, fit fuir les villégiateurs avant la fin de la saison. « Les Parisiens qui avaient habité la campagne durant l'été, s'empressaient de rentrer, non parce que la saison était trop avancée – le temps était splendide et présageait un merveilleux automne, — mais parce que les nouvelles augmentaient en gravité. Les Prussiens s'avançaient sur Paris, qui allait être assiégé, et l'on croyait trouver un sûr abri dans la ville, dont les forts et l'enceinte inspiraient la confiance. » Il paraissait impossible que la capitale put être sérieusement investie. Sous ses murs, pensait-on, les Allemands trouveraient leur tombeau. Mais à tout prendre, et quoiqu'il dût arriver, on préférait rentrer dans Paris que rester dans la zone de la petite banlieue, exposé à tous les hasards de la guerre : canonnade des assiégés et des assiégeants, réquisitions sans compter le risque de mourir de faim dans un pays abandonné, désert.
Mais au contraire, certains comme
Georges Bizet firent le choix inverse, fuyant la zone des combats, autour de Paris, et s'accommodant tant bien que mal de la présence des Uhlans.
L'Asile impérial, contraint d'accueillir une
ambulance de l'armée française qui, dès le 15 septembre 1870, reçoit un premier convoi de 50 blessés qui sont « installés à l'Asile du Vésinet dans les meilleures conditions possibles. Les propriétaires et habitants de la circonscription du Vésinet rivalisent entre eux de zèle pour offrir des appartements ou des parties de maison, où les blessés pourront être reçus et recevoir les soins particuliers de chaque famille. » Un peu plus tard, l'hospitalité (contrainte) concernera les soldats prussiens et sera moins enthousiaste.

Mais la vie quotidienne, c'était aussi les soins apportés aux jardins et aux arbres, la défense contre les méfaits des taupes, la lutte tantôt contre les hannetons, tantôt contre les chenilles. Une circulaire du maire du 7 décembre 1876 invite les habitants à faire procéder à la destruction des nids de chenilles dans leurs propriétés. Le délai de rigueur est fixé au 20 février 1877.
La protection des oiseaux valut à Alphonse Pallu une médaille d'argent, décernée en Sorbonne en 1869 par la Société protectrice des animaux, pour son action en faveur des nids, en terre cuite ou en bois, placés par milliers dans les arbres du Vésinet.
Les loisirs, c'était la promenade, la pêche (en 1863, on peupla les rivières de carpes, de saumons et de truites !), la fréquentation des restaurants (au bord du lac de la Station: le Chalet-Restaurant sur la Grande pelouse: le Restaurant Lecomte dans le centre: le restaurant A la Grâce de Dieu qui a donné son nom au carrefour et existe toujours sous une autre enseigne le Pavillon Corvisart, encore visible place du Marché le café-restaurant du Jardin turc sur la route de Paris).
Un arrêté du 18 mars 1878 fut pris pour remédier à l'abus de traverser les coulées et pelouses qui font l'honneur du pays et qui faisait défense de traverser les coulées et pelouses, qui sont la propriété de la commune.

Jusqu'en 1866, le courrier du Vésinet était acheminé par le bureau de poste de Chatou, ouvert au XVIIe siècle. Le Vésinet possédait une " boîte urbaine" relevée par le facteur de Chatou au cours de sa tournée. Le Bureau de Poste du Vésinet fut créé le 1er décembre 1866. Il était situé route Sainte-Marguerite, devenue rue Pasteur en 1898. A partir de 1869, les correspondances déposées dans la boîte de la gare du Vésinet et emportées par le train de Saint-Germain à Paris, étaient frappées du cachet du Convoyeur-station, indiquant la station (Le Vésinet), le numéro du département (72), le quantième du mois et le numéro de la levée ainsi que le trajet (S.G.L.P. pour Saint-Germain-en-Laye / Paris). Après la route Sainte-Marguerite, le bureau du Vésinet connut différents sites. Il fut au 66, route de Chatou en 1882 puis au 4, place de l'Eglise deux ans plus tard. A cette époque, il était ouvert au public, comme le bureau du télégraphe, de 7 h du matin à 9h du soir tous les jours y compris les fêtes, et il y avait quatre distributions du courrier par jour (6-8 h, 9-12 h, 15-17 h et 20-21 h). Chacun des cinq facteurs parcourait de 22 à 28 km. En 1893, la Ville demanda un sixième porteur mais se heurta à un refus. De 1893 à 1895, " La Poste" fut installée au 59, boulevard Carnot sur la propriété d'un particulier. Le bureau auxiliaire au 111, boulevard Carnot (près de l'école Pasteur) fut ouvert en 1899.
Le Vésinet se devait de suivre le progrès. Le 21 août 1890, fut abordée la question de l'installation d'un poste téléphonique à l'occasion de l'établissement d'une ligne entre Paris et Saint-Germain. Un conseiller ayant signalé que d'après les affiches apposées à Chatou, il suffisait de six abonnés pour obtenir la création d'un tel service, le Maire se fit préciser que l'installation était possible moyennant l'avance d'une somme de 15.000 frs remboursable et cinq abonnés au moins. En novembre, les cinq abonnés étaient trouvés, la somme ramenée à 10.000 frs. L'arrêté ministériel portant création d'un
réseau téléphonique au Vésinet date d'avril 1891. Peu après, Le Vésinet eut sa première cabine de téléphone.

L'allée de la Gare et l'allée d'lsly ne portaient pas de nom jusqu'au 9 novembre 1878. Ce soir-là, le Conseil Municipal, présidé en l'absence d'Alphonse Pallu, par Jean Laurent, Maire adjoint, modifia le nom de certaines voies du Vésinet qui portaient à confusion et attribua une dénomination à deux allées innommées. L'une, partant de la Gare du Vésinet et côtoyant les pelouses s'appela allée de la Gare du Vésinet. L'autre, partant de l'allée de la gare pour aboutir au boulevard du Midi (boulevard du Président-Roosevelt actuel), s'appela allée d'lsly. Mais ne pensez pas qu'il s'agit des allées que nous connaissons aujourd'hui, Une fois la décision prise, la mise en application allait la remettre en cause. En effet, les plaques indicatrices de l'allée de la Gare furent posées allée d'lsly et vice versa !
Lorsque l'erreur fut découverte, il était déjà trop tard, les habitants possédaient leur adresse. Et le Conseil Municipal n'eut plus qu'une solution, le 16 août 1879, entériner la situation de fait et ne pas accroître l'imbroglio en rétablissant les plaques à leur place véritable.

L'ouverture de la nouvelle mairie en 1879 s'accompagnait de celle des bâtiments scolaires avoisinants (écoles gratuites de garçons et de filles, plus une école maternelle). L'installation de la Crèche Marie, 42, rue Alphonse-Pallu, fondée par Mme Pallu, en mémoire de sa seconde fille eut lieu l'année suivante.

Les débuts de la bibliothèque communale, installée à la Mairie le 1er décembre 1881, furent modestes: un prêt d'un livre à un seul lecteur pour la première année. Il est vrai qu'elle n'était ouverte que le mercredi soir de 20h à 22h. Un Comité de cinq personnes (MM. Caron, Goulancourt, Foucault, Parnajon, Sérée, tous conseillers municipaux) était chargé de son fonctionnement. La présence d'un des membres était nécessaire au prêt d'un livre. En 1888 elle était fréquentée par 215 lecteurs et qu'elle comptait, 2151 volumes par 624 auteurs.

Le Temple protestant s'ouvrit au culte en 1881, sa construction ayant été financée par des souscriptions particulières.
La même année, au mois de novembre « une intéressante solennité religieuse, à l'occasion de l'inauguration de nouvelles orgues de l'église Sainte-Marguerite, construites par MM. Stoltz frères de Paris » est soulignée par le journal Le Ménestrel. « Les diverses qualités de l'instrument ont été successivement mises en relief par Mme Blanchon, organiste titulaire de l'église, par M. Deslandres, organiste de Sainte-Marie-des-Batignolles, enfin par M. Jules Stoltz, organiste-professeur qui a fait entendre deux de ses compositions. Mlle Réty-Faivre, dont la voix sympathique a fait le plus grand plaisir, a chanté avec un goût parfait L'Agnus Dei, de Saint-Yves, L'Ave Maria, de Cherubini, puis un duo avec la basse Neveu, qu'on avait déjà entendu dans l'O Salutaris de Panseron ». René Prospère Neveu, de l'Opéra, un des premiers villégiateurs du Vésinet, habitait alors rue Pradier.

A l'été 1880, un chroniqueur parisien, consacre un article documenté sur ce lieu de villégiature déjà très prisé qu'est Le Vésinet en 1880. Il en trace un portrait à la fois flateur et ironique mais riche de détails utiles à nos recherches, citant des « illustres » de l'époque, sans omettre quelques « clichés » évocateurs au prix de quelques approximations historiques. Il s'attarde sur la personne et le rôle d'Alphonse Pallu dont la fin est proche.

Le Vésinet de la "Belle Époque" (1880-1914)

La Belle Époque , celle des expositions universelles et des cafés concerts, celle de l'Etat bourgeois et des grèves ouvrières. Les Français acclament Boulanger, puis se battent à propos de l'affaire Dreyfus. Ils travaillent beaucoup, épargnent beaucoup, achètent de la rente perpétuelle, rêvent de revanche et croient à la paix. La Tour Eiffel pointe dans le ciel parisien, l'automobile commence sa carrière, l'avion risque ses premiers envols, l'électricité cesse d'être une aventure.
A cette période, Le Vésinet offre essentiellement le caractère d'une
villégiature élégante, située assez près de Paris et suffisamment bien desservie par les trains à vapeur de la Compagnie des Chemins de Fer de l'Ouest pour y attirer de nombreux estivants. Les vieux Parisiens ont gardé un souvenir ému du Vésinet de cette belle époque avec des propriétés admirablement entretenues, des équipages luxueux, des fêtes élégantes qui se tenaient sur la pelouse des Ibis, des hôtes de marque tels que Montesquiou, André Beaunier, Bourdelle, et combien d'autres. Mais la cohabitation de ces nomades avec les indigènes – comprendre les habitants sédentaires du Vésinet - commerçants, artisans, employés assurant l'entretien, l'approvisionnement et le développement de la colonie puis de la ville, n'était pas toujours sans conflits d'intérêts.

Malgré les campagnes publicitaires de la Société Pallu & Cie, les statistiques agricoles de 1882 rapportent que les bois et forêts recouvrent encore 230 ha (soit plus de la moitié du territoire communal). Les jardins de particuliers occupent 8 ha, les jardins de plaisance et les parcs 150 ha et les pelouses 30 ha. La deuxième partie de l'enquête recense les animaux: 38 chevaux entiers de 3 ans et au dessus, employés en travail et peu ou pas à la reproduction 50 chevaux hongres de 3 ans et au dessus 28 juments et ... 70 chèvres ! (pas de vaches ?!). Les animaux de basse-cour sont aussi dénombrés : 250 poules, 30 canards, 100 pigeons et 200 lapins. Si l'on en croit les innombrables annonces émanant de résidents du Vésinet dans les colonnes de L'acclimatation des animaux et des plantes (périodique en vogue à la fin du XIXe siècle), très nombreux étaient les échanges, achats, ventes d'animaux de basse cour ou d'agréments.

En 1883, Alphonse Daudet crut devoir se battre en duel, à propos d'une critique un peu trop acerbe de ses œuvres, avec Albert Delpit. Celui-ci lui reprochait " d'avoir décarcassé le style de Chateaubriand, d'employer encore plus d'épithètes que l'auteur des Martyrs, d'imiter de trop près Dickens, de manquer complètement d'imagination et de ne pas savoir faire une pièce" . L'article manquait de courtoisie, sans être précisément haineux ou méchant. Alphonse Daudet exigea néanmoins une réparation par les armes. La rencontre eut lieu au Vésinet, à l'épée de combat, et Albert Delpit reçut au bras une blessure sans gravité. La forêt du Vésinet était encore la scène de duels fréquents. Les blessures étaient légères  le vainqueur et les témoins se voyaient ensuite condamnés  : l'un à une peine de prison et d'amende, les autres à une amende. Il faut lire le récit de Maupassant dans Bel Ami (1885)  on assiste à un duel dans une clairière du Vésinet, accessible par " une route à ornières, entre deux taillis où tremblotaient des feuilles mortes bordées d'un liseré de glace".

L'entrée en service de l'éclairage au gaz, fut rendue possible par la construction d'une usine à gaz sur le territoire du Pecq (située rue des Merlettes, en face de l'actuelle allée des Maraîchers). L'éclairage public au gaz fit l'objet d'un premier contrat, le 4 juin 1881. Il commença à fonctionner le 5 octobre 1882, il y avait alors 32 becs. Le concessionnaire n'ayant pas exécuté les clauses du contrat, le fonctionnement de la concession fut mis en régie le 3 avril 1883 et le 20 août remis en adjudication.
La concession sera accordée en 1886 à la Compagnie du Gaz Franco-Belge pour remplacer le premier concessionnaire mis en faillite. La Compagnie Franco-Belge assumera ses fonctions jusqu'en 1947, époque à laquelle le Gaz de France absorbera les sociétés privées.
Le gaz est alors le suprême ornement et le suprême confort des demeures bourgeoises. Sous un demi-globe d'opaline, il éclaire la salle à manger. Dans la cuisine, un petit cercle de flammes bleues attend les casseroles de cuivre à côté de la vieille cuisinière de fonte gourmande de charbon. Le gaz s'insinue d'ailleurs dans toute la maison, pour atteindre le cabinet de toilette et parfois la salle de bains et son premier chauffe-eau. Les lanternes publiques, les réverbères, - il y en avait 32 en 1882 au Vésinet, 130 dix ans plus tard - s'éteignaient à une heure du matin. Nos anciens se souvenaient de M. Jarry, l'allumeur de réverbères, sur sa bicyclette (on disait encore vélocipède) avec sa grande perche, toujours habillé d'une blouse bleue et coiffé d'une casquette bleu marine.
L'éclairage à l'électricité commencera à apparaître au Vésinet vers 1907. Mais l'éclairage public à l'électricité ne fonctionnera que fin 1937.

Le gymnase municipal (une salle des fêtes), fut construit en 1883, avenue des Pages, à l'emplacement de l'actuel bureau de poste. Dans la liste des " conférences publiques et gratuites" données dans la " salle de gymnastique" on relève celle de Frédéric Passy évoquant " la vraie égalité" et surtout de Raymond Poincaré. Selon Eugène Bénard, alors secrétaire de Mairie, " l'orateur a entretenu son auditoire de Camille Desmoulins " qui avait rêvé suivant ses propres expressions, une République que tout le monde puisse adorer" , ce qui lui a donné droit à la reconnaissance de tous les hommes de liberté. Il est juste et agréable de dire que M. Raymond Poincaré a été digne du sujet. C'est avec une modestie pleine de bonne grâce, un tact et une élégance remarquables qu'il a conquis ses auditeurs et les a tenus, pendant plus d'une heure, sous le charme de sa parole. Alphonse Ledru, Maire du Vésinet à cette date, était l'ami de Raymond Poincaré, et avait invité ce dernier à venir dîner au Vésinet et à faire une causerie au profit de la Caisse des Écoles. Rappelons que Raymond Poincaré, qui était alors député de la Meuse et possédait une résidence secondaire à Montesson, fut de 1913 à 1920, Président de la République.

La grande affaire traitée par le Conseil municipal de 1884 était le projet de la ville de Paris qui envisageait de déverser ses eaux d'égout dans la forêt de Saint-Germain-en-Laye. A l'occasion des réunions du Conseil les 5 et 30 août, la ville du Vésinet s'associe à celle de Saint-Germain-en-Laye pour protester contre le projet parisien. A ce propos, M. Pierson fit adopter, le 5 août, une proposition de protestation contre un article du Figaro qui citait Le Vésinet parmi les communes qu'alimentait l'eau de la Seine. Or, l'eau distribuée au Vésinet était encore de l'eau de source " absolument pure et distincte de l'eau du fleuve" . Une insertion dans les journaux, signée du Maire, devait faire connaître la composition de l'eau.
Le Docteur Maison, qui demeurait au 5 de la rue de l'Eglise, publia en 1885, à compte d'auteur, une plaquette de treize pages intitulée "
Le Vésinet, Eaux-Climat-Sols" . Après un exposé général sur les raisons de préférer Le Vésinet à tout autre lieu de villégiature, l'auteur procède, dans l'ordre, à une analyse sommaire des caractéristiques du sol et de l'air du Vésinet et ensuite à une étude chimique des eaux. Une autre analyse concernant la salubrité des eaux, commandée par Etienne Pallu au Conseil Central d'Hygiène et de Salubrité de Seine & Oise sera distribuée aux habitants en 1889. D'autres documents à caractère publicitaire attestent de la réputation " exceptionnelle" de salubrité du Vésinet.

Le 14 septembre 1884, un grave incendie détruisit la demeure d'un collectionneur hollandais, Abraham Willet. Une partie de ses collections s'évanouit en fumée.

Le 30 septembre 1884, Le Vésinet connut son premier accident mortel de la circulation. Trois dames venues de Saint-Germain se promenaient en voiture (une calèche) dans le bois du Vésinet. Le cheval effrayé par le sifflet d'une locomotive, prit le mors aux dents. Pendant que le cocher cherchait à le retenir, les rênes se brisèrent. Gardant tout son sang-froid, il se jeta sur le dos de son cheval et parvint à le maitriser en lui tirant fortement la crinière. Malheureusement les trois personnes qui étaient dans la voiture, affolées, avaient successivement sauté ; la première eut une jambe cassée, la seconde, le bras gauche fracturé en deux endroits, mais la troisième se brisa la tête en tombant sur l'oreille gauche, perdant en même temps beaucoup de sang. Toutes trois furent transportées à l'hôpital de St-Germain. Si les deux premières purent, malgré leurs blessures, retourner à leur domicile, la troisième fut admise aux urgences où elle mourut peu après.

La baignade dans les lacs et les rivières était alors permise, mais pas sans poser des problèmes comme le démontre l'extrait de l'arrêté municipal du 26 août 1891, pris par le Maire: « Considérant que des plaintes nombreuses nous sont parvenues à raison du spectacle qu'offrent des personnes se déshabillant sur les coulées et pelouses qui bordent les lacs du Vésinet et se baignent dans ces lacs à la vue du public sans costumes décents «  Article I: il est expressément défendu à toutes personnes de se baigner dans les lacs, rivières et autres pièces d'eau situées à la vue du public, sans être revêtues d'un costume ou d'un caleçon dit maillot, couvrant le torse et le haut des jambes. Article 2: il est formellement interdit à toutes personnes de se déshabiller sur les coulées et pelouses communales bordant ces lacs, pièces d'eau et rivières  ». Dans ces conditions, il ne restait que deux solutions: se baigner tout habillé, ou se promener en maillot de bain dans les rues du Vésinet jusqu'à son lac préféré.

Mais Le Vésinet avait alors un autre problème d'eau ! Lors de la séance du 4 novembre 1884, fut longuement évoquée la question des inondations de la gare, affaire qui allait dégénérer en polémique deux ans plus tard et faire les choux gras de la presse locale. Elle aboutira en 1887 à la création du premier réseau d'égouts pour collecter l'eau en bordure de la voie ferrée qui sera prolongé jusqu'à la gare dite du Pecq en 1896. Mais jusqu'en 1965, la plus grande partie des eaux usées de la commune s'écoulait dans des puisards.

Par arrêté préfectoral du 30 juin 1887, l'Espérance, société de Gymnastique et de tir, était fondée au Vésinet. Son but: " l'étude théorique et pratique des exercices militaires et gymnastiques  et de resserrer les liens d'amitié qui doivent exister entre les jeunes gens du Vésinet" . Répondant à un mouvement national, cette société était avant tout " développer le goût du tir, encourager et vulgariser, dans la mesure du possible, avec l'arme de guerre et en général avec toutes les armes, les exercices de tir, de manière à former des tireurs habiles, animés de sentiments patriotiques et de rendre des services au pays. La revanche après la défaite de 1870, occupait tous les esprits.

Une Société Municipale de Secours Mutuel et de Retraite, La Prévoyance fut créée en 1888. Elle s'adressait aux quelque 300 familles résidant de façon permanente dans la commune et y exerçant leur métier. Un comité des fêtes fut mis en place pour organiser des manifestations qui seraient à la fois des attractions pour distraire les visiteurs et des fêtes de bienfaisance pour réunir des fonds.
La même année se posa la question d'une
nouvelle école, devenue nécessaire dans le quartier du Rond-Point de la République. Elle ne sera inaugurée que sept ans plus tard, en même temps que la gendarmerie et le nouveau bureau de Postes.

Le 29 juillet 1888 parut le premier numéro d'un nouveau journal, La Gazette du Vésinet. Le fondateur, Achille Lécolle, qui habitait au Vésinet, était aussi directeur et rédacteur en chef de L'Audience, une revue spécialisée dans les affaires juridiques, imprimée au Vésinet. Quelques faits divers relevés dans la gazette : telle propriété cambriolée, telle personne empoisonnée par des champignons cueillis dans les bois, telle autre trouvée pendue.

Le lundi 4 février 1889, un jardinier du Vésinet chargé de garder une villa inoccupée surprit deux individus suspects qui refusèrent de répondre à ses sommations. Il ouvrit le feu avec son révolver, touchant un des deux malfrats à la tête tandis que l'autre parvenait à s'enfuir avec sa part du butin dérobé dans la villa de M. Delilia. Le blessé, interrogé dit se nommer Frey et dénonça son complice, un certain Newalt. Frey, succomba à sa blessure à l'hopital de St-Germain quelques jours plus tard. Le fait-divers qui n'aurait sans doute pas eu de suites eut les honneurs de l'édition parisienne du New York Herald Tribune car le dit Frey prénommé Berhardt, avait été, avant ses démélés avec la justice, journaliste, publiciste, et auteur de quelques bonnes feuilles. Il n'en était pas à son premier larcin. Un de ses confrères laissa son témoignage :

    Pendant plusieurs années, ce personnage joua à Paris le rôle de correspondant étranger des journaux d’Allemagne et d’Autriche. Sans me poser en physionomiste impeccable, je puis dire que jamais personne ne me fut plus antipathique. Petit, gros, roussâtre, tassé, ayant une face de grenouille, ce misérable était la malveillance née. Se faufilant partout avec un aplomb infernal, il prenait part à des réunions d’hommes de lettres et de journalistes, surprenant la religion des plus prudents. Ne l’ai-je pas vu à Vienne très bien accueilli par M. de Beust? Je me rappelle aussi qu’en certain congrès, il se présenta muni des pouvoirs de la Société des écrivains allemands, AllgemeineSchrifleller Verband. Et le pis, c’est qu’il n’était pas sans quelque talent, extraordinairement polyglotte, parlant avec faconde et, chose étrange, paraissant avoir l’esprit juste. On affirme d'ailleurs qu’il appartient à une famille honnête. Il gagnait sa vie et avait toujours de l’argent. Ici, il fréquentait le Cercle de la Presse et avait su se faire bien voir de quelques-uns de nos confrères et des mieux estimés.

Au début de l'année scolaire 1889-1890, la Ville de Paris conclut un accord avec la Compagnie des Terrains et Eaux du Vésinet pour permettre aux élèves du Collège Chaptal (école primaire et secondaire municipale de la Ville de Paris) de venir chaque jeudi pratiquer le sport sur les terrains du Vésinet. On sait qu'il s'agit de " champs" voisins de l'Hippodrome et qu'un court de Jeu de Paume fut macadamisé, mais la localisation exacte de ces terrains reste imprécisée.

Dans la nuit du 2 au 3 septembre 1889, les trois sœurs Cuvelier, locataires d'une maison située au 80, route de Chatou, périrent dans l'incendie de la maison. Une rapide enquête menée par M. Emile Cappe adjoint au maire et le Maréchal des Logis de la gendarmerie de Chatou, établit que deux des sœurs s'étaient données la mort d'une balle dans la tête après avoir abattu tous leurs animaux domestiques (cheval, chien, chat, ...) et avoir enfermé leur sœurs cadette (un peu simple d'esprit) et mis le feu à divers endroits de la maison.
Ce fait divers connu sous le titre de Drame du Vésinet donna lieu à de nombreux articles dans tous les journaux du moment, jusqu'au New-York Herald Tribune ! Le parquet de Versailles, quant à lui, se contenta du rapport rendu par M. Cappe et s'empressa de clore le dossier. En l'absence d'héritiers déclarés (il n'y avait que des dettes dans l'héritage !) les modestes biens ayant échappé à l'incendie furent vendus sur la place du Marché quelque temps plus tard.

Le premier événement marquant de l'an 1890 au Vésinet fut le décès, à l'âge de 36 ans, d'Étienne Pallu, fils du fondateur de la commune et son successeur à la tête de la société Pallu. Quelques mois plus tard, Mme Pallu, marquée par la mort de son dernier enfant, quittait Le Vésinet. M. Alphonse Sauvalle, juriste et administrateur de sociétés, fut nommé gérant de la Société du Vésinet pour succéder à Etienne Pallu.

En mai 1890, le Maire avertit le Conseil Municipal que le Conseil Général avait émis un vœu tendant à la création, dans le plus bref délai, d'une brigade de Gendarmerie au Vésinet. Cette gendarmerie, très attendue, sera installée cinq ans plus tard. La police était auparavant assurée par deux gardes champêtres municipaux. Le Commissariat de police était à Saint-Germain-en-Laye et la brigade de gendarmerie à Chatou (grande rue de Paris).
Et la maréchaussée avait de quoi faire. Voici ce que disposait un arrêté municipal, pris le 27 septembre 1894 par
Charles Drevet, qui fut Maire de 1892 à 1904. " Article 10: il est expressément interdit aux vélocipédistes de lutter de vitesse sur les voies publiques et d'y former des groupes pouvant entraver la circulation. Il leur est aussi défendu de se livrer, sur les voies fréquentées, à des exercices d'adresse en décrivant des courbes ou en opérant, sans utilité, des changements de direction de nature à gêner la circulation ou à incommoder les piétons". Il faut bien dire que, le terme "vélocipédiste" mis à part, ce texte reste bel et bien d'actualité.

Au mois de février 1898, la vente d'un tableau supposé peint par Rembrandt à la salle des ventes du Pecq, aussitôt désigné dans la presse comme le " Rembrandt du Pecq" provoqua des débats passionnés sur l'identité de l'auteur de ce tableau. Le débat entraîna un procès mettant en cause les compétences et l'honnêteté de ceux qui avaient organisé cette vente. Il faut préciser que tous les protagonistes de l'affaire étaient du Vésinet et que le tableau était resté exposé durant trente ans dans la villa de sa propriétaire, Madame Legrand, 108 route de Chatou (boulevard Carnot). La villa en question baptisée villa Rembrandt, donnera plus tard, en 1898, son nom à l'avenue Rembrandt qui lui était mitoyenne. Pourtant, la peinture n'était pas de Rembrandt, mais d'un de ses élèves : Aert de Gelder.

Le kiosque Hériot, don du Commandant Olympe Hériot, se dressait sur son socle de pierre, au bord de la pelouse de la gare. Érigé en 1891, il disparaîtra dans les années 1930 pour céder la place à un terrain de boules (lui-même disparu dans les années 1980). M. Ducouret, chef d'orchestre de l'Accord Parfait, y donnait souvent des concerts le dimanche en soirée et même en semaine. Les musiciens répétaient dans une petite cabane en bois, derrière la salle des fêtes (aujourd'hui elle serait derrière la poste). Cette baraque avait servi primitivement, de poste de police. M. Ducouret habitait, près de l'école Saint-Charles, une belle demeure baptisée Do Mi Si La Do Ré.
Le bal du 14 juillet se tenait sur une estrade couverte, à l'abri de la pluie sur la place du Marché où les paysannes venaient encore vendre leurs lapins et leurs poulets dans leurs paniers qu'elles posent sur l'herbe, car la place du Marché n'était encore qu'un immense carré d'herbe planté d'arbres. Les galeries couvertes, installées en 1883 n'occupent que l'extrême sud de la place. M. Neveu, premier baryton de l'Opéra, contemple ces scènes pittoresques, de sa fenêtre au 11ter, place du Marché.
Le caractère pittoresque de la localité ne se dément pas. Avec les progrès du matériel photographique, nombreux sont les chasseurs d'images amateurs qui viennent y chercher les meilleures vues. Les lacs et les rivières sont les plus prisés.

Le Conseil municipal du  2 août 1897, adopta le projet d'armoiries qui manquaient à la commune. Le Conseil Municipal avait décidé qu'y figureraient: " Un cor, de forme ancienne, rappelant la légende de Roland, une marguerite, sous le vocable de laquelle M. Pallu, premier Maire du Vésinet, a placé cette Commune qu'il a fondée et une guirlande de feuillage de chêne rappelant la forêt qu'était naguère ce pays" . Le blason proposé par Eugène Bénard fut retenu. Les armoiries furent officialisées par arrêté du maire, Charles Drevet, du 2 août 1898. On peut les voir sur les affiches publicitaires qui furent utilisées à cette époque à l'occasion d'une nouvelle campagne de lotissement.

Avant 1900, le défilé du Boeuf-Gras avait lieu avant la fête de la Marguerite. Il s'agissait de promener, fanfare en tête, dans les rues du Vésinet, un bœuf énorme, décoré de fleurs et de rubans tricolores. La bête appartenait à la boucherie Filquière, et M. Filquière lui-même, vêtu de la blouse bleue traditionnelle la conduisait.
A Paris, la coutume de promener un bœuf dans les rues pendant les jours gras existait depuis l'Antiquité. Il s'agissait là sans doute de la christianisation d'un rite païen de sacrifice. La Révolution l'avait supprimée, mais en 1805, l'Empire la rétablit en réglementant le cortège par une ordonnance de police. Un bœuf d'au moins 13 à 14 quintaux (beaucoup plus que les bêtes habituellement abattues), abondamment enguirlandé, est escorté par la corporation des bouchers. En tête, les marchands bouchers, en habits magnifiques, portant des chapeaux Henri-IV avec panache aux couleurs nationales. Les garçons bouchers sont aussi costumés. Avec le temps le cortège s'étoffa. Le bœuf fût accompagné de chars allégoriques, de soldats, de figurants de théâtre, tout une ambiance de carnaval. A Paris, 1870 fut la dernière année où l'on promena le bœuf gras. Quelques mois plus tard, les Parisiens mangeaient des rats et les animaux du jardin des Plantes.
Georges Méliès fit un film sur le sujet en 1897.

Au début de l'été, les gamins du Vésinet pouvaient gagner 50 centimes, en apportant au père Ecosse, appariteur de la mairie, une boîte remplie de hannetons (ces destructeurs de nos jardins) aussitôt jetée dans un tonneau placé derrière la mairie. 50 centimes, c'était le prix des lampions du 14 juillet. Avec cet argent, les gamins pouvaient aussi s'acheter des caramels, des roudoudous et des " miettes" , c'est-à-dire des gâteaux entiers ou cassés faits la veille, que tous les lundis le pâtissier Lamesch, leur vendait pour deux sous.

Comme le voulait la tradition instituée depuis la fondation de l'Orphelinat des Alsaciens-Lorrains au Vésinet, la distribution des prix était aussi l'occasion de rassembler des personnalités, gens de lettres, généreux donateurs gens de la presse. Chaque année, le Comte Paul d'Haussonville, président de l'Œuvre des Alsaciens-Lorrains fondée par son père, invitait un membre de l'Académie française. En 1900, ce sera Ferdinand Brunetière. Brunetière, historien de la littérature, critique renommé, brillant orateur et antidreyfusard notoire, n'était pas là par hasard. Il prononça un discours qui illustrait bien – les circonstances s'y prêtaient – l'esprit de revanche qui occupait les esprits en ce début de siècle. Quelques années plus tard, un autre grand écrivain de la revanche, Maurice Barrès, se livrera au même exercice, le 24 juin 1904. Au fil des ans, le discours de l'orphelinat des Alsaciens Lorrains était devenu un exercice obligé pour les nouveaux académiciens.

Le 18 Août 1900, le congrès international de l'hypnotisme qui se tient à Paris dans le cadre de l'exposition universelle, en est à sa séance de clôture qui est consacrée à la rédaction d'un «  vocabulaire concernant la terminologie de l'hypnotisme et des phénomènes qui s'y rapportent ». Au milieu de l'après-midi, les congressistes montent dans des voitures spéciales qui les attendaient et viennent au Vésinet où ils font une visite en commun de l'établissement d'Hydrothérapie du docteur Raffegeau.

Sur le boulevard Carnot " de bruyants engins, haut perchés, dévalent en soulevant des nuages de poussière" . Le Conseil Municipal s'en émeut et, dans le compte rendu de sa séance du 19 juin 1901 on peut lire  : " considérant que la plupart des voitures automobiles sont menées sans aucun souci de la sécurité publique, que leurs conducteurs ne se préoccupent que de marcher avec la plus grande vitesse possible, considérant que grâce à la vitesse de leur machine, les conducteurs réussissent trop souvent à s'enfuir, que l'apposition d'un numéro bien visible sur les deux côtés et à l'arrière de ces voitures préviendrait toute tentative de fuite, émet le voeu qu'un numéro bien visible soit obligatoirement placé sur les deux côtés et à l'arrière des voitures."

La fête de la Marguerite a déjà quarante ans d'existence. Elle est devenue au fil des ans une des plus belles fêtes de la région. Elle attire la population de toutes les communes environnantes. La rue Thiers, les places de l'Eglise et du Marché sont envahies par les manèges, les stands et les boutiques. Autour de l'église, se tient la fête proprement dite, avec ses manèges comme le manège des Cochons composé de trois rangées de cochons géants (1,50  m à 2  m environ) qui tournent en imitant le mouvement du galop, le manège des Anes, les Ballons tournants, les balançoires, les baraques de tir, la grande roue de la loterie où l'on peut gagner des services en porcelaine et même des poulets vivants, des boutiques de nougat et le stand de pêche réservé aux enfants qui ne manquent pas d'imagination pour que " la pêche soit bonne" .
Les adultes ne sont pas oubliés, les Montagnes russes, le Water-Chute et le bal Blondy leur sont réservés. Ces deux dernières distractions se trouvent sur la place du Marché. Le Water-Chute monté en face de la graineterie se compose d'un toboggan, de luges, d'un bassin d'eau et d'un tapis roulant à rampe fixe pour accéder au toboggan.
La retraite aux flambeaux descend la rue de l'Eglise (rue du Maréchal-Foch), longe le chemin de fer, remonte la rue du Marché, traverse le boulevard Carnot, prend la route de la Marguerite pour arriver sur la grande pelouse des Ibis où se déroule le feu d'artifice de Ruggieri qui attire toujours des centaines de spectateurs.
La fête de 1896 fut perturbée par un violent orage et une des attractions, un aérostat baptisé "
Ville-du-Vésinet", faillit se terminer en catastrophe.

Les Ibis, lieu d'innombrables fêtes, courses et concours. Des courses cyclistes se déroulent sur la piste de l'hippodrome délaissée par les cavaliers  ? Il s'agit de parcourir 70  km, c'est-à-dire de faire à peu près 40 fois le tour du lac et de l'île des Ibis. Pour éviter la monotonie et soutenir l'attention des spectateurs, tous les trois ou quatre tours sont prévus des sprints annoncés par le haut-parleur. Le coureur qui passe en tête reçoit une prime de 20, 10 ou 5 frs. Plus pittoresques et heureusement disparues, sont les courses de canards. On lâche des canards dans le lac des Ibis et des jeunes gens essayent d'attraper les malheureux oiseaux qui filent à toute allure à la surface de l'eau.
Si au printemps et en été les fêtes ne manquaient pas (bal masqué, spectacles de chansonniers donnés par l'Amicale des Élèves et des Anciens Élèves), l'hiver aussi connaissait ses manifestations et ses distractions. Le patinage était toujours autorisé sur le lac des Ibis dont une partie était même surveillée et entretenue pour éviter les trous. Une zone payante s'étendait du pont situé en face de la villa de la Marguerite jusqu'au Casino des Ibis.

Les cinquante-quatre numéros de La Gazette du Vésinet (seconde époque), qui parurent en 1901-1902, nous ont fait découvrir certains aspects de la vie quotidienne au Vésinet, à l'aube du XXe siècle. La Gazette se proclamait indépendante et, ne ménageait pas ses critiques à l'égard de la Municipalité.

En juin 1901, la Gazette fit état, dans ses échos, d'une expérience scientifique qui se préparait entre deux villas de la commune, ayant trait à la télégraphie sans fil. Cette expérience rendue publique le 1er juillet 1901 eut un grand retentissement dans les jours et les semaines suivantes. Elle inpliquait plusieurs scientifiques éminents parmi lesquels Eugène Ducretet, pionnier de la radiodiffusion. La télégraphie tellurique dont il était question sera très employée durant la Grande Guerre, quelques années plus tard.

Le 19 septembre 1901, les rédacteurs de la Gazette eurent à "couvrir" un fait divers sanglant, le crime du Petit-Montesson. Rapporté à la manière de la Gazette, avec un luxe de détails et quelques approximations, l'assassinat de Madame Soyer fit ensuite la couverture du Petit Parisien.

Au début d'avril 1902, la presse parisienne annonça que le Club français, un des principaux clubs sportifs de la capitale venait de se rendre acquéreur, d'un superbe terrain, de 25  000 m², situé au Vésinet, à sept minutes de la gare du Pecq. On projetait d'y établir deux terrains de football association, un terrain de rugby, dix cours de law-tennis et une piste de 400 mètres pour les épreuves de course à pied.
Malgré une saison sportive peu glorieuse, le Club français mena à bien son projet et, le 1er octobre de la même année, le Club disposait au Vésinet d'un splendide terrain: «  d'une superficie de 25 hectares [sic]  », qui fut inauguré le dimanche 9 novembre 1902, par un
match entre l'équipe première du Club français (en rose et noir) et celle du Standard Athletic Club (en rouge et bleu) le Club de la communauté britannique de Paris, basé à Meudon. Le football-association (on disait alors simplement Association) en était à ses débuts. On n'osait encore à peine faire payer des spectateurs ! La commune du Vésinet aura une équipe de foot seulement dix ans plus tard.

Le 1er mars 1904, le Tramway traverse le Vésinet. La ligne joignant la gare de Rueil au Pecq, un embranchement de la ligne Paris / St-Germain via Nanterre et Marly-le-Roi, est mise en service. Elle suit le boulevard Carnot et marque quatre arrêts au Vésinet, boulevard de L'Est (actuel bd des États-Unis), Mairie, Champ de course (pelouse des fêtes), Place de la République. Il faudra attendre janvier 1914 pour qu'elle soit prolongée jusqu'à Saint-Germain, peu après son électrification.

La Société des exercices physiques du lycée Condorcet, au cours de la réunion qu'elle organisa le 19 mai 1904, fit disputer autour du lac du Vésinet le premier Championnat interscolaire de motocyclettes. Cette épreuve se disputa sur 10 kilomètres. Elle était réservée aux membres des Associations scolaires. Apparues une dizaine d'années plus tôt, ces drôles de machines fascinaient déjà les jeunes gens. Il semble que l'expérience n'aie pas été renouvelée.

Le dimanche 29 mai 1904 dans la matinée, la Marche de l'Armée traversa le Vésinet, par le boulevard Carnot. On avait dressé pour l'occasion des arcs de triomphe fleuris et déployé une multitude de fanions tricolores. Les badauds se pressaient le long du parcours pour " voir et complimenter l'Armée française" . Organisée par le journal Le Matin, cette épreuve d'endurance, unique en son genre, réservée aux soldats consistait en une marche (en tenue militaire) de près de 45 km, de Paris à St-Germain et retour. Aux 2000 participants s'ajoutaient 4000 hommes de troupes et gendarmes postés sur tout le trajet.
Une chaleur inhabituelle rendit l'épreuve très pénible. Un dixième seulement des participants franchit la ligne d'arrivée. Parmi de nombreux prix, le vainqueur, un dénommé Girard, reçut une médaille de la Ville du Vésinet.

En 1906, la route de Sartrouville, au-delà de Montesson, devint un but de promenade très prisé. On s'y rendait à pieds ou à vélo en espérant voir voler les drôles de machines. Traian Vuia [et non Santos Dumont comme on a pu le lire parfois dans certains ouvrages d'histoire locale] y commençait la conquête de l'air. Il réussit son premier décollage au "petit chemin de la plaine" le 18 mars 1906 (60 cm au dessus du sol, sur une douzaine de mètres !) Une piste d'aéro-club subsistera jusqu'au milieu des années 1950.

La Société mixte de tir fut fondée par l'Union républicaine et radicale du Vésinet en août 1907. Cette société, prolongement de l'Espérance, la plus ancienne du Vésinet fondée en 1887, était due à un groupe de fervents du tir au fusil de guerre dit Lebel modèle 93: Gaston Rouvier, Camille Saulnier, deux futurs maires du Vésinet et Léon Johnson maire de Montesson, champion du monde au fusil de guerre. L'utilité patriotique d'une telle société apparaissait à l'époque incontestable au moment de la réduction à deux ans du service militaire.

En 1909, la Ville entra en possession de l'Avenue de la Princesse, magnifique allée desservant l'Asile national, restée la propriété de l'Etat en 1875. Sur les anciennes cartes (1782), cette allée forestière figurait sous le nom de Route de la Princesse de Conti. Elle a donné son nom au quartier urbanisé qui s'est formé à la fin du XXe siècle au voisinage de l'Asile.

le 1er Aout 1909, un dimanche en fin d'après midi, une ancienne artiste dramatique, Jeanne Addey-Dallemagne, maîtresse délaissée d'un ancien ministre, Pierre Merlou, tirait sur sa rivale Marie Bergé, plusieurs coups de revolver. L'agression eut lieu allée d'Isly, non loin du domicile de la victime. La coupable fut arrêtée un peu plus tard à la Pension du Chalet, rue de l'Eglise, où elle avait élu domicile depuis quelques mois. L'affaire, sous le titre du Drame du Vésinet, fit grand bruit en raison de la personnalité des protagonistes. Pierre Merlou, gravement perturbé, fut admis à la clinique du Dr Raffegeau quelques semaines après le drame. Il y mourut le 23 novembre suivant.
Au même moment, la Clinique du Dr Raffegeau était assiégée par de nombreux reporters à la poursuite de
Madame Steinheil, héroïne d'une affaire politico-judiciaire sulfureuse. Acquittée par les Assises de la Seine le 15 novembre, elle se réfugiait dans l'Établissement d'Hydrothérapie dès le lendemain. Elle y resta cachée durant une dizaine de jours, avant de gagner l'Angleterre.

Le 22 octobre 1909, un vendredi soir, Le Vésinet fût le théâtre d'un drame qu'on retrouva par la suite à la une des journaux. Jules Godart, jeune ténor de l'Opéra de Paris se trouvait en visite chez un ami, M. Doudieux, domicilié 15, rue Thiers lorsqu'il mourut subitement après avoir absorbé deux cachets d'antipyrine. Le médecin conclut d'abord à une crise d'urémie. Mais l'enquête qui suivit cette mort suspecte ne tarda pas à permettre d'identifier la coupable, une demoiselle Marie Bourette, qui fut jugée et condamnée à la prison à perpétuité, au terme d'un procès qui connut un grand retentissement.

Entre le 8 et le 28 juillet 1910, 78 lignes téléphoniques furent sectionnées sur les communes de Montesson, Le Vésinet et Le Pecq (rive droite). Il s'agissait d'opérations de sabotage faites par le " comité révolutionnaire secret de Seine-et-Oise" (les recherches de la police et du parquet n'ont pas réussi à en découvrir la filière), pour protester contre " l'arrestation arbitraire du camarade Ingweiller, secrétaire de l'Union syndicale des ouvriers sur métaux, les poursuites scandaleuses engagées contre le comité de grève du Bi-Métal et les condamnations prononcées le 25 juillet 1910" . Les consignes transmises par tracts étaient édifiantes: " Chaque fois que s'élèvera un conflit entre patrons et ouvriers, que le conflit soit dû aux exigences patronales, qu'il soit dû à l'initiative ouvrière, et au cas où la grève semblerait ne pouvoir donner des résultats aux travailleurs visés, que ceux-ci appliquent le " boycottage" ou le " sabotage" - ou les deux simultanément ! [...] Jusqu'ici, nous n'avons envisagé le sabotage que comme un moyen de défense utilisé par le prolétariat contre le patron. Il peut, en outre, devenir un moyen de défense du public contre l'état ou les grandes compagnies."

Le 18 juillet 1910, la presse annonçait la disparition d'un rentier belge habitant au Vésinet, M. Vermeersch. En juin 1911, au terme d'une enquête de près d'un an en France et en Belgique, on découvrit le cadavre de M. Vermeersch enterré dans le potager de sa propriété, 81, boulevard Carnot. Son secrétaire Joseph Jooris fut accusé, jugé aux assises de Bruxelles en juillet 1912 et acquitté à la surprise générale. Le crime du Vésinet reste un mystère.

Au début de l'hiver 1911, le Vésinet est agité par un " mouvement social" . La corporation des jardiniers (c'est alors la plus nombreuse dans notre commune) est une fois de plus tentée de s'organiser contre la " rapacité bourgeoise" des employeurs ou contre les "renégats" qui acceptent de travailler pour des salaires de misère. Un " Cercle d'Etudes sociales du Vésinet" s'organise et tente d'offrir aux protagonistes des deux camps une " négociation" s'appuyant sur une étude fine de la situation.

Le 17 avril 1912, une très rare éclipse perlée traversait la France des Sables-d'Olonne à Charleville. La totalité dura deux secondes à Saint-Germain-en-Laye où les curieux s'étaient réunis en nombre. Les toits de Paris avaient été pris d'assaut même si l'éclipse n'était que partielle sur la capitale. A l'hôpital Bichat, au pavillon des opérés, tous les malades transportables avaient été installés aux fenêtres et un interne dévoué projetait l'image de l'éclipse sur un mur pour les quelques patients restés dans leur chambre. Au Vésinet, à la Villa La Marguerite, environ soixante personnes de familles parisiennes juives éminentes s'étaient rassemblées chez un de leur coreligionnaires pour regarder l'éclipse totale. " Cette éclipse fut occultée dans la presse par le naufrage du " Titanic" survenu trois jours plus tôt.

Le 16 janvier 1913, un Commissariat de 4e classe était officiellement mis en place au Vésinet. M. van Langhenhoven, chef du poste de Police fondé par le Maire Gaston Rouvier en 1909, avait été admis à postuler au grade de Commissaire. Depuis son installation en 1909, il avait trouvé dans plusieurs affaires criminelles (l'empoisonnement de Jules Godart, l'affaire Dallemagne, l'affaire Vermeersch) ou mondaines (Mme Steinheil, M. Merlou) des occasions de se faire apprécier de la hiérarchie.

Le 13 juillet 1913 fut inaugurée et consacrée l'église Sainte-Pauline, construite sur une propriété donnée en 1911 à l'évéché de Versailles par Madame Adèle Chardron, en souvenir de son mari, Joseph Armand Chardron. Le nom de Pauline est celui de leur fille Pauline, disparue en 1886, à l'âge de 20 ans.

La même année, la fin de saison fut marquée par un nouveau fait-divers : la mort de Pierrette Fleury décrite comme l'éthéromane du Vésinet, ses funérailles le 27 septembre attirèrent de nombreux badauds. Ce qu'on désigna durant quelques semaines comme l'Affaire des poisons du Vésinet, alimenta beaucoup de rumeurs mais se solda finalement par un non-lieu général.

La Grande Guerre (1914-1918)

Le 3 août 1914, l'Allemagne déclarait la guerre à la France. La mobilisation générale était proclamée. En quelques jours, le jeu des alliances plongeait presque toute l'Europe dans la guerre. Sur le front Ouest, les armées françaises, belges et britanniques reculaient tout l'été face à l'offensive allemande. Au début de septembre Paris était menacé. Le Gouvernement se transportait à Bordeaux.
Le Vésinet s'en trouva délaissé par une grande partie de sa population, celle qui n'y résidait qu'en villégiature. Les hommes partis, les familles demeurèrent sur place quelques semaines puis regagnèrent Paris. La plupart des grandes villas furent fermées. Désertées dès fin août 14, elles le resteront jusqu'à l'Armistice.
Avenues désertes, volets clos, jardins à l'abandon. Des jardiniers, des artisans, des commerçants sont au front. Pendant ce temps les principaux établissements de Santé du Vésinet sont transformés en hôpitaux militaires. L'
Asile National abrite à partir de 1916 un dispositif spécial de baraquements destinés à la cure des tuberculeux en hôpital-sanatorium de fortune. Plusieurs milliers de soldats atteints de tuberculose ou de plaies pénétrantes de poitrine viendront s'y faire soigner ou subir des examens. L'Hôpital Temporaire du Vésinet fût à ce titre un centre pilote.
La
Villa-Saint-Rémi de son côté devient l'hôpital auxiliaire n°30 (HA 30).

La municipalité s'organise. On recense la population effective: " les citoyens de bonne volonté qui, disposant de quelque temps, voudraient prêter à la municipalité leur concours gracieux, sont priés de vouloir bien se faire inscrire au secrétariat" . Les familles habitant au Vésinet, qui ont un de leurs membres sous les drapeaux, doivent se faire connaître en Mairie pour le payement d'allocations spéciales. Des déclarations sont aussi obligatoires pour les automobiles, les motocyclettes, les chevaux et autres animaux de trait, les voitures (à cheval ou à bras), les chiens.
En décembre 1914, le front est stabilisé et le Gouvernement est de retour dans la capitale. Le maire,
Gaston Rouvier, inspecteur général adjoint des services administratifs du ministère de l'Intérieur, avait dû, en tant que chargé de missions du ministère de la Guerre, délaisser la municipalité et suivre le gouvernement à Bordeaux [2 septembre]. L'interim avait été assuré par son premier adjoint, Camille Saulnier qui lui succèdera à la Mairie en 1919.
A la suite du retour du gouvernement à Paris, le 10 décembre, Gaston Rouvier reprend la direction des affaires municipales et adresse un message à la population:

    Remplissant un premier devoir, le maire, au nom de la ville, s'incline devant nos concitoyens dont les fils sont morts glorieusement pour la patrie. Le Vésinet saura conserver la mémoire de ses héros.
    En remerciant Monsieur le Premier adjoint Saulnier et messieurs les Conseillers municipaux non mobilisés du zèle et du dévouement parfait avec lequel ils se sont acquittés de leur mission, le maire, en prévision de la prolongation des hostilités, demande à tous les habitants de se grouper plus que jamais autour de la municipalité, pour assurer l'ordre public, les services communaux, le ravitaillement, coopérer à la reprise du travail, donner une aide fraternelle aux familles des soldats et des réfugiés, et secourir toute infortune.
    Informé des bruits mensongers que quelques personnes ont fait courir, à propos de son départ comme fonctionnaire, et pendant son absence, le maire juge de son devoir, en s'élevant personnellement au-dessus de calomnies qui ne sauraient l'atteindre, de rappeler à tous, par un avertissement formel, la nécessité absolue à l'heure présente de la solidarité communale, unique fondement de la solidarité nationale.
    Vive la France !"

    Mairie du Vésinet, le 15 décembre 1914, le maire, chevalier de la Légion d'honneur, Gaston Rouvier

La réception annuelle et le bal municipal du 1er janvier n'ont évidemment pas eu lieu. Depuis le début de la guerre, le Bureau de bienfaisance distribue des secours : Pain, viande, charbon, chaussures, soupes populaires, lait, médicaments, etc. Pour les cinq premiers mois de guerre, 18 267 frs auront été distribués. Le maire, et la commission administrative sollicitent les "généreux concitoyens" pour de nouveaux dons, nécessaires pour continuer à faire face à des demandes de plus en plus nombreuses et justifiées. Tous les habitants sont priés de prendre connaissance des avis qui sont affichés le samedi après-midi et seront envoyés à domicile, sur demande, contre un franc pour cinq numéros.
A la séance du Conseil municipal du 31 décembre 1914, le Maire a donné
lecture des noms des premiers "concitoyens, tombés héroïquement sur les champs de bataille, en combattant pour la Patrie, la Liberté, le Droit". Cette lecture est écoutée debout. Par la suite, chaque conseil municipal verra cette liste s'allonger.
La visite des engagés volontaires a lieu, au bureau de recrutement de Versailles, les lundi, mercredi et vendredi, à 8 h½. Les pièces à produire, outre l'acte ou bulletin de naissance, sont un certificat de bonne vie et mœurs, délivré par le maire et le consentement des parents, si le jeune homme n'a pas 20 ans révolus, ou du tuteur s'il est orphelin.

L'économie de guerre se met en place dès les premiers jours de 1915. Le Conseil municipal, a décidé qu'aucune charge nouvelle ne sera imposée aux contribuables, cette année là, par l'administration communale. Ce n'est pas une période de grands travaux. Pourtant, le cimetière communal vient d'être agrandi de 4 620 mètres carrés, c'est-à-dire qu'on en a doublé l'étendue. Le travail a permis d'occuper pendant deux mois 10 concitoyens en chômage. La dépense a été de 3 500 frs. Un rond-point central a été aménagé pour l'édification du futur monument aux "Enfants du Vésinet, morts pour la Patrie".
Le Préfet, en date du 19 janvier 1915 a réglementé l'éclairage public et privé: "L'éclairage des voies publiques sera réduit en permanence de 50%. Les maires prendront immédiatement toute disposition pour que cette réduction soit répartie sur l'ensemble de la commune, au mieux des intérêts en jeu, en la faisant porter tout d'abord sur les becs intensifs de 300 à 1000 bougies. Ils s'entendront au besoin avec les concessionnaires de l'Eclairage public".
Dès la chute du jour et jusqu'au matin, dans les appartements éclairés, les doubles-rideaux sont tirés ou les persiennes sont fermées ou au moins, la clarté de l'appartement est voilée pour l'extérieur, par tous les moyens efficaces. L'éclairage des établissements publics ou privés, des usines, des magasins et en général de tous les bâtiments qui "projettent une vive lumière au-dehors par des fenêtres, devantures ou baies vitrées, en façade ou sur cour, doit être réduit au strict nécessaire". Du coup, le soir venu, le Village est aussi lugubre que les avenues du parc.

Si la vie sociale continue, elle s'organise dans un but patriotique. Des matinées artistiques de bienfaisance sont données au bénéfice des soldats du front. Les fonds recueillis sont consacrés, par exemple, "à l'achat de sous-vêtements de laine qui seront portés sur le front en automobile". Diverses manifestations, décidées au niveau national, seront organisées localement par le Syndicat d'Initiative pour le développement de la Ville, association fondée en 1911 dans un tout autre objectif.
Ainsi le dimanche 7 février 1915 sera la "Journée du 75". Un insigne à la gloire de notre arme fétiche sera vendu, dans toute la France, au bénéfice de l'Oeuvre du soldat au front. Fondée par le Touring-Club de France elle se propose d'envoyer aux combattants tous objets de nature à améliorer leur bien-être. Au Vésinet, cette vente a lieu sous la direction de M. Galliard, président du Syndicat d'Initiative. D'aimables vendeuses sont munies d'une autorisation expresse, signée par le maire. Prudence oblige.

La Journée du 75 (7 février 1915).

Insigne à la gloire du canon de 75 mm vendu dans toute la France, au bénéfice de l'Œuvre du Soldat au Front.

 

Devant le succès de la quête organisée au profit du poilu, cette action fut prolongée pendant toute l'année 1915, avec vente de médailles et insignes qui rapportèrent 5.266.182 frs de l'époque à la date du 10 juin 1915. La vente, au Vésinet, rapportera une somme de 1800 frs déposée, selon les instructions préfectorales, à la Banque de France.

Les " Alsaciens-Lorrains" en résidence au Vésinet, " sont instamment priés de se présenter au commissariat de police avant le 1er février [1915], sans faute, pour obtenir ou faire renouveler d'urgence leur permis de séjour qui leur est nécessaire."Après tout, ils sont allemands ! Toutefois, la mesure ne concerne pas les pensionnaires de l'Orphelinat St-Charles.
Les sujets belges, domiciliés ou résidant au Vésinet, "qui ont été réformés, sont priés de se présenter au commissariat de police avant le jeudi soir 28 janvier [1915]". La Belgique réclame des soldats. La chasse au " tire-au-flanc" est ouverte. Le maire "a l'honneur de rappeler aux citoyens ou sujets étrangers de toutes nationalités qu'il leur est nécessaire, pour résider au Vésinet, d'être en possession d'un permis de séjour, qu'ils doivent demander au commissariat de police".
Le "foyer franco-belge", dont le co-fondateur est André Gide, adresse une demande d'assistance aux réfugiés des provinces envahies sollicitant "l'obligeance et à la générosité de quelques habitants du Vésinet, d'y loger des réfugiés."

La commission de ravitaillement [nommée, en vertu de l'état de siège, par arrêté municipal du 2 août 1914], en appelle au patriotisme des commerçants, pour "ne plus voir se renouveler les plaintes rapportées à la mairie, suite à une hausse injustifiée des prix".
En 15 mois de guerre 26.039 soupes ont été distribuées par le
Fourneau municipal, et 10.848 autres distribuées par les soins de M. Plunkett, conseiller municipal soit un total de 36.887 (80 par jour). Un grand nombre d'enfants ont pu ainsi bénéficier du service des soupes gratuites, installé depuis le commencement de la guerre au fourneau municipal de la crèche, rue du Départ. En janvier 1915, une Commission du ravitaillement sera mise en place pour organiser le rationnement. Plus tard, en 1916, Le Syndicat Communal de Consommation sera chargé de réglementer et d'organiser au niveau communal la distribution des produits de première nécessité faisant l'objet de rationnement, et plus particulièrement la viande (distribuée par une Boucherie municipale) et le charbon.

La société "Gaz franco-belge" , quant à elle, concessionnaire de la fourniture du gaz dans la commune, facture "en raison des circonstances actuelles" le gaz à 0,30 frs le mètre cube aux particuliers, au lieu de 0,25 frs, soit une augmentation de 20% pendant le temps des hostilités. Une commission spéciale est nommée par le Conseil municipal pour l'étude de cette délicate question. Il est vrai que les français d'avant guerre n'avaient pratiquement pas connu l'inflation.

Le 13 mars 1915, un détachement du 23e Colonial, composé de 10 officiers et 1100 hommes, est annoncé dans la commune pour y séjourner du jeudi 18 au mardi 24 mars. "Notre population fera le meilleur accueil aux représentants de notre armée nationale. Les habitants qui peuvent mettre à disposition de la troupe des fourneaux, lessiveuses et grandes marmites, pour la cuisson des aliments, sont priés d'en faire la déclaration immédiatement au secrétariat de la mairie". Engagé en septembre 1914 dans la bataille de la Marne où il avait subi de lourdes pertes, le 23e Colonial était alors en cours de reconstitution, avant d'être envoyé en Champagne.

En raison de ce qu'elle estimait être une "insuffisance des moyens de communication" avec Paris par chemin de fer, la municipalité n'hésita pas à prendre l'initiative d'une pétition, que tous les voyageurs furent (fermement) priés de signer à la mairie ou dans l'une des deux gares. La guerre n'interrompra pas les récriminations des usagers vis-à-vis de la Compagnie, récriminations relayées par les courriers des Maires depuis le début des années 1880 ! La vie continue et les services publics doivent fonctionner et on ne leur épargne pas les critiques. La "Gare du Pecq" [celle de 1861] aurait dû, de longue date, subir des transformations importantes, réclamées à cor et à cri par les municipalités successives. On souhaitait un aménagement des salles d'attente, la construction d'un étage ou d'un pavillon pour le logement du chef de gare.
Ces réclamations avaient déjà été formulées pour ces mêmes objets par le Maire du Vésinet dans une lettre ... du 1er octobre 1880. Elles avaient été renouvelées comme l'attestent les délibérations du Conseil municipal en dates du 23 décembre 1912 et du 24 février 1913. Elles n'avaient pas été satisfaites. Une nouvelle demande est donc transmise au directeur des Chemins de fer de l'Etat, fondée sur la pétition mentionnée plus haut. En pures pertes ces transformations ne verront jamais le jour.
Le Directeur des Chemins de fer de l'Etat, est aussi sommé, "considérant le grand nombre de pétitionnaires" de vouloir bien "apporter rapidement les améliorations nécessaires au service provisoire actuel" . La justification de la demande étant que "avec la belle saison, la population du Vésinet s'accroît dans une proportion considérable". Cet argument ne fit pas mouche. Et l'été 1915 ne vit d'ailleurs pas revenir les villégiateurs.

Au conseil de révision de la classe 1916, à Saint-Germain (qui se soint tenus en janvier et février 1915), le nombre des jeunes conscrits de la commune était de 45 dont 27 déclarés bons pour le service armé et pour le service auxiliaire. Il n'y eut que deux exemptions. Les hommes non-appelés sous les drapeaux, "doivent tous être munis d'un nouveau fascicule, modèle Z, daté du 15 mai 1915 (sauf ceux classés dans l'affectation spéciale, la non-affectation ou la non-disponibilité, qui doivent être en possession d'un certificat modèle n°61). Ces ajournés ainsi que les hommes exemptés ou réformés, ceux qui ont été maintenus exemptés ou réformés par le nouveau Conseil de révision, beaucoup plus avide de recrutement qu'en temps de paix, doivent être porteurs, en tout temps, d'une pièce justifiant de leur situation militaire : certificat d'ajournement, certificat d'exemption, livret individuel ou certificat de position militaire, mentionnant la nouvelle décision prise à leur égard par le Conseil de révision.

Le 14 août 1915, le Préfet adresse au Maire, en le priant de porter ces conseils à la connaissance de la population civile, l'extrait suivant de l'avis de la Commission des études chimiques près du ministère de la Guerre :

    Mesures à prendre par la population civile en cas d'attaques aériennes par les gaz asphyxiants.
    La commission estime que, quelle que soit l'activité des substances asphyxiantes qui pourraient être employées par l'ennemi au cours d'attaques aériennes, le danger qui en résultera sera toujours très localisé et de courte durée. En conséquence, la commission pense que les seules mesures pratiques à conseiller à la population sont les suivantes :

    • En cas d'alerte, se réfugier aux étages moyens des habitations, les caves et les rez-de-chaussée pouvant être envahis par les gaz lourds projetés sur les rues et les cours, les étages supérieurs pouvant être traversés par les projectiles.
    • Avoir toujours à sa portée un récipient plein d'eau et une serviette éponge. Au moment du danger, mouiller la serviette, la tordre légèrement et en recouvrir parfaitement la bouche et les narines, soit en l'appliquant avec la main, soit en la fixant avec des liens.
    • S'éloigner après s'être rendu compte du point de dégagement des gaz asphyxiants qui ne peuvent exercer leur action que pendant un temps court et dans un rayon assez limité.

En terminant, la commission émet l'avis que le public "doit être mis en garde contre l'insuffisance et parfois le danger d'appareils de toute nature proposés actuellement contre les gaz et non confectionnés suivant des principes rationnels". Les gaz ont en effet été employés bien avant que les moyens efficaces de protection aient été mis au point. Le 22 avril 1915, près d'Ypres, 180 tonnes de chlore ont été répandues sur 6 km du front. Poussé par le vent, le nuage de gaz a causé la mort de quelque 5.000 soldats et en a mis 1.500 autres hors de combat, provoquant une intense panique. Quelques semaines plus tard, le 31 mai, de nouvelles attaques plus meurtrières par un mélange chlore-phosgène sur le front russe feront 9.000 victimes. En juillet 1915, 100.000 obus chargés au bromure de benzyle seront tirés au canon de 155 en Argonne. Mais l'emploi des gaz ne faisait que commencer. Depuis lors, le spectre de la guerre chimique plane sur tous les conflits.
Le service spécial de "gazés" de l'
Hôpital temporaire du Vésinet, dirigé par le docteur Sergent, recevra plus d'un millier d'anciens "gazés" présentant de graves séquelles pulmonaires.

Si certains commerçants et des industriels ont jugé nécessaire d'ajuster leurs prix à la hausse, d'autres choisissent de faire profiter leurs concitoyens de leurs compétences. Ainsi, le docteur Darricarrère, qui avait, dès le commencement des hostilités, décidé d'assurer un service gratuit de consultations médicales [les dimanches, mardis, jeudis et samedis, de 2 à 4 heures, dans les locaux de l'école communale de garçons]. Le nombre de ces consultations dépassait 2500 à l'été 1915. La municipalité lui adressait, à cette occasion, "tous ses remerciements pour son concours si dévoué et si utile." Le docteur Darricarrère n'était pas seulement un médecin généraliste, altruiste et fort apprécié de ses patients. Ancien médecin-major, investi dans le mouvement néo-malthusien, il était aussi l'auteur des ouvrages susceptibles d'engendrer de vifs débats, sur les guerres coloniales (1904), le droit à l'avortement (1908), la syphilis (1914).

Par arrêté du Général gouverneur militaire de Paris, en date du 25 novembre 1915, fut interdite, sur tout le territoire du Gouvernement militaire de Paris et du camp retranché, dans les cafés, cabarets, estaminets et débits de boissons, la vente au détail des spiritueux aux militaires de tous grades ainsi qu'aux hommes appartenant à l'une des classes mobilisées ou mobilisables et affectés, en exécution de l'article 6 de la loi du 17 août 1915, aux établissements, usines, exploitations travaillant pour la Défense nationale. En conséquence, le Préfet de Seine-et-Oise en date du 26 novembre 1915, interdit la vente au détail des spiritueux le matin jusqu'à 11 heures dans tous les cafés, cabarets, estaminets et débits de boissons du Département. Interdiction applicable, pendant toute la durée d'ouverture de ces établissements, en ce qui concerne les femmes et les mineurs au-dessous de 18 ans. Qu'on se rassure ! ne sont pas compris dans l'interdiction le vin, la bière, le cidre, le poiré, l'hydromel (pourvu qu'ils ne titrent pas plus de 18°), les "vins de liqueurs et d'imitation, ainsi que les vins aromatisés préparés sans addition, macération ni distillation de substances contenant des essences" (pourvu qu'elles ne titrent pas plus de 23°), et les liqueurs sucrées préparées avec des fruits frais. On avait donc encore de quoi s'offrir une bonne cuite ! En outre, les militaires ne pouvaient consommer dans les débits que de 5 heures à 8 heures ½ du soir. De 5 heures à 9 heures du matin les commerçants ne pouvaient servir que le petit déjeuner, et de 11 heures à 14 heures, que le déjeuner.

Dès la fin de 1915, l'Oeuvre d'assistance aux mutilés des armées de terre et de mer de Seine-et-Oise, fit appel au concours des patrons qui seraient disposés à recevoir en apprentissage des mutilés de la guerre. Ces derniers étaient vivement incités à entreprendre une rééducation professionnelle. "Les mutilés des jambes, notamment, peuvent très bien apprendre des métiers comme ceux de cordonnier, tailleur, sellier, bourrelier, horloger, opticien, etc […] L'oeuvre aidera ses mutilés pendant la durée de leur apprentissage, de façon que les patrons puissent facilement récupérer leur peine et le temps perdu".

En février 1916, c'est Verdun, de nouveaux morts et quelques citations lues en Conseil municipal et affichées.
Les pertes de 1916 ont été terribles, mais la Guerre continue."En conformité de la loi du 1er décembre 1916, et du décret du 8 du même mois, le maire invite les jeunes gens nés du 1er janvier 1898 au 31 décembre de la même année à se présenter IMMEDIATEMENT au secrétariat de la mairie pour y faire procéder à leur inscription sur les tableaux de recensement de la classe 1918". Les parents ou tuteurs des jeunes gens de cette classe (déjà en activité de service, ou absents) sont également tenus de se présenter à la mairie pour y réclamer leur inscription... Les propriétaires de voitures automobiles et motocyclettes sont informés qu'ils doivent à nouveau se présenter à la mairie avant le 1er janvier pour en faire la déclaration. Sur réquisitions militaires, les possesseurs de chevaux, mulets et voitures de toutes catégories servant aux transports commerciaux, sont invités à faire de même. Les années se suivent et se ressemblent.

La réception annuelle et le bal municipal du 1er janvier [1917] sont encore remplacés par une cérémonie à la gloire des jeunes héros :

    Unis dans une même pensée, nous consacrerons le premier jour de l'année de la victoire à nos morts héroïques et à nos combattants. [Qui peut croire alors que deux années de combats restent à subir ? que le pire est à venir ?] Lundi prochain, 1er janvier 1917, vous viendrez pour eux à la mairie, notre maison commune, de 9 heures à 4 heures, apporter pour la deuxième fois votre souscription pour le monument qui témoignera à nos morts notre reconnaissance et pour l'envoi à nos combattants dont les familles ont besoin d'aide, d'une petite somme qui leur témoignera notre affection. Habitants du Vésinet ! notre dette envers nos morts et envers nos combattants s'est accrue avec la durée de la guerre. Lundi prochain, 1er janvier, tous, jeunes et vieux, vous sacrifierez un peu de votre temps pour venir leur prouver que vous pensez à eux, dans un même sentiment d'affection et de reconnaissance.

    Vive notre France ! Vivent les peuples alliés ! Salut à l'année de la Victoire !

Cent cinquante conscrits avaient reçu, à la suite de la souscription de 1915, un mandat de dix francs. Leurs réponses, "admirables d'énergie, de patriotisme et d' espérance" pouvaient être lues à la mairie.

Les difficultés temporaires de ces mois de guerre (ravitaillement, charbon, carte de sucre, services municipaux, insuffisance de personnel et de main d'œuvre) obligèrent le maire à faire un appel pressant à la population civile pour qu'elle prête à la commune, gracieusement, un concours devenu nécessaire. Tout civil qui jouissait de quelque loisir, était dans l'obligation morale de le donner au service public. Hommes et femmes, disposant de tout ou partie de leur temps, étaient donc invités à adresser au maire, avant le 20 février 1916, la lettre suivante :

    Je soussigné,…[nom, prénoms, adresse complète, profession et aptitudes], désireux de collaborer au service civil volontaire, déclare me mettre gracieusement à la disposition de la commune du Vésinet, pour tout travail d'utilité publique correspondant à mes forces et facultés, les jours ou demi-journées suivants (9 heures à midi, 2 heures à 5 heures) :…[indiquer les jours ou demi-journées disponibles] cette déclaration est valable jusqu'à nouvel ordre de ma part. (dater et signer).

On se réunit le jeudi 1er novembre 1917 dans la cour de la mairie, d'où l'on partit pour le cimetière. Des places étaient réservées dans le cortège aux parents des soldats morts, aux soldats présents au Vésinet, aux enfants des écoles, aux délégations des sociétés. La liste des morts, qui ne cessait de s'allonger, comptait déjà plus de 150 noms.

Démobilisé en septembre 1917, Emile Chartier, professeur de philosophie et écrivain sous le pseudonyme de Alain, achetait une petite maison au Vésinet non loin de la gare et du train qu'il prenait chaque jour pour rejoindre le Lycée Henri IV...

Le 11 novembre 1918, c'est enfin l'Armistice. Le 18, le maire s'adresse solennellement à tous les habitants:

    Cette semaine, les soldats de la France retournent dans les villes françaises de Metz et de Strasbourg délivrées. Pour leurs peines et leurs travaux, pour leurs longs efforts surhumains, quelle récompense et quelle gloire ! A leur retour prochain, nous tous, leurs compatriotes du Vésinet, nous saurons leur prouver avec enthousiasme notre reconnaissance et notre affection. Mais sans plus attendre, allons annoncer à nos grands soldats morts la victoire, – leur victoire !
    Félicitons-nous que des motifs d'inquiétude, aujourd'hui disparus, aient retardé la cérémonie du 1er novembre : nous n'aurions pu leur parler encore de la guerre abominable, à présent nous pourrons les remercier de la paix que nous leur devons.
    C'est pour dimanche prochain, 24 novembre, le lendemain de la délivrance de Bruxelles, de Metz et de Strasbourg, signes éclatants de la revanche du droit, que nous vous donnons rendez-vous, habitants du Vésinet, pour nous rendre tous au cimetière, où quelques-uns d'entre eux dorment déjà, où nous ferons revenir, nous en prenons l'engagement, le plus grand nombre de ces vaillants héros, de ces pauvres chers petits, où s ‘élèvera le monument que vous tous, du plus pauvre au plus riche, vous contribuerez à élever bientôt.
    A ce rendez-vous sacré, pas un de vous ne manquera. La mort de ces frères d'armes doit faire de nous tous des frères dans la Paix. Nous entendrons leur leçon : pour les pleurer, les remercier et les glorifier, la famille sera complète.
    Vive la France !

Le Conseil municipal, réuni en séance, le dimanche 17 novembre 1918, décida de dédier les principales voies du Vésinet aux "nations sœurs, aux soldats de la République, aux maréchaux Joffre et Foch, à Georges Clemenceau qui renouvela l'énergie de la nation".

  Les années folles(1920-1940)

La guerre elle-même n'avait point produit d‘extrêmes désordres au Vésinet. Et les années qui suivirent immédiatement 1918 ne furent pas, pour ses habitants, plus douloureuses que pour ceux des autres communes de France.
Mais, les facilités données par l'inflation, puis la très grave dépression qui s'en suivit, eurent dans le destin de la commune des conséquences imprévues. Les successions ouvertes, le désir de spéculer, puis bientôt le besoin de réaliser, amenèrent peu à peu un certain nombre de propriétaires à mettre leur bien en vente.

    "Les habitants de cet immense jardin, n'avaient cherché que leur tranquillité, ne s'étaient jamais soucié de faire connaître tout ce qui constitue le Vésinet actuel. Devant, les offres qui se multipliaient se présentèrent, à peu près seuls, soit des bâtisseurs d'immeubles à étages, soit des lotisseurs étrangers à la commune qui, sauf de rares exceptions, se souciaient peu de la beauté de ce petit territoire. Rien ne vint arrêter le désastre commençant. Une municipalité insuffisamment clairvoyante, ralliée trop facilement à la thèse de l'avenir inéluctable, toujours disposée, par surcroît, à compter les voix de ses électeurs, peu soucieuse de les éclairer sur leurs véritables intérêts, donna sans réflexion les autorisations de bâtir. On ne chercha pas à tirer parti de tout ce que pouvait offrir le Cahier des Charges, et encore bien moins à le parfaire par l'application des lois qui déjà cependant prouvaient que des voix inquiètes se faisaient entendre au Parlement.

Ainsi s'exprimait J. Schiffer, qui sera un des artisans du "sauvetage" du Vésinet. Avec 1930 arrivera la crise économique qui arrêtera à peu près toutes les opérations immobilières, petite conséquence heureuse d'un grand malheur.

Le 2 avril 1921, une Convention fut signée entre la Société des Terrains & Eaux du Vésinet, Société en commandite par actions, sous le nom de D'Anterroches & Cie (anciennement Pallu & Cie) ayant son bureau d'exploitation, 59, rue Maurice-Berteaux, et le Syndicat des Propriétaires du Vésinet, association constituée le 22 avril 1920, représenté par Messieurs Léon Ozouf, président du Syndicat, et Alfred Chollet, trésorier. La guerre avait profondément modifié les conditions économiques existant en 1863, époque de la création de la Société des Eaux et de la rédaction du Cahier des Charges. Et depuis, les compteurs à eau étaient devenus le mode le plus général de distribution. Aussi les parties convenaient d'un commun accord d'une révision des conditions du " Service  des  Eaux  privées" et du " Service  des  Eaux publiques" (l'entretien et l'approvisionnement des Lacs et rivières).
" La Société déversera dans les lacs et rivières une quantité d'eau suffisante pour alimenter un courant constant d'intensité notable jusque dans la partie du système de rivières et lacs la plus éloignée des points de déversement.[...] Les lacs et rivières seront toujours tenus par la Société en parfait état de propreté et d'étanchéité, sauf en ce qui concerne le Grand Lac qui appartient à la commune du Vésinet. Les curages et nettoyages auront lieu autant de fois qu'il sera nécessaire pour obtenir ce résultat. Les fuites seront aveuglées dès qu'elles se seront produites."
La convention comportait un chapitre intitulé Faculté de substitution prévoyant le désengagement de la Société D'Anterroches" au jour où ils auront constitué une Société spéciale pour ce service" [...] pouvant se charger de faire, à perpétuité et dans les conditions prévues, tant dans le Cahier des Charges que dans la présente convention le service des eaux publiques et privées" . Trois ans plus tard, c'était chose faite. La Société Lyonnaise des Eaux et de l'Eclairage désireuse de développer ses activités dans la région parisienne, avait fait l'acquisition des Eaux de Boissy-St-Léger et des Eaux et Terrains du Vésinet qui constituait une amorce de réseau de distribution dans l'Ouest parisien.

Le 10 janvier 1922 paraissait la publication au Journal Officiel de la création d'une nouvelle association  : l'Union Sportive du Vésinet. Le nouveau club naissait de la fusion de deux formations plus anciennes, la Margarita, créée avant la Grande Guerre, sorte de patronage où on pratiquait le sport et la musique, et l'Association Amicale des Anciens Élèves de la Ville qui s'occupait de son côté d'activités sportives. Ces deux sociétés continuèrent de fonctionner pendant la guerre. A la fin de celle-ci la Margarita disparût et devint l'Association Sportive du Vésinet avant de fusionner avec l'Amicale. L'U.S.V. était née. Le Vésinet Ibis Tennis Club fut fondé à la même époque en 1925.

En 1923, la Ligne Paris-St Germain fut équipée –  première en France  – d'un nouveau système d'espacement des trains qui devait autoriser la circulation des rames à deux minutes d'intervalle. C'était le " block automatique lumineux" . L'entreprise chargée de cette mise en place était la Compagnie des Signaux. Créée en 1903 par Francis Cumont, un pionnier de la signalisation électrique pour les chemins de fer et le métropolitain, la société devint la référence majeure dans les domaines mécaniques, électriques puis électromécaniques. En 1934, elle deviendra la C.S.E.E. ou Compagnie de Signaux et d'Entreprises Electriques. Les cartes postales anciennes conservent le souvenir de la maison de repos que la Compagnie avait installée au Vésinet à la même époque.

Le 19 octobre 1924, un dimanche gris et froid, est jugée au Vésinet l'arrivée d'une épreuve de 100 km de marche de fond. Le vainqueur, Emile Anthoine, en est aussi l'organisateur. Il milite pour le retour de la marche parmi les sports olympiques et souhaite voir instaurer des courses longues de 50 à 100 km. Il a lui même établi le record du monde de la discipline sur 100km en 10h15' en 1902.

Au printemps 1925, la commune du Vésinet célèbre son cinquantième anniversaire. Une brochure sortie des presses de l'imprimerie Ch. Brande au Vésinet, parait et présente à la population une brève histoire du territoire. Une vraie découverte pour les nombreux nouveaux arrivants. La population qui s'accroit de 50% entre 1911 et 1926, compte près de 9500 habitants. La ville, le syndicat des propriétaires, le Syndicat d'Initiative s'appliquent à relancer la location des villégiatures mais celle-ci est passée de mode.

A la mi-mars 1926, tous les journaux de la région annonçaient la mort du « Père Paul ». Qui était donc cette figure légendaire de la commune du Pecq, modeste voiturier, à 75 ans, du Pavillon Henri IV à St Germain  ? Sa longue barbe grise et frisée, sa poitrine couverte de médailles, photographiée et reproduite en cartes postales lui ont assuré une postérité inattendue.

En 1927, Le Vésinet vit réapparaître sous ses frondaisons un animal qui l'avait déserté depuis longtemps  : un cerf en fonte de fer, cadeau du Dr Raffegeau. On dit que ce don avait pour but d'occuper l'espace vide du Rond-Point Royal et d'y empêcher l'installation du kiosque Hériot.

A la fin des années 1920, la ville du Vésinet, propriétaire de l'Ile des Ibis, avait voulu remplacer la passerelle donnant accès (sud-est) à l'Ile par un pont pour permettre à la clientèle de la nouvelle Hostellerie d'y accéder en automobile. Le pont fut réalisé en juillet 1930 selon un procédé très original, en béton et acier, dû à MM. Mesnager et Veyrier. Malgré l'accueil mitigé de ce nouveau monument jugé trop massif, trop minéral dans ce paysage encore campagnard, ce pont devint très vite un des monuments emblématiques de ce nouveau Vésinet, celui des fêtes mondaines, des vedettes de cinéma et de music-hall, des voitures de sport...
Le pont ayant donné entière satisfaction pour un prix jugé modique, la ville demanda aux ingénieurs qui en avaient élaboré le projet d'en étudier un autre, concernant cette fois les deux ponts routiers dits de
Croissy et du Village (Alsace-Lorraine) franchissant la voie de chemin de fer. Le projet fut soumis ensuite à la compagnie nationale des Chemins de fer. Séduits mais prudents, les ingénieurs de la compagnie réclamèrent un complément d'études techniques. Celles-ci furent menées par le Comité de Mécanique de la Direction des recherches scientifiques et industrielles et des inventions. Pour ces études, un modèle réduit du pont de Croissy fut construit dans les locaux de l'Office National des recherches scientifiques et industrielles et des inventions à Bellevue. Et de nombreux rapports techniques et publications en ont découlé. Les ponts de Croissy et du Village furent finalement transformés en utilisant les principes de MM. Mesnager et Veyrier.

Le 13 juillet 1930, fut inaugurée la Maison du Combattant érigée grâce à une souscription de la section du Vésinet de l'Union Nationale des Mutilés Réformés. Grâce à quelques bienfaiteurs, et sur les plans de l'architecte R. Lord, le bâtiment fut construit, sur un terrain appartenant à la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest, au 11, rue du Général-Clavery.

Avec la paix, le caractère du Vésinet avait changé. Alors que jusque là, la plupart des villas étaient inhabitées l'hiver, la crise du logement, qui sévissait déjà, incita nombre de gens à se fixer au Vésinet toute l'année et le mouvement ne cessera de progresser. L'image de la villégiature s'estompa au profit d'un village que nous connaissons au travers des témoignages de nos parents et grands parents. Mais l'afflux de ces nouveaux habitants attira aussi les lotisseurs. Ils spéculèrent sur le morcellement des propriétés, bâtirent à tort et à travers, sans souci de ménager la beauté et l'originalité du site.
Fort heureusement, le Syndicat d'Initiative s'émut et alerta les Pouvoirs Publics. Pour marquer davantage sa volonté d'action, il se transforma en 1933 en
Syndicat d'Initiative et de Défense du Vésinet. Il fut alors convié par la Municipalité conduite par Henri Cloppet, à prendre part aux travaux d'une commission mixte du plan d'aménagement. Il obtint que le cahier des charges, qui constitue la " charte originelle" du Vésinet, fût non seulement incorporé dans le Plan d'Aménagement mais qu'il soit complété pour mettre fin au scandale causé par " l'esprit de lucre et le manque total de goût de trop nombreux lotisseurs et bâtisseurs" . Dès 1934, les lacs et les rivières du Vésinet étaient inscrits à l'inventaire des Sites dont la conservation présente un intérêt général. Enfin, en 1937, le Plan d'Aménagement du Vésinet était déclaré d'utilité publique.
Cette période fut marquée également au Vésinet par de nombreuses améliorations. L'éclairage des rues fut intensifié et modernisé, l'électricité remplaçant le gaz. Les quelque 80 kilomètres de routes qui sillonnent la commune furent goudronnées. Le réseau d'égouts fut développé (il ne sera achevé que dans les années soixante-dix).

Le 3 juillet 1935, vers midi, Le Vésinet fut secoué par une explosion extrêmement violente qui souffla une villa. L'événement fit la une des journaux. Il fallut l'intervention de l'armée pour les premiers travaux de déblaiement. Accident ou attentat? Cette affaire intriguait. Mis en cause par la presse au lendemain de l'événement, un habitant du Vésinet, Monsieur Rosen, fit imprimer et distribuer un tract pour se justifier. L'affaire se résuma finalement à une tragique tentative d'escroquerie à l'assurance dont l'instigatrice périt dans l'explosion.

En juillet 1936, le gros lot de 3 millions de frs de la Loterie Nationale est gagné par plusieurs garçons de café du Vésinet...

A la même époque, fortune faite grâce au tout nouveau cinéma parlant, au disque, au music-hall, des " vedettes" du spectacle, comme on les dénommait alors, Jan Kiepura et Martha Eggerth, Suzy Prim, Max Dearly, Jeanne Aubert, Carette, élirent domicile au Vésinet, contribuant à en faire un endroit à la mode.
En 1925 (à 2 heures du matin !) puis chaque année de 1927 à 1939, grâce à un ancien coureur cycliste devenu vésigondin en 1917, Julien Rudolphe, le départ du
Tour de France fut une attraction locale très populaire, animée en 1931 par Joséphine Baker, arrivée dans la commune en 1929, et aussitôt adoptée. Bien d'autres départs de courses cyclistes furent donnés au Vésinet  : Paris Roubaix (jusqu'en 1929), Criterium des aiglons (Paris-Cherbourg-Paris, 1924), etc.

Une autre tradition s'était instaurée durant les années folles, la fête des Pages & Charmettes de la Commune libre du Petit Montesson. Tirant son nom du Hameau du Petit Montesson qui figurait sur les plans du lotissement de MM. Pallu & Cie, centré sur le carrefour Route de Montesson - Avenue des Pages, c'est un quartier à vocation commerçante, plus populaire qui s'est beaucoup développé après la guerre avec le " Lotissement des Charmettes" destiné à écouler les nombreuses parcelles invendues dans le nord-est de la commune.
Cette " commune-libre" fait bien sûr partie du Vésinet. Elle possède son propre orchestre: les Bigophones, dénommés ainsi car leurs instruments de musique ont la propriété d'être en carton. Ils ont la forme de trombones, de pistons et leur son ressemble à celui des mirlitons. Les Bigophones sont habillés d'un pantalon blanc, d'une blouse bleue de meunier couronnée d'une lavallière. La fête des Pages & Charmettes a lieu tous les ans elle a aussi ses stands de tirs, ses manèges, ses boutiques et son bal. On désigne une
Reine et ses demoiselles d'Honneur. Qui ne se souvient de cette célèbre fête du 28 juin 1931, donnée pour les enfants de la " commune libre" rapportée dans le Courrier Républicain ?
Annulée en 1938 pour cause de mobilisation, la fête ne reparaîtra pas après la Guerre.

De la « drôle de guerre » à la Libération

Car voici de nouveau la guerre.
En mars 1940 des maisons et des bâtiments publics sont réquisitionnés pour loger des soldats. La
clinique Saint-Rémy connaîtra trois réquisitions: française, allemande et américaine. En mai, les écoles sont fermées. Le Colonel De Gaulle, séjourne, du 12 au 15 mai 1940 au Vésinet où le poste de commandement de sa 4e Division Cuirassée (en formation) avait été fixé.
Un mois plus tard, hélas, c'est l'Occupation. Edouard Clavery, alors adjoint au maire (1940), resté seul à la mairie, et s'appuyant sur la loi, refuse de quitter la place et de livrer la mairie au commandant allemand. Il tient si énergiquement tête à son puissant adversaire que celui-ci le menace de le mettre à la porte manu militari et lui montre même son revolver. Mais Clavery tient bon au point que l'officier finit par céder, se contentant de le traiter de " vieille viande" . Son frère, le
Général Clavery qui a donné son nom à une des rues du Vésinet avait été tué au Maroc en 1928. Ce serait à Edouard Clavery, peut-être conseillé par son beau-frère Louis Madelin de l'Académie Française que serait due l'appellation de Vésigondins donnée aux habitants du Vésinet, comme jugée plus euphonique que Vésinettois ou Vésinetiens. Pendant ce temps, le maire et la plupart des élus du conseil municipal étaient réfugiés à Vitré dans des conditions discutables.

Durant la retraite de l'Armée française, au mois de mai et juin 1940, les ponts du Pecq, de Bougival et de Chatou furent minés et partiellement détruits, rendant les déplacements et l'approvisionnement très difficiles. Le journal Le Matin du 10 décembre 1940 consacre en première page un article dont la plus grande partie est un interview d'Emile Thiébaut, maire du Vésinet, témoignant des difficultés de ses administrés à l'approche de l'hiver.

Une Kommandantur provisoire avait été installée à Chatou, 20 avenue des Tilleuls dès juin 1940. En novembre elle fut déménagée au 18-20 boulevard des Etats-Unis, au Vésinet, dans l'ancienne demeure de Jean Valéry Moncharville, qui avait exercé entre le 9 juillet et le 15 août 1875 les fonctions de maire provisoire. Cette villa de style XVIIIe, entourée d'un parc de près d'un hectare, était alors une des plus vastes de la commune.
La Kommandantur (structure de commandement de l'armée allemande, commandement militaire local en région occupée) avait pour mission de dicter aux autorités locales les consignes de l'occupant, en particulier les mesures concernant les juifs et les mesures de sécurité.

Pendant l'occupation, Le Vésinet, même si son territoire ou ses équipements publics et privés ne constituent pas en eux-mêmes des cibles particulières, n'est pas épargné par les bombardements. Trois restent dans les mémoires. Le premier par l'aviation allemande le 3 juin 1940, les deux suivants par les Alliés, anglais le 3 mars 1942 et américains le 1er juin 1944. Le Vésinet abrite un Centre d'écoute de la Marine allemande (installé dans l'Hôtel des Ibis et peut-être visé) et compte quelques victimes
Le 7 mars 1942, sont célébrées les funérailles des victimes du bombardement du 3 mars, en présence de MM. Charbin, secrétaire d'Etat au Ravitaillement, entouré de M. de Chatelux, représentant le ministre de l'Intérieur, du représentant du secrétaire d'Etat à la Guerre et d'un représentant de M. de Brinon. Le journal précise  : Les troupes d'occupation étaient représentées par le commandant de la place. Une foule énorme assista à la cérémonie. Elle n'avait pas pu prendre place tout entière dans la nef de Ste Marguerite, qui était occupée par les amis et les familles des victimes.
On remarquait au premier rang la municipalité, conduite par le maire M. Dessoudeix. A l'issue de la cérémonie religieuse, célébrée par le chanoine Weitlauff, M. Charbin a donné lecture du message du Maréchal.
Le lendemain, 8 mars, en raison des " circonstances exceptionnelles" (les bombardements), M. Charbin, fit mettre en distribution aux habitants de Boulogne-Billancourt des rations supplémentaires de légumes. En outre, pour le cas spécial des sinistrés, des distributions spéciales de chocolat ou de denrées similaires furent effectuées à la mairie de Boulogne-Billancourt. On décida d'étendre ces mesures aux communes de Sèvres, Meudon, Le Pecq et Le Vésinet.

Des épreuves tragiques atteignent la population et les plaques de marbre placées dans la cour de la Mairie évoquent le souvenir des 47 " morts au Champ d'Honneur" et des 44 déportés politiques ou raciaux exterminés dans les camps nazis.
L'Asile National est de nouveau transformé en hôpital militaire. Il sera utilisé successivement par les armées française, allemande  (Ortslazarett) et américaine. Il sera évacué par les américains le 19 septembre 1945. On peut lire dans la presse de l'époque : L'hopital du Vésinet a été évacué avant hier. Cet établissement n'était avant guerre qu'une maison de convalescence. Les Américains en ont fait un hôpital de chirurgie modèle avec des appareils de radiologie et quatre salles d'opération. Il sera néanmoins rendu à sa vocation première, prenant le nom d'Etablissement National de Convalescence du Vésinet (ENCV).

Durant l'été 1944, quelques semaines avant la libération, l'Asile avait reçu pour quelques jours le maréchal allemand Erwin Rommel. Grièvement blessé en Normandie, le 17 juillet, il fut aussitôt transporté à l'Hôpital militaire de Bernay dans l'Eure où il reçut les premiers soins. Dès que possible, il fut ensuite éloigné du front. Il arriva au Vésinet, au Leichtkranken-Kriegslazarett-Abteilung 680, le 24 juillet. Là, il reçut la visite de plusieurs officiers généraux allemands qui lui rendirent compte de l'attentat manqué contre Hitler, le 20 juillet. Rommel devait ensuite être rapatrié en Allemagne le 8 Août.

Libéré le 26 août 1944, Le Vésinet vit s'installer jusqu'en 1946 certains grands services américains. Il accueillit durant quelques semaines, en toute discretion, un groupe de savants allemands spécialistes en physique nucléaire, qui ne devaient pas « tomber en de mauvaises mains » soviétiques par exemple. Ils séjournèrent à la Villa Argentina, allée du Lac Inférieur, du 11 mai au 4 juin 1945, avant de gagner la Belgique puis la Grande Bretagne.

En octobre 1944, le conseil municipal présidé par un nouveau maire, lui aussi nommé par une autorité suppérieure, décidait de changer le nom d'une rue, pourtant privée donc hors de sa compétence. L'avenue du Maréchal Pétain devenait avenue du Général Leclerc.
Le même conseil municipal décida également d'honorer la mémoire d'un des plus mystérieux de nos villégiateurs : Médéric (Gilbert Védy) un résistant français qui se cacha plusieurs mois au Vésinet (disait-on). A arrêté par la police française au service des Allemands il se suicida pour ne pas parler sous la torture (21 mars 1944).

Puis, notre Village retrouva son calme et son charme de jadis, son climat agréable, son sol parfaitement dénué d'humidité, l'ombre de ses grands arbres, ses coulées de verdure, ses lacs poissonneux, et par dessus tout, cette tranquillité et cette quiétude qu'il est si doux de retrouver, le soir, après les fatigues et le bruit de la grande ville.
Aussi Le Vésinet fut-il de nouveau et de plus en plus recherché par les gens de lettres, les artistes, les diplomates,
célèbres ou non...

Les « Trente Glorieuses »

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale et jusqu'à la fin des années soixante, lentement mais inexorablement, le nombre d'habitants croit, augmentant insensiblement la densité. Au recensement de 1954, les Vésigondins sont 15.665, ce qui se traduit, entre autres, par des déplacements plus nombreux. En 1957, la ligne de chemin de fer enregistre plus de 1.500.000 voyageurs. De nouveaux établissements scolaires s'avèrent nécessaires. Après la création du Groupe Scolaire Pallu en 1949, MM. Dominique Denis et Menuel, architectes, édifient en 1956 l'école maternelle des Charmettes, puis les Groupes Princesse (1957-58) et des Merlettes (1959-60), ce dernier doté d'un gymnase et dont la cour, depuis 1966, est ornée d'une statue  : Pénélope œuvre de Mühlethaler.

La vie de la cité se déroule paisiblement dans cet « Oasis de verdure et d'air pur » que vante depuis les années cinquante la flamme postale du Vésinet. En 1966, un concours du Syndicat d'Initiative est à l'origine d'une nouvelle flamme illustrée, soumise avec succès à l'administration des P.T.T. et utilisée par la Poste du Vésinet à partir de 1967.

Un curieux personnage meurt au Vésinet en 1962. Henri Bourillon pour l'état civil, il a été successivement cuisinier, employé de chemin de fer, puis après un passage aux Arts et Métiers, ingénieur. Parallèlement, sous le nom de Pierre Hamp, il a poursuivi une carrière de romancier réaliste. A la gloire du travail, il avait composé, sous le titre général de La Peine des hommes, une quarantaine d'ouvrages sur la condition ouvrière.

La même année 1962, la municipalité conduite par Marc Ferlet célèbre le centenaire des travaux de Pallu en élevant au fondateur de la ville un monument situé devant la nouvelle Poste, boulevard Carnot (œuvre de Georges Labro, architecte, et de Félix Joffre, sculpteur). A la demande de Fred Robida, le monument sera, quelques années plus tard, complété par une inscription en l'honneur du comte de Choulot.

L'ancien asile impérial a pris en 1949 le nom d'Établissement national des convalescentes, mais l'ancienne dénomination d'asile reste en usage chez les autochtones, source de confusion pour les non-initiés. Ainsi, le directeur ayant fait installer en travers de ses allées des cassis pour limiter la vitesse des voitures de livraison, fut qualifié d'aussi fou que ses pensionnaires. En fait, il reçoit désormais des mères célibataires – on dit encore des filles-mères – dont on prépare la réinsertion. Le vaste parc boisé qui l'entoure est peu à peu envahi par des constructions. L'Etat propriétaire y installe plusieurs services techniques, administratifs et scientifiques de 1959 à 1970.

Une brillante fête vénitienne est organisée en 1961 à l'île des Ibis par Mme Victor Moritz [industriel alsacien, propriétaire du groupe Tréca] au bénéfice de la Croix-Rouge. Dans le même temps, cette île fait peau neuve : illumination des arbres, jets d'eau et nombreux volatiles, en cage ou en liberté qui viennent tenir compagnie aux hérons, aux canards et aux cygnes, dans l'espoir de retrouver la magie du lieu où, entre les deux guerres les Grands Cercles venaient faire la fête. Les mentions de « Zoo » ou de « parc zoologique » qui figurent sur les cartes routières de l'époque sont toutefois très exagérées.

Autres spectacles, les feuilletons télévisés qui trouvent au Vésinet des décors naturels et enchanteurs. Ainsi Belphégor, favori des téléspectateurs en 1965, dont quelques scènes se déroulent au bord du lac de Croissy et dans une belle maison, au 28bis avenue Georges-Clemenceau, due à l'architecte Louis Gilbert.

Mais la banlieue parisienne se transforme à un rythme toujours plus rapide. Déjà, dans les années qui ont suivi la guerre, de grandes propriétés, devenues une charge trop lourde, se sont morcelées, bâties de pavillons plus ou moins heureux – parmi lesquels, tout de même, d'intéressants exemples d'architecture contemporaine – accompagnés de jardins toujours plus réduits, relevant plus de la notion de « cité-jardins » que de la forêt habitée de Choulot. Des immeubles collectifs sont apparus, mais restaient l'exception. Or, dès 1956-57, ils se multiplient, élevant leurs cinq ou six étages au-delà de la cime des arbres.

La municipalité veille tant bien que mal à l'application du Cahier des charges de 1863 et du Règlement d'urbanisme de 1937, mais ces derniers n'ont pas tout prévu et se laissent parfois tourner. Des Vésigondins de plus en plus nombreux se demandent si leurs lacs et leurs pelouses résisteront longtemps à cette frénésie de constructions. Le béton, autrefois symbole de nouveauté et de progrès, illustrés au Vésinet par l'église Ste Marguerite, devient le matériau honni et le bétonnage, le fléau absolu.

Le Syndicat d'Initiative, à l'origine du Classement partiel du site en 1934 et de l'inscription à l'inventaire supplémentaire de toute la partie des lacs et rivières restant la propriété de la S.L.E.E., avait pris dès 1951 le nom de Syndicat d'Initiative et de Défense. Les menaces se précisant à l'occasion de la préparation d'un nouveau règlement d'Urbanisme, une « association pour la sauvegarde du Vésinet » ou, plus simplement, La Sauvegarde, est créée en 1962, qui se donne pour but de lutter «  contre toutes constructions abusives et d'étudier les moyens de les empêcher à l'avenir  ». L'association montre sa force et sa détermination en faisant annuler, en 1963, un permis de construire inopportun délivré rue du Maréchal Joffre.
Le dialogue entretenu avec la municipalité, mène à une impasse. Le projet de règlement d'Urbanisme est jugé par les associations dangereux et imprécis elles tentent vainement de le faire modifier et de collaborer à sa rédaction. Devant cet échec, la Sauvegarde et le Syndicat d'initiative et de Défense présentent en 1965, aux élections municipales, une liste constituée par les deux groupements. Elle est élue en totalité après une campagne quelque peu passionnée.
Alain Jonemann, qui n'appartenait à aucune des deux associations, devient maire. Issu d'une famille installée au Vésinet peu après 1900, lui-même natif de la commune, Jonemann n'est alors qu'un simple citoyen amoureux du Vésinet et bien décidé à le défendre envers et contre tous. La nouvelle municipalité remet aussitôt à l'étude le plan d'urbanisme.

Pendant ce temps, les limites administratives se sont modifiées. En 1963, Le Vésinet a été inclus dans l'arrondissement nouvellement créé de Saint-Germain-en-Laye. L'année suivante, en 1964, la Seine-et-Oise a été divisée en trois nouveaux départements : L'Essonne (91) au sud-est, Le Val d'Oise (95) au nord et les Yvelines à l'ouest, ce dernier conservant son chef-lieu de Versailles et son numéro 78.

La nouvelle équipe municipale se trouve devant une double tâche, contradictoire en apparence : sauvegarder d'une part l'œuvre de Pallu, le caractère unique de cette ville-parc et, d'autre part, la doter des équipements collectifs adaptés. La préservation de l'environnement (notion très novatrice à l'époque) est à rechercher sur le double plan de la protection des sites et de la réglementation d'urbanisme. Les deux voies seront explorées et utilisées avec succès.
L'exemple des voisins est d'ailleurs là pour montrer ... ce qu'il ne faut pas faire. Les perspectives que Choulot avait voulu conserver ou ménager vers les lointains se bouchent les unes après les autres. Jusque vers 1967, on jouit, au pourtour nord du lac des Ibis, d'une large vue sur la terrasse et le château de Saint-Germain. Une résidence vient s'insérer dans la perspective et les coteaux du Pecq sont peu à peu ensevelis sous les constructions.
En 1970, cinq ans après sa mise en chantier (près de 10 ans si l'on compte les travaux préparatoires de la précédente municipalité) le nouveau
règlement d'urbanisme, est approuvé et publié par le Préfet. Le maître d'œuvre en fut Paul Didier, premier maire-adjoint. La même année, M. Maurice Druon, ministre des Affaires culturelles, inscrit à l'Inventaire supplémentaire des Sites l'ensemble du secteur résidentiel de la commune. Le danger est écarté, au moins pour quelques années...

En 1966, Le Vésinet résonne d'un drame auquel la grande presse fait longuement écho. Le populaire acteur de cinéma Julien Carette, Vésigondin depuis vingt-cinq ans et maintenant paralysé, s'est endormi en fumant dans un fauteuil et sa cigarette a communiqué le feu à ses vêtements. Grièvement brûlé, l'acteur meurt quelques heures plus tard, le 2 août, à l'Hôpital de Saint-Germain

Le Vésinet, est en 1967 érigé en chef-lieu d'un canton comprenant les deux communes du Vésinet et de Montesson. Le premier conseiller général de cette nouvelle circonscription sera Alain Jonemann, régulièrement réélu ensuite. Le Vésinet compte alors 18 459 habitants selon les recensements, beaucoup plus selon les « estimations municipales » régulièrement publiées mais jamais entérinées dans les statistiques officielles.

Commune « verte » et entendant le rester, Le Vésinet est toujours en 1971 un territoire « agricole » on peut encore y recenser, sur quatre hectares, neuf exploitations de cultures, essentiellement florales, dont les productions (œillets, hortensias, cyclamens) sont appréciées sur le Marché-aux-fleurs. Durant des années, une exposition florale se tenait fin octobre dans l'ancienne salle des fêtes, à laquelle participaient 250 exposants, horticulteurs, jardiniers, avec le concours du jardin-école sous la direction de l'instituteur Dubray, qui a laissé le souvenir d'un maître hors du commun. Il y a aussi cinq fermes au Vésinet, totalisant huit vaches laitières, où l'on vient chercher le lait après la traite du soir. La dernière, celle de la rue Alphonse-Pallu, à cent mètres de la place de l'Eglise, disparaîtra en 1974.

Comme en bien d'autres endroits d'Ile-de-France, les efforts d'aménagement de la commune et ses intérêts se trouvent parfois en contradiction avec ceux définis par les pouvoirs publics pour l'agglomération parisienne tout entière. L'année 1968, en ce domaine, connaît une grosse alerte  : la prise en considération, par le District de la Région parisienne, d'un projet de rocade urbaine nord-sud, reliant Montesson au pont de Bougival, en empruntant le boulevard des États-Unis et le pont de Croissy, qu'il aurait fallu tous deux élargir. C'est pour Le Vésinet une menace de mutilation définitive, contre laquelle la quasi-totalité de la population se ligue et qui sera combattue avec vigueur et finalement avec succès, par la municipalité soutenue par les Associations. Une réunion publique organisée à ce sujet le 15 mars 1968 rassemblera plus de mille personnes, du jamais vu au Vésinet.

En matière d'urbanisme, d'ailleurs, tout est à refaire dès 1971 puisqu'une nouvelle loi foncière parue cette année-là édicte que les plans d'urbanisme en vigueur seront caducs le 1er janvier 1975 et devront être remplacés d'ici là par un nouveau document, le Plan d'occupation des sols (POS). Il faut recommencer ce travail de Sisyphe, mais cette fois bien facilité il suffit de reprendre suivant une présentation différente les dispositions essentielles du règlement, en lui apportant les quelques corrections suggérées par l'expérience. Les nouvelles constructions collectives prévues devront s'inscrire dans ce nouveau plan-masse.

Le besoin d'équipements collectifs se fait sentir, conséquence de l'accroissement de la population autant que de l'évolution des modes de vie et de l'enrichissement continu du pays depuis la fin de la Guerre.
Mais les équipements coûtent cher et dans cette commune non industrialisée, la taxe professionnelle s'appliquant seulement au commerce local, on dispose de peu de ressources. Alors que pour certaines communes alentour, la taxe professionnelle fournit 50 à 60% des impôts locaux, cette part n'est que de 19% pour Le Vésinet en 1970. Les impôts communaux en subissent le nécessaire contrecoup. Ainsi Le Vésinet se lance-t-il dans cette difficile entreprise de modernisation avec un budget limité et dans le respect affirmé du site, pour doter la commune des équipements administratifs, scolaires, sportifs, culturels, sociaux qui apparaissait indispensables à une cité moderne. L'effort avait été commencé peu après la fin de la guerre (Groupes scolaires, gendarmerie, stade). Il sera méthodiquement poursuivi par la nouvelle municipalité.
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Sur la ville, mai 1968 passe sans apporter autre chose qu'un épisode burlesque rapporté par Georges Poisson. Depuis quelques années, le célèbre chanteur Luis Mariano s'était installé au 86, boulevard Carnot, dans une grande propriété, composée d'une élégante villa de style Restauration, avec avant-corps à fronton côté cour et péristyle toscan sur jardin, entourée d'un parc que, au mépris du cahier des charges, il avait entouré de grandes grilles couvertes de tôles impénétrables au regard, qu'aucune autorité ne put lui faire modifier. Derrière ce rempart, il n'avait pas hésité à faire abattre de nombreux arbres pour creuser une piscine... Aux journées chaudes du printemps 1968, un groupe d'étudiants de la Sorbonne vient demander au chanteur de les aider. Il refuse de leur donner de l'argent, mais promet de leur acheter des vivres. Avec son secrétaire, il va remplir sa voiture de jambons, de saucissons, de boîtes de conserves que les « contestataires » doivent revenir chercher le lendemain. On ne les reverra jamais et le chanteur sera, plusieurs semaines durant, condamné à manger du jambon, au grand dam de sa ligne et de ses admiratrices.

Le Vésinet, est jumelé en 1972 avec une cité américaine, Oakwood, petite ville de la banlieue de Dayton (Ohio) puis avec Outremont, banlieue de Montréal (1975), Unterhaching, aux environs de Munich (1978). Plus tard viendront Worcester, en Angleterre (1994), Villanueva de la Cañada, en Espagne (2006). Il faut ajouter un " pacte d'amitié" en 1988 avec Hunter's Hill, en Australie.

Notre Ville-parc a toujours des résidents illustres : Le sociologue Jean Cazeneuve, membre de l'Institut, ancien président de TF1 François Ceyrac, ancien président du Patronat français, l'organiste André Fleury. L'historien Alain Decaux y vécut vingt ans au 7, rue Henri-Cloppet et y écrivit une grande partie de son œuvre. Il y demeurait encore lorsqu'il fut élu à l'Académie française. Le journaliste Philippe Bouvard habitera durant trente ans au 82, route de Montesson, une propriété léguée par le bâtonnier Allard à l'Institut de France, qui l'avait revendue par la suite. L'industriel Claude Marchal y rassembla ses collections d'instruments de musique mécanique... Le Vésinet compta également parmi ses propriétaires, célèbre mais non-résident, Jacques Chirac qui posséda pendant quelque temps une petite maison reçue en héritage, au 64bis avenue des Pages. Il a cependant affirmé ne l'avoir jamais vue.

Côté cinéma, avec les nouvelles méthodes de tournage en extérieurs, le cadre boisé du Vésinet et ses maisons pittoresques devaient attirer les metteurs en scène. On citera ici L'homme à l'imperméable de Julien Duvivier (1957), La nuit des généraux d'Anatole Litvak (1966), La diagonale du fou de Richard Dembo (1983), Tenue de soirée de Bertrand Blier (1986), L'Orchestre rouge de Jacques Rouffio (1989). Et aussi, après Belphégor, d'innombrables séries télévisées, Navarro, Commissaire Moulin, Les Cordier juge et flic, etc. On s'efforce d'en dresser l'inventaire.

En 1975, la commune célèbre solennellement le centenaire de sa naissance. Les 21 et 22 juin, de grandes fêtes se déroulent avec, le premier jour sur la pelouse des Ibis, un spectacle sonore, lumineux et artificier, sur un texte écrit par Alain Decaux. Le lendemain, la messe de Saint-Hubert, au son des trompes de chasse, précède la parade de la Garde républicaine, présentant avec son brio habituel la Maison du Roi. Hélas, la pluie est aussi de la partie...

La volonté intangible de préserver le site, est réaffirmée en 1977 par l'établissement du Plan d'occupation des sols (POS), définitivement adopté en 1979, et soutenue par l'État qui, en 1984, classe comme sites, à l'instar du Lac des Ibis, les quatre autres lacs, les rivières et les pelouses avoisinantes. Des édifices, l'église Sainte Marguerite (1978), la Villa Berthe (1979), le Palais rose (1986) obtiennent dans la même période leur inscription à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, bénéficiant d'un large périmètre de protection. L'ancien Asile Impérial et une partie de son parc (1997) puis une maison particulière, Wood Cottage (1993) seront inscrits un peu plus tard. En 2000, Wood Cottage deviendra le premier " monument historique" du Vésinet. En 2016, l'église Ste Marguerite sera à son tour classée " monument historique".

En 1980, l'inesthétique bassin du carrefour Cloppet – Fontaine – Villebois-Mareuil est remplacé par une jolie fontaine italienne, peut-être du XVIIe siècle, à deux vasques de marbre séparées par un groupe de dauphins et surmontée d'une sirène.
La même année, le maître-verrier vésigondin, Emmanuel Chauche, entreprend la restauration des vitraux de Sainte-Marguerite, puis complète le décor de l'église par des nouvelles verrières.

En janvier 1982, Radio-Boucle, radio locale associative née de la loi dite de dérogation au monopole d'Etat de la radiodiffusion, votée le 9 novembre 1981, voit le jour, installée au Centre des Arts et Loisirs du Vésinet, le CAL. Elle émettra sur la bande FM jusqu'à la fin décembre 1983, avant de fusionner avec sa consœur Radio-St-Germain, pour devenir Ouest-FM.

En octobre 1985 s'ouvre à la bibliothèque, un embryon de musée d'histoire locale destiné à rappeler à ses visiteurs que le passé du Vésinet remonte à beaucoup plus de cent ans et que deux mille ans de labeur ont fait de cette terre un réservoir sans fin pour les âges nouveaux [*].

Quelques mois plus tôt, était née la Société d'Histoire du Vésinet.

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    [*] Emprunté à Charles Péguy par Georges Poisson dans La Curieuse Histoire du Vésinet (1998, 3e édition) dont le chapitre Il y a toujours des arbres, a servi de trame à cette chronique des Trente Glorieuses.


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